Nîmes-Monaco (3-4) : La Crocro Académie en psychanalyse
Karoud a revu du foot, il se contente de ça.

Si on doit descendre, autant commencer par être en paix avec nous-mêmes.
PROLOGUE
Le cabinet du Dr Karoud est baigné d’une lumière tiède et bienveillante, procurée par une lampe de bureau discrète, posée sur un tabouret dans l’angle de la pièce. Les traits de couleur dorée caresse les meubles d’une teinte chaude, et semble faire s’animer les nombreux et lourds ouvrages qui se pressent sur la bibliothèque. Freud, Jung, Lacan et les autres se trouvent là comme de vieux amis, en habitués soucieux de respecter la quiétude des lieux. Engoncé dans son fauteuil, le Dr Karoud maugrée et se gratte nerveusement le sommet du crâne. « Il est à la bourre, celui-là. » Une sonnerie vient perturber la scène, et tire le vieil homme hors de son fauteuil.
– M. Nîmes Olympique ? Vous êtes en retard.
– Je sais docteur, je sais, par pitié ne me criez pas dessus.
– Je… Je ne comptais pas vous crier dessus. Je suis simplement à cheval sur les horaires, voyez-vous. Mais entrez je vous en prie.
– C’est vrai ? Vous n’allez pas me crier dessus ? Vous n’allez pas me frapper non plus ?
– Mais enfin, pourquoi ces questions ? Bien sûr que non, je ne vais pas vous frapper. Nous allons tout au plus essayer de chercher quelques réponses ensemble à votre malaise.
– Bon, bon, merci, merci docteur, vraiment.
– Ne vous asseyez pas par terre enfin, prenez ce fauteuil, là. Voilà. Bien, reprenons depuis le début voulez-vous ? Vous vous appelez donc…
– Nîmes. Nîmes Olympique.
– Voilà… Et donc, qu’est-ce qui vous amène ?
– Et bien je… Je… Je suis une merde, docteur, je suis une merde, je ne sais pas jouer et je NON NON COACH NE ME FRAPPEZ PAS S’IL VOUS PLAIT !
– Pardon ? Mais enfin calmez-vous !
– Oui, oui, pardon. Excusez-moi il faut que je reprenne mon souffle. Je ne sais pas ce qui m’arrive, ça me fait ça depuis une semaine.
– Que s’est-il passé il y a une semaine, Monsieur Olympique ?
– Eh bien, mon entraîneur, Monsieur Jérôme Arpinon, a été mis à pied par NON NON CE N’EST PAS MOI QUI AI PARLE A LA PRESSE COACH JE VOUS JURE NE ME FRAPPEZ PAS !
– Calmez-vous, calmez-vous, je vous en conjure. Nous sommes dans mon cabinet. Je suis le docteur Karoud et je ne vous veux aucun mal. Regardez-moi. Vous êtes en sécurité. Allons, reprenons depuis le début voulez-vous ? Vous êtes donc footballeur professionnel, c’est bien cela ? Depuis longtemps ?
– Oh oui, depuis 1937. Enfin, je suis né en 1937, mais j’ai eu une histoire compliquée. Je ne voudrais pas vous embêter avec ça.
– Mais je suis là pour vous écouter, Monsieur Olympique.
– Et bien vous voyez, j’ai été très connu dans les années 60 et 70, j’étais respecté même, partout en France on trouvait que j’étais une brute, mais au moins on me respectait, on me craignait même. Et puis tout est allé très vite ensuite. Il y a eu ces cons qui sont allés monter un club à la Paillade, avec l’argent des poubelles. Et moi, ensuite, je suis devenu mauvais. Je ne saurais pas vous l’expliquer. J’avais peut-être fait mon temps ? J’étais peut-être en surrégime ? En tout cas j’ai commencé à devenir mauvais. Tout le monde s’est mis à se foutre de moi. Je me suis tellement fait humilier, docteur, si vous saviez. J’ai dû aller jouer à Créteil-Lusitanos, à Wasquehal, à Romorantin, à Louhans-Cuiseaux. Vous imaginez ? J’ai réussi, parfois, à recommencer à jouer convenablement. Mais je suis si fatigué, parfois, docteur…
– Mais ce Jérôme Arpinon que vous avez mentionné…
– NON NON COACH NE ME FRAPPEZ PAS !
– Calmez-vous, je suis là. Excusez-moi, je ne prononcerai plus son nom. Cet entraîneur, vous l’avez connu quand ?
– Oh je… Je ne m’en souviens plus précisément. C’était il y a des années, il est arrivé un jour comme ça et il s’est mis à insulter tout le monde, il était toujours là, à me regarder comme si j’étais sa chose, comme s’il pouvait me faire ce qu’il voulait, comme si AAAAAAAAAH !
– Qu’avez-vous vu ? Quelle image vous est venue en tête ?
– Un jour, il m’a obligé à me mettre tout nu et il m’a fait courir sur le Victor Hugo pendant des heures, et puis il me frappait avec sa ceinture et il me disait que j’avais pas de couilles, qu’il allait me mettre le cul rouge.
– Je vois. Vous souffrez probablement d’un stress post-traumatique, Monsieur Olympique, c’est relativement classique dans votre profession. Je vais vous prescrire un anxiolytique léger, afin de calmer vos angoisses. Mais ça ne suffira pas, le reste va nous prendre du temps. Vous êtes prêt à revenir me voir ?
– Oui docteur. Mais je ne suis qu’une merde, vous ne devriez pas vous intéresser à moi.
– Je vous regarde et je ne vois pas « une merde », Monsieur Olympique. Vous avez des atouts. Une histoire. Rien n’est perdu. Pour commencer, je voudrais que vous repreniez les choses par le bon bout. Ce Jéro… cet entraîneur dont vous me parliez, il a été remplacé, je suppose ?
– Oui. Par un type chauve avec les lunettes de Léon Blum que je n’avais jamais vu avant.
– L’important c’est qu’il ne vous frappe pas et vous laisse jouer au foot, Monsieur Olympique. Pour le reste, on avisera. On va repartir de zéro, vous le voulez-bien, Monsieur Olympique ? Vous allez recommencer à jouer au foot. Je compte sur vous. Pour la suite, je ne peux rien vous promettre, beaucoup de choses dépendent de vous. Je vais vous raconter une blague, tiens. Vous savez combien il faut de psychanalystes pour changer une ampoule ? Non ? Et bien, un seul, mais il faut que l’ampoule ait vraiment envie de changer ! Hum, je vois que ça ne vous fait pas rire. Mais pour vous c’est la même chose, à peu près. Allez, on se voit la semaine prochaine. Ce sera 70 euros s’il vous plaît. Non, je n’accepte pas les maillots invendus de Lamine Fomba, désolé.
Lentement, Nîmes Olympique sort du cabinet du Dr Karoud, la tête basse, encore secoué par des tremblements erratiques. Après avoir doucement refermé la porte, le psychanalyste s’écroule dans son fauteuil et se murmure à lui-même : « Eh ben, on n’est pas sortis de l’auberge ».
LE MATCH
Et bien ma foi, on a vu du foot. On a perdu aussi, mais c’est presque anecdotique. Une entame catastrophique, des boulevards derrière, mais des ressources et la preuve que ce groupe mérite infiniment mieux que cette place de lanterne rouge. Fait chier qu’il ait fallu attendre autant. Les images ci-dessous, et on va surtout parler des artistes.
LES COLLEGUES
Reynet (2/5). 4 buts encaissés, et on était en droit d’attendre mieux de lui, notamment sur le 2e but, où il ferme mal l’angle. A sa décharge, il est à chaque fois abandonné par la défense.
Meling (1/5). Difficile de ne pas avoir envie de lui parler du pays après ce match. Il laisse Golovine tout seul sur les deux premiers buts, sans doute une solidarité de principe entre peuplades d’Albinos alcooliques.
Briançon (2/5). Il a eu bien du mal à détacher le tractopelle accroché à son cul. Largué sur les ballons en profondeur.
Miguel (2+/5). J’ai noté peu de choses à lui reprocher, ce qui est un progrès réel le concernant. Une doublure crédible, à défaut d’être parfaitement rassurante.
Alakouch (1/5). C’était les journées porte-ouvertes côté Tribune sud. Alors oui, il te fait une remontée de balle avec roulette sur Ben Yedder et tu as envie de tout lui pardonner. Mais BORDEL Sofiane, tu peux pas laisser Balo-Touré centrer DEUX fois de suite une main dans le slip sans te faire appeler Alfred.
Cubas (2+/5). Des beaux gestes et une activité de récupération incessante. Plus à l’aise dans le combat que dans l’orientation du jeu. Remplacé par Fomba, qui nous salope l’occasion de revenir à 4-4 en fin de match.
Deaux (3/5). Tellement mieux quand il joue à sa bonne place… Un but qui récompense une belle activité. On aura besoin de lui pour un (hypothétique) maintien.
Benrahou (3/5). Punaise… On ne saura jamais s’il était puni parce qu’il n’avait pas dit bonjour à Arpinon ou juste parce que sa gueule ne lui revenait pas, mais quel plaisir de revoir un joueur de foot dans le 11. Encore incertain dans le placement, et largué dans le repli défensif en début de match grâce aux excellents conseils d’Alakouch, mais on sent qu’il en a sous la semelle.
Ferhat (3+/5). Installé sur son mauvais pied, il finit avec un but et une passe dé. Nous assistons peut-être là à un processus de Ribérysation. Sans être étincelant, il est toujours aussi indispensable.
Ripart (1/5). Présent sur le second but, mais toujours aussi emprunté. Il faudrait le laisser se reposer et le relancer en joker, à mon humble avis. Remplacé par Eliasson, qui claque un coup-franc splendide et une passe qui aurait dû être décisive pour Fomba.
Koné (1+/5). On retient ses ratés, mais moins son activité et ses appels. A sa décharge, il se procure des situations, à sa décharge il faudrait qu’il en plante une de temps en temps. A sa surdécharge, de toute façon Nolan Roux est cramé.
PS : La conférence d’après-match de Pascal Plancque était plus lucide que l’ensemble des propos tenus par Arpinon depuis le mois d’août.
PPS : C’était bien de revoir du foot, et on a déjà fait ça par le passé, mais la lutte pour le maintien s’annonce très difficile. Il faut parier sur un regain total de motivation et sur un coup de mou général chez nos concurrents. Allez les gars.
Et suivez Horsjeu sur Twitter, c’est la seule raison d’espérer dans ce contexte de merde. Suivez également la fine fleur académicienne nîmoise : Karoud Fider et Stanislas Carwash.
Une psychANALyse. Voilà un format intéressant. Allez-vous en faire une série à la façon de la saga audio « Chez le psy » (que je vous recommande si vous ne connaissez pas).