Sochaux – Nancy (2 – 3) : La Chardon à Cran Académie souffre en silence.
la complainte de l’imposteur
Pour qui a passé sa vie dans un sentiment d’illégitimité, a laissé tomber en cours de route des dizaines d’œuvres entamées dans l’ivresse d’une inspiration subite, faisant de l’inachevé sa muse, pour qui a donné sa vie au dieu de l’échec et en a conçu soigneusement, renoncement après renoncement, le constat définitif qu’il était un gros naze de première, remettant tout en question et particulièrement les choses essentielles à la première contrariété, celui qui a appris dix entrées aux échecs et abandonne dès que son adversaire en connaît une onzième, déteste la concurrence mais, par paresse intellectuelle, s’afflige de l’évidence de la jalousie quand d’autres réalisent ce dont il serait moralement incapable, pour qui sonne chaque matin le glas de la futilité plutôt que le joyeux carillon de la légèreté, pour celui que la laideur afflige au premier regard vers une surface réfléchissante tandis que le voeu secret de devenir un ange sur terre le torture d’autant plus, pour qui pleure secrètement à la moindre pensée que son imposture puisse transparaître de manière visible, reconnaître avec sincérité le talent authentique d’une personne et assister à la réussite qui en découle est parfois constitutif d’une joie insoupçonnée.
Le match
Le match est un derby pour les uns, une simple opposition entre deux équipes vaguement de l’est pour les autres, sans intérêt pour la majorité. Est-ce à dire qu’on s’emmerde ? Nenni, car le jeu n’est pas trop dégueulasse, exception faite des fautes d’équarrisseurs dont se rendent coupables des locaux pas décidés à ce qu’on reparte tous entiers en Lorraine.
Tout ça serait presque sympathique si les Lionceaux ne trouvaient le chemin du but peu avant la mi-temps en profitant d’une apathie défensive assez complète dans notre surface. Mais le pire est à venir, marquant le début d’une décrépitude de l’âme : alors que la seconde période est bien entamée et que la domination nancéienne atteint son pinacle, que le souhait d’une égalisation semble si proche de son accomplissement, un dénommé Moletenis (qui a, à n’en pas douter, fait changer une lettre de son nom pour évacuer une labiale un poil difficile à assumer) dévie un ballon tellement chanceux d’une aile de pigeon dérisoire dans notre but que nous trouvons la ressource de souplesse nécessaire pour nous en mordre une couille dans l’instant. 2-0, 65e, tout semble perdu.
N’ayons pas peur de nous enfoncer dans le cliché pour décrire la situation : c’est la merde. Et un poncif en attirant un autre, le sort d’un tel match a besoin d’un capitaine pour être dénoué (du Ménès dans le texte, arrêtez moi). Bref, n’en ayant que faire de ces ronds de jambe, Capitaine Saint-Ruf fait un rond bizarre avec son genou, ce qui a l’heur de catapulter le ballon sous le toit du filet adverse. On n’a pas vraiment le loisir de se demander si c’est fait exprès car une folle idée nous étreint : et si ?
C’est que voyez-vous, on se pose légitimement la question quand on voit Sochaux peiner à porter le ballon dans son propre stade. En tant que visiteurs, on n’est pas souverains non plus, mais on se prend à imaginer des choses vu le nombre d’occasions qu’on se crée. La fin de match ne palpite pourtant pas tant que ça mais à la manière d’un baron de Munchaüsen sous anti-dépresseurs, Nancy finit par entrer sa main dans la rencontre à la 85e jusqu’au fin fond des tripes (là où ça sent pas très bon) et la retourne comme un gant en marquant deux buts coup sur coup, à la 85e et 87e minute. On leur en voudrait presque d’avoir attendu si tard pour nous libérer d’une performance inconfortable tout au long de laquelle on a fait des nœuds à notre slip, mais une fois encore, il faut s’y résoudre : la joie l’emporte.
Alors qui c’est les usurpateurs, maintenant ?
Les notes
Sourzac 3/5
Il pourra invoquer le placement audacieux de ses camarades ou les extraits suspects de semence de cétacé sur ses gants devenus glissants, il n’empêche qu’avant la fête, il encaisse deux buts dont au moins un devrait le voir se poser des questions avant d’engueuler sa défense de flétans morts.
Julloux 3/5
Oh il est sympa le Julou mais il nous rappelle un peu les gars qu’on met à son poste pour éviter qu’ils gênent les milieux et les défenseurs.
Saint-Ruf 5/5
Buteur révolté, défenseur pas forcément souverain et capitaine bien dans ses crampons d’une équipe qui semble disposer d’une sorte de mental forgé dans le désespoir et l’amour du Correisme, ce coquin a coché toutes les cases du dépassement de fonction pour remettre son petit monde dans le bon sens.
Thiaré 3/5
C’est quand on commence à chercher des blagues qui n’ont pas de sens sur des gugusses dont on n’a pas la moindre idée de qui il s’agit et qu’on se rend compte à les relire qu’elles n’ont pas non plus grand rapport avec la choucroute qu’on doit faire le constat qu’on n’a vu le match que d’un oeil distrait.
Experience 3/5
On a noté qu’il couvrait le hors-jeu sur le 2e but de Sochaux, mais on ne sait plus si on doit placer ce constat dans le positif ou dans le négatif.
Carlier 3/5
Ça tripote toujours la balle au milieu avec une nonchalance qui ressemble à du confort. On aime.
Ebonog 4/5
Lui aussi tripote bien, et même mieux.
Bouabdeli 3/5
Pas en réussite malgré sa grosse activité, il a encore montré sa faim de buts et son talent, ce qui a sûrement poussé ses adversaires à tenter de lui briser les genoux. Ils n’auront réussi qu’à forniquer en rond tandis que Pablo ourdissait son succès.
Dabasse 3/5
Quand bien même il n’a pas semblé ménager ses efforts entre les lignes pour trouver de bons points d’appui dos au but ou quelques courses dans le dos, le fougueux écrivain, légèrement aviné, n’a produit qu’un mot en guise d’analyse à son encontre, d’un coup de crayon fébrile directement sur le bureau (oh j’ai raté ma feuille, ça va) : “Nul”.
Bokangu 3/5
C’était pas les grandes heures des bouffeurs de ligne droitiers qui régalent le premier plan de notre écran, mais ça valait la peine d’être vu.
Touré 4/5
Trop fort pour cette équipe, qui gagne tout de même sans qu’il marque. Ce joueur nous crée des nœuds dans la tête.
Marcel Picon