Structuration et déstructuration

Le manque d’ambition de l’Atlético Madrid face à Barcelone et sa capacité à réagir une fois le premier but encaissé permettent plusieurs pistes de réflexion sur la manière d’aborder une rencontre face à l’une des meilleures équipes au monde.

  • Peut-on obtenir ce qu’on veut quand on sait simplement ce qu’on ne veut pas ?

Pas vraiment. En refusant délibérément d’attaquer, l’Atlético s’est retrouvé face à un problème difficile à résoudre : rester sur cette ligne de conduite ou tenter le hold-up. La question ne se pose que si le Barca n’est pas dans une domination totale, ce qui était le cas dimanche et l’a souvent été à l’extérieur cette saison. Bien entendu, la possession était blaugrana, mais celle-ci ne débouchait pas sur des actions dangereuses, tant et si bien que la porte était ouverte. Une fois l’ouverture du score concédée, les Madrilènes se sont trouvés dans l’obligation de changer de mentalité, et ont rapidement eu plusieurs occasions, jusqu’à marquer une dizaine de minutes plus tard. Événement imprévisible, le coup franc vainqueur de Messi est l’une des variables liée à toute rencontre, mais Madrid était dans le vrai lors de la seconde période. Vouloir gagner peut entraîner la défaite, mais vouloir ne pas perdre entraîne quasiment systématiquement un échec. Si Barcelone n’a aucun risque d’encaisser un but mais ne parvient pas à marquer, la tentation sera grande de dépeupler l’arrière garde, et comme Piqué et les autres sont d’excellents renforts offensif…

  • Un bloc compact peut-il résister ?

Indéfiniment cela est compliqué, et suppose une parfaite intelligence tactique. Concrètement, il faudrait que chaque percée soit rendue presque impossible par un rapprochement extrême des lignes défensives, et que chaque montée des latéraux soit couverte. Selon le niveau de Barcelone, le nombre de moments potentiellement dangereux, sera plus ou moins grand. Dimanche, il n’y en a eu que peu, mais c’est sur l’un d’entre-eux qu’est intervenue l’ouverture du score. Aspiré par Messi dans l’axe, Juanfran a déserté son côté et permis a Fabregas d’arriver libre dans la surface. Si le problème vient d’un oubli dans l’axe, il est lié à la menace que représente Messi, mais aussi à un mauvais travail en amont. Le jeu du Barca est par définition très dépendant de l’axe, car c’est là que se font les percées et qu’est redirigé le jeu vers les ailes. Autrement dit, pour bloquer Alves, il ne suffit pas de rester face à lui dans son couloir mais il faut qu’un milieu défensif empêche Xavi de le trouver en coupant les lignes de passes. C’est là que l’aspect de bloc est intéressant : au plus les lignes sont resserrées, au plus il sera difficile de trouver un homme seul dans les 30 derniers mètres. Il sera également très difficile d’être pris à revers sur des balles en profondeur. Sauf que cela revient à la stratégie d’attente de la première question. Il faut donc savoir défendre bas, mais aussi évoluer plus haut quitte à sortir de sa zone de confort.

  • Faut-il mettre de l’impact physique ?

Ce n’est pas la seule manière de faire, mais elle a des résultats. Même Busquets, le seul véritable milieu de terrain impressionnant, a une dimension physique moyenne dans les duels. Iniesta et les autres peuvent courir pendant des heures, mettre l’épaule quand il faut et réaliser un vrai travail de milieu récupérateur, mais ils sont vulnérables quand ils sont face à des murs. La personnalisation de cet épouvantail serait le Michael Essien de la grande époque, mais il y a d’autres moyens de stopper la machine que de devoir avoir un joueur de cet acabit dans ses rangs. Elles ne sont pas forcément l’aspect le plus romantique du football, mais les fautes tactiques permettent de tuer dans l’oeuf les actions dangereuses. Gabi, qui a passé son match à tendre le pied dès que quelqu’un passait près de lui balle au pied, a été l’un des seuls (7 cartons pour l’Atlético) à ne pas prendre de jaune. Jamais très propre, il n’a pas non plus été sale, tandis que Tiago était à ses côtés pour essayer de rattraper les éventuels contrevenants et fluidifier le jeu dans la relance. Gouverner c’est prévoir, et c’est en anticipant les courses et passes dangereuses que l’on peut faire disjoncter le Barca. Attendre que le rideau défensif soit exposé et c’est ouvrir des possibilités.

  • Quel est l’intérêt de déstructurer un 4-4-2 ?

En deuxième période, alors que le score était nul et que l’Atlético aurait pu recommencer à refuser le jeu, Simeone a compris qu’attendre était le meilleur moyen de perdre. Il a donc étiré les lignes, ou plus exactement en a créé de nouvelles. C’est ainsi que Tiago est monté d’un cran pour former une ligne avec Arda et Falcao, tandis qu’Adrian restait loin devant pour obliger le Barca à garder des éléments rapides en défense, l’Espagnol étant beaucoup plus rapide que le Colombien. Avec ces trois joueurs, l’Atlético s’est consacré à une tâche simple : priver le milieu de temps. En laissant Gabi et Koké en plus des quatre défenseurs derrière, le club hôte ne prenait que des risques limités, tout en se donnant des possibilités de contre-attaquer. Par réflexion, le Barca s’est également retrouvé scindé en deux, Iniesta devant soit rester avec Xavi et percer le mur balle au pied, soit monter et attendre que son compère le trouve. Le Barca n’a finalement jamais vraiment réussi à lier les deux groupes, et les rares fois où le premier rideau a été passé cela ne débouchait que sur des situations intéressantes et non des actions en tant que telles. Et si ce changement de système fait évoluer l’équipe dans une sorte de 4-2-3-1, les joueurs gardent leur identité et le repli dans le 4-4-2 d’origine se fait facilement. Proposer plusieurs systèmes défensifs alors même que celui de base marchait bien, et savoir qu’on pourra proposer une vraie opposition si jamais Barcelone se relâche (la vitesse de Turan et Adrian et le jeu de tête de Falcao si un contre débouche sur un coup-franc ou corner), c’est de l’adaptation positive, et c’est sans doute cette manière qui est la bonne pour faire vaciller Barcelone. Cela ne marchera pas toujours, mais c’est en voulant l’action plus que la réaction qu’on fait douter un style de jeu à vocation totalitaire.

L’Apprenti Footballologue.

El service non habla espanol, pero estan muy sympa, los imagines estan aqui. Moustache Gracias service.

2 thoughts on “L’apprenti footballologue analyse Atletico Madrid-F.C. Barcelone (1-2)

  1. C’est bien gamin. Très bonne idée que cette nouvelle approche de la rencontre. Plus ciblée, plus didactique et plus originale.

  2. Comme le souligne justement Michel, cette idée d’approche est bien réussie en plus d’être fort intéressante. On sent que quand il s’agit du Barça, notre footballologue sait se sublimer.

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