En Serie A, le mercato estival 2022-23 a été marqué par le départ à l’étranger de plusieurs jeunes joueurs italiens à fort potentiel. Du déjà coté Scamacca au petit jeunot Casadei, retour sur un phénomène qui interpelle. Bonne ou mauvaise chose ? Le temps nous le dira.

« Partir un jour.. » Stop, on arrête tout de suite avec les 2be3 mais le verbe partir a souvent été utilisé cet été par des jeunes footballeurs italiens de belles perspectives. Il faut dire que les temps ont bien changé depuis la fin du siècle dernier et pas que pour la fin des boys band. La Serie A a perdu son titre de meilleur championnat d’Europe, l’arrêt Bosman a rendu le football de plus en plus cosmopolite et les joueurs italiens s’expatrient désormais de plus en plus tôt. Et de plus en plus facilement. On savait les Anglais plutôt réfractaires à quitter leur ile mais les Italiens n’étaient pas mal non plus pour s’accrocher à la Mamma et au Calcio préférant souvent faire une interminable gavetta entre Serie B et Serie C avant de connaitre les joies du très haut niveau plutôt que de tenter leur chance dans un pays qui donne (justement) sa chance aux jeunes.

Car oui, le premier problème italien est le peu de considération que les clubs de Serie A (et particulièrement les plus importants) ont pour les éléments nés et formés dans la Botte. Une statistique éloquente est le nombre de joueurs italiens né après le 1er janvier 2000 à avoir été titularisés lors de la 1ere journée de l’actuel exercice de Serie A. 6 sur 222 joueurs. On peut en rire ou en pleurer, c’est au choix mais comment en vouloir dans ces conditions à Lorenzo Lucca ou Mattia Viti de prendre la poudre d’escampette est filer aux Pays-Bas ou en France, deux pays où (dans le football tout du moins) le talent n’a pas d’âge. Avec deux ans d’avance, Wilfried Gnonto, désormais international A, avait suivi le même chemin. Direction la Suisse et Zurich plutôt que 4 prêts consécutifs en Serie B tout en étant sous contrat à l’Inter. Avec le recul bien lui en a pris. Ses paroles portent un regard éclairé sur la situation. « Si j’étais resté à l’Inter, je ne jouerais pas en équipe d’Italie aujourd’hui. Les clubs italiens ne donnent pas leur chance aux jeunes. C’est pour cela que j’ai choisi de partir. » Et de ne pas revenir car malgré son nouveau statut, Gnonto n’a pas reçu la moindre offre d’un club italien cet été.

Second souci, la plupart des clubs italiens sont en manque de liquidités et vendre au prix fort ses meilleurs jeunes est une bouée de sauvetage. C’est un peu la situation que vient de connaitre l’Inter en cédant son meilleur prospect, Cesare Casadei, 15M€ (plus 5 de bonus) à Chelsea afin de ne pas toucher à l’ossature de l’équipe première, en particulier Milan Skriniar. Certes perdre le défenseur slovaque aurait été une catastrophe pour les Nerazzurri mais avec une vision à long terme plus efficace, n’auraient-ils pas été en mesure de garder aussi bien Skriniar que Casadei ? Un manque d’argent global qui n’a pas permis aux gros de l’élite de se positionner sur Gianluca Scamacca finalement vendu 36M€ par Sassuolo à West Ham ni même de s’aligner avec l’offre de Nice de 13M€ pour le défenseur d’Empoli Mattia Viti.

D’ailleurs quel grand club italien accepterait de mettre autant d’argent sur un élément de 20 ans avec seulement 20 matchs de Serie A dans les jambes et qui plus est de formation italienne ? Aucun. Ils sont fous ces niçois ont-ils du penser. Fou comme Lorenzo Lucca qui préfère rejoindre l’Eredivisie pour devenir le premier joueur italien à porter le maillot de l’Ajax plutôt que d’accepter de signer à Bologna avec un rôle de vice-Arnautovic à la clé. Autre cas emblématique de la situation actuelle, celui de Destiny Udogie, latéral gauche de l’Udinese qui intéressait la plupart des grands clubs italiens. Entre réflexions, atermoiements et inflexibilité des Bianconeri, l’international U21 a finalement rejoint Tottenham pour 26M€ (bonus inclus) avant d’être prêté dans la foulée aux Frioulans.

Manque d’attrait pour les jeunes italiens, difficultés financières et vision du projet exclusivement à court terme, les clubs italiens laissent filer sans sourciller beaucoup de footballeur du cru. Si cela est dommageable sous plusieurs aspects, les joueurs en question pourraient quant à eux y trouver leur compte et finalement franchir un palier qu’ils n’auraient peut-être pas franchi en Italie. La réflexion des sélectionneurs nationaux, Mancini et Nicolato (U21) va d’ailleurs dans ce sens. Pour Il Mancio, se frotter à d’autres cultures footballistiques est un plus indéniable dans la progression d’un joueur et pour le sélectionneur des Espoirs, l’important pour un jeune c’est de jouer.

Nos petits ouailles partis se frotter au grand monde ont-ils eu raison de s’en aller ? La réponse, comme souvent, n’est ni un grand oui ni un grand non. Cela dépend des situations et des perspectives. En restant un an de plus en Italie, Udogie a été sage et l’Anglais étant sa langue maternelle la prise de risque est limitée. Pour Viti, c’est l’occasion qui a fait le larron. L’offre niçoise était intéressante pour lui et pour le club mais il doit maintenant se faire une place dans le onze de Favre. Une saison de plus à Empoli n’aurait pas été un luxe.

Qu’une histoire d’amour naisse entre Scamacca et la Premier League cela semblait une évidence tant le profil de l’ancien giallorosso sied au championnat anglais. Reste à prouver qu’il est l’attaquant dont West Ham a besoin. S’il s’impose, l’Italie aura certainement son grand attaquant. L’autre tour de contrôle Lorenzo Lucca prend ses marques à Amsterdam dans un club qui a l’habitude de lancer tranquillement ses jeunes éléments. Un test grandeur nature pour connaitre le niveau réel du plus grand footballeur pro italien (par la taille) en circulation.

Sacrifié par ses dirigeants, Cesare Casadei, meilleur joueur du dernier championnat Primavera, aura la tâche la plus ardue. Chelsea croit fortement en ses qualités mais se frayer un chemin chez les Blues est quasiment aussi compliqué qu’a la Juve, l’Inter ou le Milan.

Cette tendance risque de devenir encore plus importante à l’avenir même s’il y a des exceptions comme la Juventus par exemple avec Rovella, Fagioli et Miretti. Dans l’absolue, si on peut critiquer les clubs pour leur frilosité envers les jeunes et leur manque de vision à long terme, les joueurs concernés ont beaucoup à y gagner. De l’expérience, des méthodes de travail différentes, une ouverture d’esprit tactique et technique et pleins d’autres choses. Le grand vainqueur de cette histoire sera peut-être notre très chère Nazionale qui tel un phénix pourrait renaitre une nouvelle fois de ses cendres grâce à une nouvelle jeunesse dorée biberonnée et élevée par les Anglais, Français ou Néerlandais.

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