Il y aura trois préambules à ce onze mondial. Ne m’en voulez pas trop : ils se répètent, ils disent la même chose à leur manière, ils n’introduisent pas vraiment plus qu’ils ne me servent d’excuses pour les blancs que laisseront ce onze historique. Vous pouvez donc ne pas les lire tous, ne pas les lire du tout, voire refermer aussi vite cet onglet que vous ne l’avez ouvert, parce qu’après tout, aujourd’hui, qui peut donc avoir envie de lire un long pavé sur les joueurs glorieux d’un club modeste comme le SC Freiburg ? Sauf si vous comptez vous placer à l’idée de la reprise de la Bundesliga. Auquel cas, bienvenue. Freiburg est le bon choix.

Mais il y a trois préambules car, pour aborder le SC Freiburg, il fallait de toute façon en passer par ces mots d’excuses, de contexte, d’explications et de cadrage. Tout aussi normal que soit ce club, tout aussi allemand qu’il puisse être, tout aussi insignifiant à l’échelle des coupes européennes et des granchampionnats qu’il demeure, le SC Freiburg a une histoire du football à raconter : sa manière de le vivre, de le faire vivre et de le perpétuer. Loin d’être impeccable, loin d’être grandiloquente, loin d’être merveilleuse ou miraculeuse. Ce Freiburg fait depuis longtemps ce qu’il peut, avec son enthousiasme bien à lui. Et si ce onze permet de rendre une petite justice à cela, le boulot sera réussi. Mais cela nécessitait bien trois préambules totalement pompeux. Désolé.

Quand Volker rendait hommage au meilleur admirateur du génial génie.

Un onze de types normaux ?

Un jour, un joueur m’a dit qu’à Fribourg, la politique était de recruter des mecs normaux, ou plus exactement des gens « sympas, équilibrés et intelligents ». Ce n’est bien sûr pas tout à fait vrai, surtout en s’éloignant de l’époque dont il parlait, le début des années 90. Il y aura des exceptions, des types timbrés, des énigmes, des talents bruts… Mais dans l’ensemble, l’histoire du SC Fribourg est celle de la normalité dans un monde qui l’est de moins en moins. Alors en faire un onze historique relève d’un mélange de puits sans fond, à chercher parmi un collectif de normalités qui a fait les heures réussies du club, et d’un léger désert : oui, l’histoire du club au plus haut niveau est récente. Et oui, moi-même, je ne peux en parler assez honnêtement et sérieusement que depuis une grosse dizaine d’années, lorsque je suis arrivé sur le flanc gauche. Mais justement, en pleine coupure, alors que le club fait une saison à son image, honnête, sympa, équilibrée et putain d’intelligente, soyons un peu couillon et osons construire la plus belle équipe de Fribourg possible. Même si rares sont les joueurs qui sont restés, car souvent ils sont happés par un club un peu plus prestigieux lorsqu’ils sortent du lot, même si l’équipe doit beaucoup à ceux de l’ombre à leurs côtés et même s’il y a quelques anormaux dans le tout, parce qu’il en faut quelques-uns, il y a une certaine prime aux longues histoires ici.

L’histoire ?

Je serai bref là-dessus et je serai volontiers plus long à l’avenir, si quelqu’un le veut. Le SC Freiburg n’est pas exactement le plus grand club de la ville. C’est une particularité qui, tout de même, mérite d’y passer trois mots avant d’aborder le reste. Il y a également le Freiburger FC qui, pendant des années et des années, dominait la région en s’installant plus ou moins en 2e division nationale. Et globalement, tant que cet équilibre tenait, le FFC était le plus aimé (les chiffres d’affluence sont nets). Puis Achim Stocker a modifié tout cela avec le SC Freiburg, qui a d’abord rejoint son ami-ennemi en D2, rivalisé un petit peu puis profité goulûment de sa chute, au point de s’offrir son stade pour en faire celui de sa réserve – un geste qui sauve financièrement le FFC mais l’enterre véritablement au niveau sportif et symbolique (il est aujourd’hui en D5). Alors quoi ? Le SCF est un profiteur ? Oui, un peu. Le SCF n’est pas historique ? Si, quand même. Le SCF est le plus grand club de Freiburg ? Ca se discute, donc. Et donc oui, le SC Freiburg n’a donc pas que des leçons à donner, il s’est adapté aux finances du sport professionnel, il s’est construit, il a grandi. Cela doit lui rappeler (parfois) qu’il vient de loin et qu’une place ne lui sera jamais garantie. En fait, il n’aurait jamais dû en être là où il est, en mai 2020, alors qu’il est un modeste club secondaire d’une petite ville à la frontière avec la Suisse et la France.

Les années « miracle » ?

Pour comprendre ce onze, et parce que je pars du principe que bon nombre d’entre vous n’ont probablement pas en tête le parcours du SC Freiburg au fil des ans, j’insisterai sur ces années à retenir : 1993, 1998, 2003, 2009, 2016. Ce sont les années de promotion du club vers la Bundesliga, presque toujours avec titre de D2 en poche (maudite année 98). Il y a une certaine régularité. Et pour autant, en trente ans (ou presque), cela montre que le club reste relativement instable, incapable comme d’autres de se maintenir pendant plus de dix ans (salutations à Augsburg ou Mainz). Il y a une petite explication interne à cela : à Freiburg, quand on joue la Bundesliga, on estime que c’est un miracle. Une fois encore, le club sait qu’il n’a rien à faire là. Mais il insiste pour y rester et y retourner, en demandant poliment s’il est toujours accepté. C’est ce qu’on pourrait appeler être sympa, équilibré, intelligent. Il est donc naturel que ce onze s’intéressera avant tout à cette période faste. Oubliez les années 80, oubliez Jogi Löw, cela ne compte pas totalement pour l’histoire d’aujourd’hui. S’il y a un onze historique à construire, ce doit être celui de ce moment étrange où le SC Freiburg est devenu un visage connu et familier de la Bundesliga, sans être reconnu pour autant, alors qu’il continue de jouer dans son stade étriqué et pas totalement réglementaire pour les dernières fois (si tout va bien). Le reste a son importance, bien entendu, mais pas pour cette fois. Ce sera donc un onze 92-2020, avec une petite prime aux dernières années, la mémoire n’étant pas mon fort.

L’entraîneur : qui de l’œuf ou de la poule compte le plus ?

C’est la question piège du onze historique. Il faut donc en commencer par là, par le banc. Il y a six ou sept ans, ce n’était pas encore un problème pourtant. À Freiburg, Volker Finke est intouchable normalement, avec seize années à la tête du club, parmi les plus réussies très sûrement, dont la saison de la 3e place en Bundesliga. Mais en tant que poule créatrice, Finke a laissé des œufs. L’un d’eux dirige l’équipe première depuis un peu moins de 10 ans. Surtout, Christian Streich n’a pas vraiment à rougir sur les années de présence, que ce soit comme joueur puis comme entraîneur : une présence technique ininterrompue depuis 1995, tout d’abord à s’occuper des jeunes, puis depuis janvier 2012 (officiellement) avec l’équipe première. Et cela n’est que pour les chiffres.

Mais dans l’incarnation du club, là encore, le duel est intense. Volker Finke a tout du soixante-huitard magnifique devenu écolo aux abords des années 90, les cheveux blonds dans le vent, le prof de sport qui roule ses clopes sur le bord de la pelouse en dirigeant ses hommes, qui se déplace à vélo, qui arrive avec des idées offensives et humaines à la fois et qui finalement se retrouve à répondre au téléphone pour l’intendance du club en même temps qu’il conduit les entraînements, entrepreneur total pour conduire le club en Bundesliga, en osmose totale jusqu’à la fin (ou presque) avec son président, Achim Stocker. Finke est devenu pendant 16 ans l’incarnation inévitable du SC Freiburg. Son départ est pourtant moins joyeux, à s’expliquer avec Stocker dans le rond central plutôt que de prendre les fleurs tendues, après son dernier match sur le banc, alors que le club loupe encore la remontée en Buli. Finke a construit toutes les bases, toutes les idées directrices du SCF, dont l’une des plus fondamentales : les entraîneurs doivent également être des professeurs, comme lui. La pédagogie fait partie du boulot.

Mais si Streich fait la différence désormais, c’est pour sa manière d’incarner à son tour le club jusqu’au bout, jusqu’aux détails qui vont bien – le bonhomme s’exprime en dialecte – dans une période du football plus féroce, avec des moyens décuplés. Il semble être le garant de la place de Freiburg, ni trop gros ni sans ambition, heureux de jouer en Bundesliga avec l’espoir de semer un peu de zizanie et de surprises quand il faut se payer le Bayern ou Leipzig, le garant d’un discours de gauche à l’occasion en conférence de presse, que ce soit sur le monde du football ou sur des problèmes sociétaux. Il se présente aussi simplement que cela puisse être comme ce qui peut arriver de mieux au club, pour un long moment encore.

En fait, le problème se pose ainsi : le SC Freiburg aurait-il connu la Bundesliga sans Finke ? Probablement pas. Le SC Freiburg serait-il en Bundesliga en 2020 sans Streich ? Probablement pas non plus. Et comme ce onze veut avoir de l’avenir avant la mémoire, il mise entièrement sur Christian Streich.

Une deuxième place totalement assumée

Gardien : Richie Golz (98-2006)

Difficile de faire ressortir un gardien sur ces trente ans. Peu sont restés assez pour être véritablement indéboulonnables. Mais à la fin des années 90, Golz a réussi à tout connaître avec Freiburg avec un certain talent : petit tour en Coupe d’Europe avec un 16e de finale perdu contre le futur vainqueur, Feyenoord, deux descentes et une montée. Surtout, même s’il avait parfois quelques trous dans les gants, il avait la belle détente qui plaît tellement et un certain talent dans les un contre un qui lui donne une très légère tête d’avance. Et j’avais très envie d’écrire Heart of Golz.

https://www.youtube.com/watch?v=VeqlRoUbLL8
Un génial résumé de Golz qui prend cinq buts, parfois avec un certain talent

Sans oublier les moments fous de Baumann, Schwolow le convertisseur ou encore la belle tignasse de Schmadkte.

Latéral droit : Sascha Riether (98-2007 et 14-15)

Sascha a connu deux entraîneurs avec le SCF : Christian Streich et Volker Finke. Le premier par deux fois – et le second deux fois, mais pas toujours à Fribourg (ni comme entraîneur). L’homme sait dédoubler à merveille, alors il ne pouvait pas jouer ailleurs qu’au poste de latéral (même s’il s’aventure parfois ailleurs). Et à Fribourg, à un poste pas toujours bien occupé, il a été l’une des meilleures sorties du centre de formation – futur champion d’Allemagne avec le Wolfsburg de Magath notamment. Riether est surtout un homme dont on se dit qu’il aurait sûrement pu être celui d’un seul club si les dernières années de Finke avaient été un peu plus chanceuses. La preuve : si Riether est parti, il a su revenir filer un dernier coup de main, sans prétention. Rien que pour cela, il mérite sans problème sa place.

Dommage pour Sorg, parti trop vite à la dernière relégation, Willy et ses belles chevauchées dans les années 90, ou le Kanzler Ralf Kohl.

Défenseurs centraux : Heiko Butscher (07-12) et Boubacar Diarra (97-2007)

S’il est un poste un peu difficile à pourvoir dans ce onze, c’est bien celui de défenseur central. Il y a eu du beau monde pourtant, dans des styles aussi divers que le permet le poste : du rugueux, du géant à l’ancienne, du soyeux, du bourrin, de l’improbable, du risqué, du fou furieux (plus rare). Mais parmi tous ces joueurs, peu sont restés dans la longueur : Ginter ? Parti au moment de devenir champion du monde. Söyüncü ? Raflé logiquement par l’argent des Anglais. Fallou ? En perdition trop vite. Koch ? Pas sûr que ça dure (au club)…

Alors prime tout d’abord à Heiko Butscher. À plus d’un titre, son rôle à Freiburg mérite d’être souligné dans de drôles de périodes. Venu de Bochum sous Robin Dutt, Butscher s’installe comme le bonhomme de la défense, avec une certaine élégance, et ne laisse quasiment que des bons souvenirs jusqu’à sa sortie. Car lorsque Dutt part, et que Freiburg vacille un peu pendant six mois, lui, capitaine, reste… Et lorsque Streich arrive, il le fait finalement partir. Mais à aucun moment Butscher ne nuit au club. Aujourd’hui encore, depuis Bochum, son passage de quatre ans et demi dans le Sud de l’Allemagne apparaît comme une parenthèse enchantée, pour les deux parties, avec une influence hors du terrain très forte. Le départ aurait dû être différent. Il n’a pas pu l’être. Mais pour l’éternité, il restera le batteur du clip de « SC Freiburg Vor ». Rien que pour cela, il méritera toujours une place particulière au SCF. Allez, cadeau : un cours de batterie avec Heiko Butscher et un clip qui ne vient pas d’une colonie de vacances. Oui, c’est bien le même homme à la batterie.

Mais qui pour donner et encaisser les coups à ses côtés ? Il le faisait bien avec les golgoths Barth et Krmas. Mais pour un onze historique, je suis allé chercher quelques années plus tôt : voici Boubacar Diarra. Non, je n’ai pas grand-chose à raconter sur lui. Il est arrivé à 18 ans. Il est resté 10 ans. Il a cumulé 200 matchs. Il a participé à la fin de l’ère Finke. On n’en saura pas vraiment plus. Il n’y a rien sur lui, rien qui transparaisse, et pourtant il a fait le boulot comme peu, avec sérieux, constance, bien que ce n’était pas toujours très propre, à en croire sa belle intervention virile en début de match à la fin de la saison 2001 contre Wolfsburg, ou la main moins discrète et moins utile que celle du grand Titihenry à 3-0 contre Frankfurt la même saison. À eux deux, ils feront une bien belle base arrière.

On n’oublie donc pas les glorieux Söyüncü, Barth, Ginter, Krmas, Diagne, Heinrich ou encore Koch.

Latéral gauche : Christian Günter (2006-…)

Günter est un survivant. Alors qu’il paraît au bord de la rupture en permanence, il passe toujours entre les mailles pour devenir, petit à petit, le joueur le plus influent des cinq dernières années. Car Günter n’est pas celui qu’on pourrait considérer comme le plus talentueux, le plus incontournable ou le plus rassurant. Certes, il a gagné un peu dans son jeu offensif depuis une ou deux saisons, mais il y a toujours un doute sur sa manière de défendre, la pertinence de son placement et de ses interventions. Pourtant, il est là. Encore et toujours là. Et peu importe les joueurs qu’on glisse dans ses pattes, il passe systématiquement devant, et ce depuis le centre de formation, à une époque où il continuait de faire l’aller-retour depuis la forêt noire matin et soir. Depuis cette enfance, personne ne pourra jamais le déloger tant qu’il aura envie de jouer et progresser. Günter est l’anachronisme qu’il fallait à Freiburg pour garder les pieds sur terre, ce joueur à l’ancienne qui joue pour le club de sa région même en D2, qui a terminé son diplôme dans l’industrie mécanique avant de rejoindre les U19 du SCF et qui ne semble pas être très concernés par les à-côtés du football. Günter est un survivant des années 70-80, à une époque où Fribourg rêvassait seulement de la Bundesliga, qui projette le club vers les années 20.

Définitivement seul au monde.

Milieux axiaux : Julien Schuster (08-18-…) et Jens Todt (91-96)

Ginter a été champion du monde en étant (presque) au SC Freiburg ? Oui. Mais Jens Todt, lui, a été champion d’Europe avant de partir – sans jamais jouer un match, lui non plus, mais est-ce un détail important ? Parce qu’avec Freiburg, Todt jouait. Il jouait beaucoup. Il jouait toujours. Il ne loupait presque pas un seul match, sans presque jamais sortir du terrain (34 matchs sur 34 lors de la première saison en Bundesliga, remplacé uniquement lors de la 24e journée, me souffle Wikipedia). Tout cela est finalement logique pour un mec que Finke avait pris dans ses valises lors de son arrivée dans le sud de l’Allemagne. Logique surtout parce que Todt s’est vite acclimaté à l’ambiance familiale et autogérée du SCF de l’époque, squattant pendant les premières semaines chez le président, Achim Stocker, en attente d’un logement. Logique parce que Jens Todt a alors grandi avec son club, passant aisément le cap de la Bundesliga, jusqu’à faire partie des appelés de l’Euro 96, donc, après avoir goûté à la Coupe UEFA. Logique parce que Todt était tout simplement ce « type normal », sympa, équilibré, intelligent et talentueux sur le terrain. Bien au-delà du simple homme de devoir.
À ses côtés, il fallait un autre joueur de confiance. À ce niveau, la place est réservée pour de longues années à l’ancien capitaine, élu par l’équipe années après années, véritable figure incontournable de l’effectif, même lorsqu’il n’avait plus vraiment sa place sur le terrain. Et si Julian Schuster n’a pourtant pas commencé au club (et il a même passé du temps chez l’un des rivaux, Stuttgart), une fois arrivé, il n’est plus parti. Et il ne partira peut-être plus : sa place est déjà toute trouvée au club pour l’avenir, quelque part entre l’après Streich côté sportif ou l’après Leki-Saier côté coulisses. Mais bien avant cela, sportivement, Schuster a fait du bien à Freiburg, avec sa patte à lui, la tête avant le reste, comme il l’explique à Christoph Ruf dans Bundesliga Anders : « Comme joueur, je n’étais ni fort physiquement, ni rapide. Au contraire, pour être meilleur que les autres, je m’appuyais sur l’analyse. » Voilà pourquoi Schuster était essentiel : c’était le gars qui installait la tactique, qui pensait le jeu… et qui, à l’occasion, n’hésitait pas à mettre un petit corner direct pour le plaisir.

Au milieu d’eux, Aogo, Kehl, Zeyer, Höfler, Darida, Frantz, Makiadi auraient pu se glisser avec mérite… Désolé pour le manque de place.

Ailier droit : Jonathan Schmid (08-15 et 19-…)

Ah, Jonathan Schmid… Vous pensiez y échapper ? Eh bien non. Johnny est de retour et mérite très largement une place dans un tel onze. Alors milieu droit n’est peut-être pas la position qui lui convient le mieux. Cela aurait pu être arrière gauche, comme à ses tous débuts ; milieu gauche, comme à ses belles années qui méritaient l’équipe de France ; arrière droit, comme aujourd’hui. Mais milieu droit, il peut le faire aussi – et cela m’arrange bien pour l’équilibre de l’ensemble. Jonathan, c’est d’abord le coup de foudre d’un engagement total pour son équipe. En pleine galère, le petit gars repêché par Offenbach bouge toute l’équipe à l’énergie. Puis Jonathan Schmid devient plus offensif, et développe alors son amour du caviar, alors que le club poursuit sur sa lancée streichienne du maintien inespéré pour arracher l’Europe. Et s’il part assez logiquement quand Fribourg descend, car convoité, cela se sent qu’il n’est jamais très loin. Son retour cette saison était logique, attendu et accueilli comme étant dans l’ordre des choses, pour rouler à nouveau sur tout le monde depuis un nouveau poste, arrière droit et free kick genious à la fois. Schmid sans Fribourg, ce n’est plus tout à fait pareil. Et l’inverse est assez vrai.

Si Schmid avait joué en équipe de France, Ramdane, Philipp ou Ben Slimane auraient pu prendre sa place à Fribourg…

Le 10 : Rodolfo Cardoso (1993-1995)

Coupons court : non, je n’ai jamais vu jouer Rodolfo Cardoso en direct avec le maillot de Fribourg. Mais à en voir quelques images d’archive, il est évident qu’il y a là un des meilleurs (le meilleur ?) joueur à n’avoir jamais évolué au club. Sans lui, la 3e place de 95 ne serait tout simplement pas. Sans lui, ironiquement, les Fribourgeois n’auraient pas été tout à fait les Brésiliens de la Bundesliga. L’Argentin avait tout du 10 magnifique, à la conduite de balle impeccable, aux coups-francs parfois imparables et surtout maître dans la passe décisive avant même que cela ne devienne hype. C’était lui qui sentait le jeu, qui le maîtrisait, qui le dominait et qui le distribuait. Même s’il a choisi Hambourg pour la fin de sa carrière et son après, il suffit de voir ses deux passes pour Uwe Wassmer, face au Bayern, pour comprendre comment Cardoso influençait totalement le jeu de ce Freiburg d’avant-garde, celui qui termine la saison suivante à trois points du champion, Dortmund, avec une victoire 5-1 sur le Bayern… Que genialita !

Si le Brésil n’existait pas, peut-être Rosenthal, Iashvili, Kruse ou Coulibaly seraient des 10 historiques.

Ailier gauche : Vincenzo Grifo (2015-2017, 2019 et 2019-…)

L’an dernier, j’étais au dernier match de la saison de Freiburg. À domicile. Une belle victoire, un maintien déjà acquis mais célébré gaiement et finalement des adieux déchirants. Une fois de plus, Vincenzo Grifo devait partir et retourner dans un club qui ne voulait plus vraiment de lui alors qu’il l’avait fait revenir chèrement (Hoffenheim, pour ne pas parler d’eux). Fin de son deuxième et logiquement dernier passage. Comme d’autres, par certains côtés, Grifo n’a rien à faire à Freiburg. Il semble trop fort pour cela, presque constamment décisif, incroyable sur les coups de pieds arrêtés (directs et indirects) et à la limite de la sélection italienne. En six mois, il a totalement fait oublier l’idée d’une relégation. Avant cela, sur son premier passage, il avait largement participé à la remontée directe pour ensuite titiller les places européennes. Et logiquement, il était parti pour plus gros, à Gladbach. Mais par d’autres côtés, tout comme Schmid, Grifo ne peut pas être ailleurs qu’à Freiburg. En dehors de Freiburg, on ne lui fait pas autant confiance. Il joue peu. Il ne marque pas. Alors pour terminer la saison 2019 et son prêt, le message était assez cohérent : Grifo, tu es Fribourgeois. Ne déconne pas. Installe-toi pour de bon. On prendra soin de toi. Pourquoi voudrais-tu vivre ailleurs que dans la ville la plus ensoleillée d’Allemagne ? Et finalement, pendant l’été, Grifo est revenu une fois de plus, une troisième fois. Évidemment avec un succès plus mitigé sur le terrain, mais avec un véritable talent pour défendre son entraîneur en cas de bousculade. Cela peut toujours servir dans une dream team.

Quand Christian attend Vincenzo

Si j’avais plus d’ego, j’aurais nommé Jonathan Jäger. Ou les jolis Mehmedi, Sutter et Kobiashvili…

Buteur : Nils Petersen (2015 et 2015-…)

Si Fribourg n’était pas descendu, serait-il le meilleur buteur de l’histoire du club ? L’horrible match d’Hanovre en 2015 aura été positif à plus d’un titre. C’est un rappel aux fondamentaux. Les années de Bundesliga doivent être des exceptions. Alors, plus encore qu’auparavant, si certains sont partis, le club a repris sa philosophie du départ : travailler pour survivre. Dans cet esprit de corps, Petersen a bien voulu revenir, après un petit été de suspense (lui aussi…), pour reprendre presque de zéro dans un club qui ne lui disait pas beaucoup plus qu’un club sympatoche de la Bundesliga six mois auparavant. Tout change donc avec un prêt et un premier match fou : sur le banc au coup d’envoi, Petersen entre en jeu après la mi-temps, plante trois buts et sort une phrase légendaire : « On aurait pu mettre une caisse de bière devant aujourd’hui, elle aurait peut-être aussi mis les trois buts avec de telles passes décisives. » Quatre mois et neuf buts plus tard, Freiburg descend tout de même. Et Petersen, qui n’aurait jamais dû rester, revient. Il gagne la 2. Bundesliga tranquillement, devant le RB, avec 21 buts inscrits. Il enchaîne avec 10 et 15 buts pour des maintiens faciles et frise la Coupe du monde 2018. Il s’amuse de Bürki avec un lob parfait, sous mes yeux, au Westfalenstadion. Il défonce enfin Joachim Löw au concours du meilleur buteur de l’histoire du club, en cinq saisons et demi bien tassées. Le tout avec un leitmotiv simple au possible : réussir à Freiburg est déjà satisfaisant. Que peut-on demander de mieux, en-dehors d’une caisse de Rothaus ?
En plus, Nils Petersen parle bien de lui-même.

Si Freiburg n’était jamais descendu, peut-être parlerais-je plutôt d’Uwe Wassmer, Harry Decheiver ou Uwe Spies. Sans oublier le grand Papiss Demba Cissé. Ni Sellimi. (Ni Joachim Löw ?)

Le remplaçant ultime : Karim Guédé (2012-2018)

Faire un onze historique sans parler de lui aurait été un blasphème. Karim Guédé a été capable de beaucoup de choses, notamment des plus improbables, à commencer par son état civil et sportif. Dans l’ordre : Karim ne s’appelle pas seulement Karim. Son nom complet est Karim Abdul-Jabbar Guédé, comme le basketteur, ce qui semble assez logique pour un bébé né à Hambourg d’une mère togolaise et d’un père français. Évidemment, avec un tel pedigree, il se met à jouer avec le pied dans les différents clubs de la ville et n’est pas loin de se faire inviter à la Coupe du monde 2006 avec le Togo, alors qu’il joue pour le HSV. Mais tout cela aurait été trop simple. Une blessure met fin à l’idée du mondial et Karim Abdul-Jabbar prend finalement la tangente pour la Slovaquie. Il y joue pour Petrzalka puis le Slovan Brastislava, récupère la nationalité slovaque et… rejoint la sélection nationale. Boom : le voici Germano-togolo-slovaque et prêt à revenir jouer en Allemagne, à Freiburg. Mais tout cela manque encore de variété. Où Karim Guédé joue-t-il au football ? C’est assez simple d’une certaine manière : il joue où l’on veut. D’abord défenseur puis milieu défensif dans sa carrière, Streich le transforme provisoirement en attaquant (attaquant de pressing on va dire), puis en piston droit sur la fin pour des matchs et des coups tactiques fabuleux. Qui ne se souvient pas du génie de voir Guédé titulaire à Brême ou à Wolfsburg ? Karim était devenu le joueur parfait pour les matchs à l’extérieur, bouffant l’adversaire goulûment et laissant les autres prendre la lumière pour récupérer quelques points inattendus. Guédé ne faisait pas parler de lui mais reste un joueur unique et inimitable. Freiburg ne retrouvera jamais de joueur aussi improbable.

Et si vous en voulez encore un peu plus, Footballski a bellement écrit sur Karim Abdul-Jabbar.

Le résumé en 4231 qui va bien

Et comme pour avoir des meilleurs, il faut des pires, attendez-vous à une éventuelle suite bientôt. Vous ne pourrez pas dire que vous n’êtes pas bien préparés pour subir la Bundesliga.

Pour en savoir plus sur le SC Freiburg, et si vous aimez l’allemand, il est donc recommandé de voir ce très bon documentaire de la télé régionale allemande, ou de lire Bundesliga Anders de Christoph Ruf à propos de la dernière décennie.

1 thought on “La Schwarzwald Akademie présente son onze mondial historique

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