2010 année diabolique… Le Stagiaire Live a rencontré Démont

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Sympathy for the stagiaire

Pacte étrange ou simple coïncidence, le Stagiaire Live (qui a de la famille dans le Nord Pas de Calais) enquêtait sur Démont, le nouveau ballon de plomb depuis quelques semaines…

Yohan Demont se souviendra de cette année 2010 : bagarre avec Kovacevic en plein match à Sochaux, violences sur une porte du centre d’entraînement de la Gaillette ayant occasionné une fracture de la main et cinq semaines d’arrêt, perte et reconquête du capitanat, jet de brassard et altercation avec des supporters, nomination et victoire, que dis-je, plébiscite au ballon de plomb. Demont fut un joueur populaire à Lens, un combattant comme on les aime, un lensois pur sucre. Ou plutôt pur chuc’. Mais l’année écoulée, sa cote de popularité a dégringolé dans des proportions hallucinantes. Les lensois l’ont même chanté : « Demont, ballon de plomb ! »

Les accès de colère du joueur, bien qu’ils constituent des événements extra-sportifs, ont fait sortir d’un relatif anonymat le fringant joueur d’Ajaccio et polyvalent homme de couloir lensois. Qu’elle est loin, la période où le dernier peroxydé de L1 trottinait le cœur léger vers le titre moins rare qu’honorifique de « joueur-aux-portes-de-l’Equipe-de-France » !

Toutefois, ces quasi faits divers ont éclipsé un événement, moins sensationnel mais à mon sens plus déterminant : la conférence de presse tenue par notre homme en février 2010 au cours de laquelle il annonça aux journalistes sur un ton débonnaire, qu’il faudrait désormais l’appeler Démont – laquelle m’intrigua au plus haut point, bien qu’elle fût souvent prise sur le ton de la plaisanterie par mes confrères.

Les journalistes sportifs ne sont pas avares de prononciations fantaisistes ; elles sont même insignifiantes pour le premier Fred Déhu venu – en son temps fréquemment appelé Fred « Deuhu » – ou pour un Réveillère – appelé « Reuveillère » par Thierry Roland, et qui préfèrera en rire… Mais un Yohan Demont qui devient Démont, vous voyez où ça cloche ? Ajoutez un accent et ça fout les jetons. De cette inquiétude est née une question, que d’aucuns trouveront saugrenue : y’a-t-il un rapport entre cette conférence de presse de février 2010 et la multiplication des actes violents  qui s’en est suivie ? Je décidai d’aller rencontrer l’intéressé après mûre réflexion et maintes tentatives de dissuasion de mon entourage.

L’histoire commence dans le train pour Lille. La neige est tombée à gros flocons ces derniers jours sur le Nord de la France. Comme tout journaliste en herbe, je révise mes fiches. Yohan Demont en chiffres, c’est un Franck Jurietti dans chaque canine, un Cyril Jeunechamp dans chaque tibia, un David Jemmali dans chaque poil de nez et un Materrazzi dans chaque orteil. C’est tout ça, sauf qu’il tacle comme un attaquant. « Un Tony Vairelles sous hormones… les mêmes convictions, la douceur en moins. » m’avait prévenu mon oncle. « Demont, il a la rage. Au sens clinique. » Pas sûr que ces préjugés me servent à grand-chose, l’objectif de cette rencontre étant précisément d’aller voir derrière l’image que traîne l’intéressé. Le jour tombe vite, d’autant plus vite que l’on file au Nord. Il est 15h30 et par la vitre je suis le témoin d’une de ces fins d’après-midi qui vous collent une tristesse que seuls le Nord-Pas-de-Calais et la banlieue d’Helsinki peuvent dire. Dans le taxi, impossible de savoir si nous touchons au but face à la monotonie des alignements. Les bourgs se succèdent, les routes sont rythmées par des passages pavés qui font vibrer la voiture et viennent interrompre mes pensées. Enfin ! Nous voici à Maroilles, chez Yohan Demont. On me laisse à la sortie du village tandis que le taxi repart dans un crissement de pneus. Le lieu est étrange ; personne ne circule, la plupart des volets sont clos. A mesure que je progresse vers la modeste bâtisse, le vent du Nord se lève et se fait de plus en plus fort, et je ne trouve rien pour m’en abriter. La neige tourbillonne sournoisement et me fouette le visage, comme si ces deux éléments se liguaient pour retarder mon arrivée. A présent le village est quasiment invisible derrière moi, et des champs de patates couverts d’une neige grise s’étalent à perte de vue, vers un horizon plat qui embrasse le ciel laiteux. La « dernière maison » comme on l’appelle au village car elle se trouve assez nettement à l’écart, forme au loin une tâche brune désespérément seule, flanquée d’un grand arbre noueux dont on doute qu’il puisse à nouveau reverdir. Touchant au but, je m’aperçois que le manteau neigeux s’arrête net dans un rayon de trente mètres autour de la maison, enserrant dans un étrange cercle, au contour quasi-parfait, la petite maison de briques rouges. La terre y est à nu, l’herbe très rare. Je franchis la clôture par sa petite porte qui bat au vent et dont les gonds menacent de céder à chaque bourrasque, et voilà que je progresse dans cette fange noire. A ma gauche, un wagonnet goudronné où devaient être plantées des fleurs montre tout l’attachement du propriétaire au passé de la région.

La porte est dans un piteux état, la peinture, pourtant pas ancienne, est écaillée et le bois entaillé profondément, comme si on l’avait lacérée à coups de couteau. Le verrou pend à une vis. Serais-je arrivé en même temps qu’un intrus ? Je pousse timidement la porte, qui s’ouvre dans un long gémissement. Je franchis le seuil en faisant volontairement claquer ma semelle sur le sol pour annoncer ma présence. A peine entré, la porte se referme dans un grand claquement, projetant sur ma nuque un souffle d’air glacial, aussitôt englouti par la moiteur qui règne dans les lieux. Une odeur âcre et enivrante, de fermentation, d’alcool de cerise ou de prune me prend à la gorge. Je déboutonne mon manteau mécaniquement. Une lumière blafarde traverse péniblement la poussière en suspension dans la pièce. Quel étrange chez-soi, me dis-je. L’atmosphère y est si épaisse qu’il me semble la boire à chaque inspiration. J’entends des pas, des bruits sourds à l’étage, on dévale l’escalier, je tressaille. Avant de pouvoir esquisser un geste, une silhouette surgit dans l’entrée. Elle se découpe dans le faible jour qui irradie la pièce par la fenêtre à l’opposé. Epaules tombantes, cou de taureau, cheveux couleur paille, jambes arquées : pas de doute, c’est bien Yohan Demont. « Qui est là ? » lance-t-il d’une voix rauque. L’homme s’approche et me toise et je ne peux m’empêcher de déglutir avant de répondre : « C’est moi, le Stagiaire live ». «Ah, désolé de t’avoir fait peur petit, je me tiens sur mes gardes en ce moment. Viens donc t’asseoir ».

Je chausse docilement les patins que le maître de maison me tend sans même me regarder, et pose quelques questions sur ses bibelots pour détendre l’atmosphère. « Pourquoi sont-ils derrière les rideaux côté rue, est-ce pour les passants ? » Je n’obtiens pour réponse qu’un haussement d’épaules. Mon regard parcourt la pièce, soigneusement décorée, et je cherche à me rassurer à la vue des napperons de dentelle épaisse et des lys en tissu, qui font la coquetterie des maisons de grands-mères. L’homme tire une chaise en rotin de dessous la table et s’y affale. Il pose un coude sur un genou et l’autre sur la toile cirée à motif floral, dans une position que je juge, par la torsion qu’il inflige à son buste, assez inconfortable. Qu’importe, il me regarde sans ciller. « Je te préviens, avec ce gros temps, on n’a pas d’électricité depuis trois jours. » annonce-t-il. Un long silence passe, et devant un accueil aussi froid, je regrette déjà d’être parti en cachette. Un frisson me parcourt : s’il m’arrivait quelque chose, personne ne me retrouverait ! Faire disparaître un corps quand les rivières, les lacs et les canaux sont gelés, creuser une terre gelée, ce n’est pas chose aisée… Oui mais chez Yohan Demont cet hiver, la terre n’a pas gelé, et il pourrait sans peine faire disparaître dans cette boue noire un cadavre aussi petit que le mien. Que m’arriverait-il si l’homme était pris d’un nouvel accès de colère ? Je sors mon carnet et commence l’interview pour masquer mon angoisse : « Yohan, que vous arrive-t-il depuis quelques mois ? L’affaire Jemâa dite affaire de la main fracturée, l’affaire Kovacevic à Sochaux, ce jet de brassard récemment… Le divorce entre Lens et vous est-il consommé ? » A ma grande surprise, l’homme semble heureux de pouvoir se confier. « Depuis l’année passée, je ne suis plus moi-même ; j’ai remarqué des changements d’humeur très fréquents, comme si je me dédoublais. Ces troubles étaient d’abord exclusivement nocturnes mais le mal s’est ensuite étendu aux journées : je suis irritable et je ne supporte plus l’autorité, en particulier les consignes tactiques. J’ai envie de frapper au but à 40 mètres du but sur un côté. Je ne supporte pas qu’on m’interrompe, qu’on me dévisage… Je m’emporte, même si je sais que j’ai tort. Une force rebelle, que rien n’assujettit, me conduit et pour ainsi dire, me précède partout.

« Vous persévérez dans l’erreur, intéressant… », dis-je sans lever les yeux de mon calepin. « Avez-vous remarqué des changements d’ordre physique ? »

« Oui, durant ces crises nocturnes, qui atteignent leur paroxysme à la pleine Lune. Je ne trouve pas le sommeil alors que je n’ai jamais été insomniaque ; comme si je ne ressentais plus la fatigue ou la lassitude, comme si finalement, je n’avais plus besoin de dormir. J’ai un goût métallique dans la bouche que rien ne peut couvrir, et je ne trouve la satiété ni dans la nourriture, ni dans la boisson : je pourrais manger ou boire sans m’arrêter. Je ne ressens plus le froid ni le chaud, mais je transpire beaucoup. Mes pupilles sont dilatées mais étonnamment, je vois et j’entends mieux, je suis plus vif, plus alerte, plus précis dans mes gestes. Alors j’erre dans la maison, je prends la route pour m’occuper ; mais je peux marcher et je ne suis jamais apaisé, je peux courir et je ne suis plus essoufflé… Je suis en quelque sorte meilleur, plus fort, mais il me semble à la fois devenir plus malveillant : mon corps est fortifié à mesure que mon esprit s’empoisonne. Ce que je ressens au fond, petit, c’est une nouvelle jeunesse, mais une jeunesse perverse. J’ai beau être dans la forme de ma vie, je ne parviens pas à dompter cette fougue nouvelle qui s’empare de moi. Je n’ai jamais eu bon caractère mais depuis quelques mois, je suis totalement incontrôlable : c’est comme si j’étais un autre.

J’interromps ce flot de paroles : « Il me semble que vous possédez en ce moment, deux personnalités, un dédoublement qui se fait pour l’instant sur le mode diurne et nocturne. Mais il ne reste peut-être pas beaucoup de temps avant que Mr Hyde n’éclipse totalement Dr Jekyll, avant que Gainsbarre n’assassine Gainsbourg. Cette cohabitation de Yohan Demont et de Mr. Démont, si je puis dire, ne peut durer bien longtemps, vous le ressentez vous-même. ». L’homme me dévisage, aussi je décide de poursuivre dans mon hypothèse : « Si je peux me permettre de vous donner un avis, Yohan, vous présentez tous les signes d’une possession : en étudiant votre cas, tout se passe comme si, l’année dernière, vous aviez noué un pacte avec le Malin en clamant haut et fort que vous deviez être appelé Démont. Votre apparence se fait plus belle, votre condition physique meilleure, vous jouissez donc d’une vie terrestre améliorée, mais pas à n’importe quel prix : Lucifer y gagne votre âme, il obtient d’elle un séjour éternel au monde des Enfers, où mille supplices sophistiqués l’attendent déjà. Vous ne vous êtes pas encore fait à votre nouvelle enveloppe : le pacte est en train de prendre effet petit à petit, mais il est peut-être encore temps d’agir. Si vous refusez ce sort, vous souffrirez, mais si vous vous abandonnez à ce don diabolique, il n’y aura plus d’issue. Avant que le coup de grâce ne soit porté à Yohan Demont, il vous faut réussir à casser ce pacte, mais j’ignore comment. »

Demont s’est à présent redressé, comme plaqué contre le dossier de sa chaise par le langage que je viens de lui tenir. Il parcourt le dos puis la paume de ses mains en quête d’un signe. « J’ai donc involontairement noué ce pacte ? » me lance-t-il d’une voix bien moins caverneuse à présent.

« J’en ai bien peur. Mais je vous en prie, continuez Yohan. Des choses ont-elles changé autour de vous ? »

« Oui, la maison change étrangement : elle était comme neuve il y a si peu de temps, et elle semble aujourd’hui dépérir. Le papier peint se décolle, la peinture aux murs se craquelle. Les rampants, araignées et rats convergent des champs à l’entour vers la maison et malgré tous nos efforts, parviennent toujours à entrer, comme s’ils étaient attirés par la maison. L’eau du robinet est terreuse. Le chauffage a beau être coupé, je vis dans une étuve. Et ce qui me trouble le plus, c’est cette neige qui ne tient pas autour de la maison, c’est comme si elle fondait à mon contact… J’en conclus que ma présence est devenue toxique, ou que la maison elle aussi est habitée. J’acquiesce et poursuit : « Votre entourage a-t-il ressenti des troubles similaires ? »

« Je dois dire que les choses empirent depuis que ma femme et mes enfants ont emménagé chez ma belle-sœur. La cohabitation était devenue délicate. Mais eux ne présentent aucun signe de possession. »

« Ca doit être difficile à vivre. »

Il s’assied à présent au bord de la chaise, semblant ignorer toute tentative de réconfort. « Petit, il faut que je te parle de la nuit dernière. Je ne l’ai dit à personne. Pas même à ma famille. Ne répète à personne ce que je vais te dire. »

« Je le jure. » dis-je d’un ton inquiet. Il s’approche, tout près de mon visage et je suis tétanisé par cette proximité soudaine. Le bleu clair de ses yeux se trouble, les veines palpitent sur son front. Il m’annonce d’un ton solennel : « Hier on a tenté de pénétrer chez moi en ma présence. J’avais remarqué une ombre furtive qui rôdait autour de la maison, j’ai d’abord cru à une nichée de corbeaux mais je l’ai aperçue plus souvent ces derniers jours. Elle tourne autour de la maison, comme si elle épousait le cercle délimité par la neige. Comme si cette maison était son bien, son territoire : elle l’envoûte, et guette une faille pour s’y introduire, et dérober mon âme si j’en crois tes paroles. Cette nuit, on est même venu à la porte. Cette… chose, cette créature s’est mise à lacérer la porte avec je ne sais quelle griffe, ou quelle lame, et la violence des coups était telle qu’elle aurait pu l’abattre ou l’éventrer en un instant. Mais ce n’était pas son souhait, non : elle riait, d’un rire diabolique et convulsif, si puissant et si strident qu’il a fait trembler les murs et claquer les tableaux à leurs clous. Ce rire m’a glacé le sang, c’était un rire cruel, irrationnel, fait de soubresauts sans cause et pourtant si puissants. J’étais à l’étage, recroquevillé, le souffle coupé. »

« J’en conclus que c’était un avertissement et que cette chose compte revenir – cela me rappelle un peu le massacre de la Saint-Barthélémy d’ailleurs. »

« Quoi ? Tu penses que je vais me faire massacrer ? »

« Non, non, je parle d’un épisode de l’Histoire de France. »

« Arrête de m’interrompre, gamin. J’ai passé l’âge des livres d’histoire. » Il poursuit. « Il y a une empreinte dans la terre, un pied un peu plus grand qu’une empreinte humaine, qui y ressemble vaguement, mais dont la forme est torturée, bien trop anguleuse et pour être humaine. Elle ne ressemble à rien de ce que je connaisse. Viens donc voir. » L’homme se lève brusquement et gagne la porte. Il fait deux pas dans le jardin, avant de s’immobiliser, les bras ballants. Il me tourne le dos ; je le dépasse doucement et constate avec effroi le caractère indéfinissable et rigoureusement inconnu de cette empreinte. Sa profondeur suggère que la créature qui lui a rendu visite pèse bien plus qu’un homme adulte.

« Des empreintes étranges, n’est-ce pas mieux que de ne retrouver aucune empreinte ? Cela aurait été un tout autre problème. Cette existence tangible n’est-elle pas de nature à vous rassurer ? » Ma question trouve pour seule réponse le sifflement du vent dans le grand arbre.

« Je ne sais pas », dit-il, tournant les talons et regagnant la maison. « Je ne suis déjà pas certain que Dieu existe. Mais si ce diable existe, je dois bien avouer que Dieu existe lui aussi. Lucifer est un ange déchu. Et si Dieu existe, il tolère et accepte même le Diable, au moins pour punir les pécheurs et inspirer la crainte des Enfers. Mais comment saisir la créature, si je ne peux faire le postulat de son existence ? Elle ne se donne à voir qu’à travers son ombre ou ses empreintes : elle est doublement insaisissable. »

« Yohan a peut-être aussi hérité d’unesprit critique, d’un certain sens philosophique, dans ce pacte », me dis-je. Nous retournons nous asseoir. Au moment où nous reprenons la conversation, un hurlement retentit à l’extérieur. Si soudain, si déchirant qu’il me traverse la poitrine et continue d’y résonner. Il reprend de plus belle, à présent plus proche, et voilà qu’on tambourine violemment à la porte. Je bondis de ma chaise, qui tombe à la renverse. Yohan s’est relevé en une fraction de seconde. Son regard balaye la pièce à la recherche d’une issue. Les coups redoublent d’intensité, les hurlements se font plus forts. D’abord paralysé par la peur, je finis par prendre mon courage à deux mains, et devant la lâcheté de mon acolyte, je m’avance vers l’entrée. Impossible de regarder par le judas, tant la porte est malmenée par le visiteur. Je tourne alors la poignée, entrouvre et découvre à ma grande stupeur Louisette, la supportrice fétiche des Sang et Or, dans son accoutrement habituel – vêtue d’une parka rouge, d’une écharpe rouge et jaune, arborant une tignasse blonde tirée en queue de cheval. « Yohaaaaaaan » criait-elle, ça fait deux minutes que je braille ! Ben ! T’es qui toi ? »

« Je suis le Stagiaire Live d’horsjeu.net ! »

« Salut gamin. Je viens voir Yohan.»

Je me retourne ; la pièce est vide : Demont a filé à l’étage. Je lui demande de redescendre, sans succès. « C’est pas des manières d’accueillir ta Louisette, Yohan, arrive ici ‘tiot ! » lui lance Louisette. L’homme descend penaud et embrasse son hôte, qui semble éprouver la même joie à chaque fois qu’elle croise un de ses protégés. « Je t’ai apporté une tarte, Yo’. Gamin, mets-y donc sa tarte au frigo. »

Nous nous réunissons dans le salon. Louisette prend alors la parole : « Je vais pas y aller par quatre chemins mon Yo’. En classant mes coupures de presse de 2010 sur le RC Lens, j’ai compris que quelque chose s’était emparé de toi. Une telle multiplication d’actes violents ne peut être spontanée chez un agneau comme toi ! Bon, tu sais que les rumeurs vont bon train sur moi à Lens. On raconte que je possède des pouvoirs, que je maraboute les joueurs, mais tout ça c’est inexact. Je m’en vais te dire la vérité parce que j’estime que ton cas est plus important que mon petit secret. Voilà : je suis Louisette, descendante d’une sorcière de l’Artois qui portait le même nom que moi. Elle fut noyée en l’an de Grâce 1568 car on découvrit qu’elle s’adonnait à la sorcellerie. Je suis moi-même une magicienne, bien plus modeste que mon illustre ancêtre, mais dans la remise de mon jardin, je pratique la magie noire la plus rigoureuse. Des activités que j’ai tenues secrètes grâce à la fameuse odeur de Maroilles qui embaume ma barraque : tu sais que le ressentiment envers la corporation des sorcières est encore fort. Pour beaucoup, les sorcières bouleversent l’ordre du monde tel qu’il fut créé, par leur cuisine mystérieuse et les sortilèges qui en jaillissent. Yohan, en tant que supportrice lensoise et sorcière du village, j’ai décidé de te venir en aide. » Médusés par cette nouvelle, nous regardons d’un œil beaucoup plus méfiant la pétillante mamie.  « Je consens à te donner les bons conseils pour te délivrer de ce mal. Mais souviens-toi qu’il ne peut être jugulé : il doit être éradiqué, sinon ta résistance sera vaine. Mais avant que je te donne la marche à suivre, tu dois me promettre une chose. » Incrédule, Demont hausse les sourcils en signe d’interrogation. « Abandonne tes projets de naturalisation tunisienne. Je crois en toi, je crois toujours que tu peux rejoindre l’équipe de France, fais-moi au moins ce plaisir. »

« Je vous le promets Louisette » répond Yohan dans un soupir.

« Bien ! lance Louisette dont le visage s’éclaire de nouveau. Voici la marche à suivre : à la pleine Lune, c’est-à-dire demain soir, tu te rendras sur le terril le plus proche. Tu devras emporter avec toi deux choses : la première : quelques poils de barbe de Jean-Guy Wallemme, descendant d’un illustre druide qui s’ignore – j’espère qu’il y subsiste assez de fluide druidique pour ton entreprise. Tu devras les déposer au creux de ta main droite car il est assez évident que c’est par là que le Mal contamine ton être : c’est par elle que tu as frappé, jeté, menacé, cogné. Tu panseras donc cette main d’une bandelette que tu déroberas à Toifilou Maoulida. Prends garde, elles se font rares en ce moment. En quelques heures, la combinaison du pouvoir de la Lune, du fluide druidique et des bandelettes devrait affaiblir le mal et je l’espère, l’éradiquer. Ton corps sera alors inhospitalier pour l’esprit du Malin et tu t’en libèreras. » A ces mots, Yohan a embrassé Louisette, il a pris sa Porsche et démarré en trombe. Je le vis disparaître dans le crépuscule de Maroilles – après tout, il n’avait plus besoin de dormir – et c’est ainsi que se terminait mon enquête. Louisette aussi s’en est allée ; elle m’a gentiment reconduit à la gare. J’ignore encore l’issue de cette nuit de pleine Lune : les prochains mois répondront à ma question. Yohan m’a dit que s’il se délivrait du sortilège, il m’inviterait à manger des frites à la graisse de cheval, les plus typiques des typiques frites du Nord – il me doit bien ça. Je ne sais pas si Louisette l’aidera à changer le plomb en or, mais elle sait mieux que quiconque qu’il reste beaucoup de Yohan Demont en Yohan Démont. J’en suis aussi convaincu : Yohan a beau être le dernier rescapé des 90’s depuis le changement de coupe de cheveux de Didier Deschamps, il vaut mieux être piégé dans le corps d’un footballeur des 90’s que de vendre son âme au diable : la mode finira par revenir. J’espère que Yohan Demont redeviendra l’homme d’avant l’accent : béni de ses supporters et honni des autres. Parce que Yohan est à la fois ange et démon, et qu’il peut encore sauver son âme, afin que sa rage passe à nouveau pour du courage.

24 thoughts on “2010 année diabolique… Le Stagiaire Live a rencontré Démont

  1. « On me laisse à la sortie du village tandis que le taxi repart dans un crissement de pneus »
    énorme, on s’y croirait!

  2. Gamin,

    Tu mérites bien qu’on t’ébouriffe ta jolie tignasse après ce récit de légende.

    Félicitations petit, ce fut émouvant et palpitant à souhait !

  3. Gamin, c’est p’t-être inapproprié de te dire ça à ton âge, mais t’en as dans l’calbard.

  4. Mais où le Stagiaire Live va t’il chercher tout ça? En tout cas j’en redemande, comme Gaha.

  5. Sacré petit morback va, une carrière aussi longue que ma bite t’attend.
    Ce qui ne veut surtout pas dire que je te tends ma perche, puis d’ailleurs, je devrais même pas t’en parler, parce que ça va te donner des complexes quand tu commenceras ton adolescence, et ça pourrait même te freiner dans ta conquête du journalisme footballistique.

    C’était un très bon article quoi.

  6. Et pas d’accompagnateur pour prendre le train ? Mais que fait ta mère ? Faudra pas s’étonner si le gamin finit dans la maison
    « Mystères ».

  7. Cher Stagiaire,

    tu nous fournis des enquêtes couillues et de qualité, Bernard de la Villelumière devrait en prendre de la graine.

  8. chantivlad ne joue pas vraiment le ballon sur celle là, tâcle par derrière flagrant…

    @le stagiaire : ah ouais ? et quand tu es en colonie, tu crois que Moké ne monte pas vers chez toi pour manger de la MILF ?

  9. Hé gamin comment tu crois que Moké a chopé 3 MST en une fois juste en touchant la main de Maman?
    Alors un conseil, planque ta mère, parce que quand Moké a la dalle, sa matraque fait office de fourchette.

  10. Une histoire bien troublante ma foi…si elle s’avère entièrement vraie. J’ai quand même des doutes sur la locution de Luissette, je l’imaginais moins…intellectuelle. Mais c’est vraiment le seul détail qui semble arrangé.

  11. Bonjour,
    J’habite juste à coté de chez Yohan Demont (je suis son voisin) et la description dans l’article du « village » (pas si village que çà en l’occurrence)et de sa maison isolée est complètement fausse. Un article bidon maiS surtout remplit de mensonge, vous me décevez.

  12. Bonjour,
    J’habite juste à coté de chez Yohan Demont (je suis son voisin) et la description dans l’article du « village » (pas si village que çà en l’occurrence)et de sa maison isolée est complètement fausse. Un article bidon maiS surtout remplit de mensonge, vous me décevez.

  13. Heureusement que tu es là pour nous dire que c’est une fausse histoire juju! Tu voudrais pas enquêter sur le braquemard de Moké, il en parle tellement que j’ai des doutes…

  14. Gillou tu me déçois autant que juju « Candide » est déçu…

    Maintenant, le blondinet peut aussi faire une interview du voisin ?

  15. Oh le voisin juju est un célèbre mythomane, l’enquête serait complètement bidon et truffée d’erreurs…

  16. HA HA mais quel couillon de la lune ce juju alors!

    A part ça, félicitations à toi, stagiaire live, tu m’as fait éclater de rire plus d’une fois…

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