Bernard de la Villelumière enquête sur les agents…

10

Bernard, grand reporter polyglotte, pro de l’investigation rejoint les partenaires particuliers de horsjeu.net…

A day in the life of Jean-Pierre Berné

Nous sommes le samedi 29 mai, Paris, 9h17, XVIII° arrondissement, rue de la Goutte d’Or, à deux pas du commissariat de Police encore bondé. Une équipe de horsjeu.net a été dépêchée auprès d’un agent assermenté afin de mieux faire comprendre à nos fidèles lecteurs le système si complexe des transferts, ainsi que le monde parfois sulfureux, parfois rocambolesque, des agents de joueurs. Toujours aux quatre coins du monde, ils manient l’art de la négociation, les sommes vertigineuses et les langues étrangères à la perfection.

Nous avons obtenu le privilège de suivre Jean-Pierre Berné, agent au long cours. Dans son immeuble de standing, nous arpentons un escalier du XXème siècle en boiserie dépareillée jusqu’au septième étage. Les bureaux de Jean-Pierre Berné sont indiqués par une superbe feuille A4 du  plus bel effet avec agrafes et scotch en quinconce. L’agent nous fait entrer dans ses locaux d’une quinzaine de m2 sous les combles. Une vue unique sur Paris. En effet, rares sont ceux qui possèdent le luxe d’avoir autant de vis-à-vis.

Avides d’informations, et ne connaissant l’homme que de réputation, nous lui demandons d’abord de nous dresser un état de son carnet de clients, ce qu’il fait de manière zélée. On en a dénombré cinq parmi lesquels, Apoula Edel, Taïwofilou Malouda, William Abidal, Mickaël Madar (sa plus grande fierté nous confiera-t-il) et autre Riolo Mavuba qu’il a récemment fait signer au F.C. Nancy. Mais Jean-Pierre en grand professionnel ne s’arrête pas à ces menus fretins. En effet, au moment où ces quelques propos sont échangés, autour d’un verre de champagne de Polynésie, le Nokia 3210 du grand agent se met à sonner. Jean-Pierre nous tourne alors le dos un instant et un échange dans un italien des plus purs se fait entendre:

« Pronto ? Ah, si Marino, como esta en la casa ? Un giocatore ? En la tua scuderia ? Quando possiamo vederlo ? Esto soiro ? Ma, je suis con les journalistes de horsjeu.net, un sito interneto… Ok, va bene cosi, tchao ! »

Sourire ravi de celui qui flaire la bonne affaire, Jean-Pierre s’en revient vers nous, et nous attrape par les épaules, déclarant de sa voix rauque à l’haleine de tabac brun de Madagascar :

« Messieurs, vous avez de la chance, nous partons pour Sorrente. Un ami, Marino Bacioterracino, m’a parlé d’un excellent attaquant qui joue dans son club en Serie C2. Au départ j’ai cru qu’il me parlait voiture, mais j’ai vite compris, grâce au concentré de jus de cerveau qu’il y a sous le chapeau ! (Jean-Pierre n’a pas de chapeau, ndlr). Nous partons en Italie, Marino nous attend, ma Xantia de fonction est en bas.» Jean-Pierre cumule son travail d’agent avec celui de représentant en tubes cathodiques afin d’arrondir ses fins de mois qui seraient parfois difficiles. C’est ce que nous apprenons à ce moment précis.

Direction Sorrente donc, en Campanie malgré quelques protestations de votre reporter. C’est deux jours après, au court d’un long et pénible voyage à travers les aires de repos et autres péages allemands, autrichiens, slovènes, et croates, que nous avons rejoint le port de Makarska. Jean-Pierre, en grand professionnel a préféré prendre cet « itinéraire secret » afin, nous a-t-il confié, de ne pas éveiller les doutes et les soupçons auprès de grands clubs européens en mal de pistes intéressantes ou autres agents sans scrupules. Là, un remorqueur albanais, battant pavillon panaméen nous amène jusque la terre permise, moyennant rançon. Jean-Pierre avait en effet été enfermé dans le coffre de la berline de Marko, Croate assez peu recommandable, à la suite d’un pari stupide. « C’est en tout cas beau de voir d’anciens adversaires ethniques se réunir pour un but commun », nous avouera Jean-Pierre. Nous arrivons donc enfin dans le sud de l’Italie.
Sorrente, sur la côte amalfitaine, petite ville escarpée au-dessus de la mer, la vue sur le volcan et son domaine forestier, avec un couché de soleil aux couleurs rares et chaudes… Le charme de l’endroit nous laisse songeur. Mais Jean-Pierre en homme aguerri nous fait remarquer que « Biznaisse iz Biznaisse » et qu’il est temps de se mettre en route pour rencontrer Marino. L’affaire presse et risque de lui filer sous le nez. La route menant à l’endroit du rendez-vous est un peu dans les terres, un peu de l’autre côté de la baie de Naples aussi. Nous franchissons Herculanum, le parc du Vésuve, Naples, Afragola et enfin Caivano avant d’arriver dans la commune de Casal di Principe à une heure et demi de là. « C’est pour la discrétion, on fait toujours comme ça dans le métier » nous rassure Jean-Pierre.

Le rendez-vous a lieu juste à côté de la bretelle de sortie de la voie rapide, à une heure du matin. Non loin de la Xantia de Jean-Pierre, une voiture noire aux vitres teintées fait des appels de phares nous invitant à en faire de même. C’est un signe de reconnaissance entre agents de joueurs nous confirme Jean-Pierre. Un homme d’une centaine de kilos, un bon mètre quatre-vingt-dix, habillé de noir, avec des lunettes noires, et une arme noire également, sort et se présente à nous, le cure-dent coincé entre les canines, la barbe mal taillée. C’est Marino. Le gaillard prend Jean-Pierre dans ses bras, souriant, puis nous dévisage avant d’arracher l’appareil photo que nous avions reçu pour Noël et de le fracasser contre le bitume déjà dépéri de la région. Sans doute une manifestation de joie. Exerçant alors une pression de 30 kilos au centimètre carré sur nos triceps, Marino nous accompagne jusque la plage arrière de sa voiture où il nous invite, en hôte de qualité à nous installer. Sans bruit. Jean-Pierre est tout à l’excitation de voir la nouvelle pépite que lui a gardé le Casalese.

« Allora, Marino, donde esta el muchacho ?

-Je parle français Jean-Pierre tu sais.

-Oh, mais c’est formidable, ça ! Comme moi !

-…

-Alors ce joueur ?

-Ché, c’est un brésilien, il est fantastique, technique, et il court très vite, ça, je peux te l’assurer.

-Mais où est-il que je voie cette merveille ?

-Aspetta, viens. »

Les deux hommes quittent alors le véhicule aux sièges de cuir, ronce de noyer, ABS, air-bag, vitres électriques avant, aucune poignée à l’arrière, très belle facture. Le coffre s’ouvre derrière nous, empêchant de voir quoi que ce soit malheureusement de ce qu’ils font. Nous imaginons un lecteur de DVD avec écran et les deux hommes regardant les vidéos d’un jeune prodige. Mais non, quelqu’un est sorti de l’habitacle. Un type frêle, en guenilles, vacillant sur ses jambes.

« Allora, que penses-tu de mon athlète Jean-Pierre ?

-Il est Brésilien ?

-Si, tuttaposto vero !

-Comment tu t’appelles ?

-Ché, il ne peut pas te parler, il a, euh… la parola en français, le chat dans la gorge.

-Mince, le pauvre. Le climat sans doute.

-Si, le climat tout à fait.

-Il fait un peu typé Maghreb quand même, c’est quoi son nom du coup ?

-Ché il s’appelle… Hammametao.

-Hammametao, ça sonne bien Brésil ça !

-Tu m’étonnes Jean-Pierre.

-Et qu’est-ce qu’il a à l’oeil ?

-Ché l’entrainement il est très physique ici, tu sais, alors, petit accident. Bon il te plait, j’ai du monde sur lui il faut te décider maintenant !

-Je sais pas… il a joué où avant ?

-Ché il a joué… à Lampedusa, où il y a beaucoup de Brésiliens qui viennent, si.

-De toutes façons je te fais confiance Marino.

-Tu peux. Dis-moi, le ragazzo, je te l’envoie dans une semaine le temps que tu trouves un club, en attendant tu signes le document là, tu prends le petit paquet pour les amis à Nice, et voilà l’enveloppe pour les faux frais, comme convenu.

-J’ai déjà transféré les 15 000€ de commissions pour toi à la Western.

-Tu es parfait Jean-Pierre, bravo ! »

Le jeune homme une fois rangé dans le coffre, Marino, tout sourire, nous fait sortir de son véhicule, nous enlace comme si nous étions amis depuis des années, et démarre en trombe en klaxonnant. Il a l’air remuant et joyeux dans son véhicule. Jean-Pierre, lui est heureux, presque aux larmes. « Hammametao, Hammametao », répète-t-il alors sans cesse. Le deal avait été bon pour lui apparemment, même si devant nos questions, sa seule réponse est le nom du nouvel avant-centre de son carnet d’adresse. Retour à sa voiture, où nous demandons à Jean-Pierre de nous conduire vers l’aéroport de Capodichino, non pas que les frégates du Monténégro ne nous déplaisent, mais que le temps presse à présent et que la rédaction se demande sincèrement ce que l’on fait, tout comme nous.

Rentré sur Paris, à la rédaction de horsjeu.net (mâtin, quel site !), nous racontons les événements à nos collaborateurs (pas à l’éditeur, jamais là…) quand soudain, le téléphone sonne. C’est Jean-Pierre. Il nous demande de l’aide. Ce dernier est retenu par les Carabiniers à Bolzano pour faux, usage de faux, tentative de blanchiment d’argent, trafic d’êtres humains, et trafic de stupéfiants en bande organisée. Nous décidons alors de raccrocher courageusement.

BDL

10 thoughts on “Bernard de la Villelumière enquête sur les agents…

  1. vous recrutez du lourd, bravo ! une vraie dream team sur hors jeu !
    j’attends avec impatience les prochaines investigations de bernard (kop de l’asm, le dopage à base de sobresada du foot espagnol …)

  2. Moké s’interroge : le joueur était-il vraiment brésilien? est-il disponible pour venir jouer à l’OM ? Peut on esperer un 100% foutre après chaque investigation de Bernard ?

  3. Une belle tête de vainqueur le Bernard en plus de ça! Tres bon article, bien écrit, qu´est devenu hamametao???

    Petite coquille cependant, on dit RONCE de noyer, et pas rose de noyer.

  4. « un remorqueur albanais, battant pavillon panaméen nous amène jusque la terre permise »

    Drôle, très drôle… investigation « courageuses », mdr!!

  5. n’empeche Bernard prouve une chose : On peut être sérieux, polyglote et avoir une tête de con (pardon Bernard, mais quand même…)

  6. Encore un qui va se faire courtiser par les grands noms du journalisme sportif en France. Attention aux gars de footmercato et de football365, vous tenez un fin limier…

Répondre à la face b Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.