LE PAON, LA PIE ET LE PIGEON

 

ACTE I

Personnages.
Franck Ribéry, grand joueur désintéressé
Cristiano Ronaldo, pastiche du vrai Ronaldo
Lionel Messi, plus grand footballeur de tous les temps
Le laquais, tuteur légal de Messi
Pelé, plus grand footballeur de tous les temps
Michel Platini, ancien vainqueur du Ballon d’Or, président de l’UEFA
Éditeur Bel Homme, éditeur sans le sou d’un site satirique de football
Vincent Duluc, le meilleur d’entre eux

SCÈNE UNE

Ribéry, seul.

À Zurich, au siège de la FIFA, à quelques heures de la cérémonie de remise du Ballon d’Or 2013, où les derniers nominés sont Ribéry, Messi et Cristiano Ronaldo.

RIBÉRY
Quelle heureuse vesprée ! Ô promeuse soirée !
Je vis du footballeur l’éclatante apogée,
Logique conséquence aux succès par foison !
Le monde nous ont vus lors de cette saison
Détrôner un rival jusqu’alors infaillible,
Fesser l’ogre espagnol se croivant invincible,
En conquérant l’Europe imposer le respect,
Ramener la Pokal qui deux ans échappait,
Et pour noël ravir le Mondial du Monde !
Mais ne veut pas cesser cette ère si féconde :
Je rends sans ménager service à mon blason,
Le bon sort me rend grâce en dorant mon renom !
Ma patte est des tous lieux et tous gens reconnue,
Leurs vivats, leurs encens volent haut dans la nue,
Et bien que qu’on connaît dans leur intérieur
Le vainqueur de ce soir, mais aussi de leur cœur,
Il faut nous célébrer la fin à cette année
Autour de ma saison maintes fois guerdonnée.
Non pas qu’en m’électant, cette festivité
Gonfle mon cœur d’un souffle empli de vanité;
Le football a tira le meilleur de moi-même,
Et je suis émouvé d’en devenir l’emblème !
Je joue, ainsi que tous qui pénètrent ce hall,
Pour j’honneure les vœux de les dieux du football.
Donnant l’exemple aux tous de mon ardent courage,
J’exhibe de mon club son plus meilleur visage.

Entrent Ronaldo le Faux, Messi et son laquais.

SCÈNE DEUX

Ribéry, Ronaldo le Faux, Messi, le laquais.

MESSI
Flairé but par là-bas !

LE LAQUAIS
Calmez-vous, Lionel !
Loin de nous est l’instant du sacre rituel.

RONALDO LE FAUX
Ribéry, vous ici ? Mais que venez-vous faire ?
N’a-t-on point déniché pour vous quelque autre affaire ?
À moins qu’admiratif, vous comptiez me coiffer
De la couron…

RIBÉRY
Quoi ? Non !

RONALDO LE FAUX
Donc vous pensez…

RIBÉRY
Greffer
Le prix de Ballon d’Or à mes milliers trophées !

RONALDO LE FAUX
Le comique !

LE LAQUAIS
Il ose !

RIBÉRY
Où trouver, stars réchauffées,
Les raisons de rire à mon aspiration ?
L’Europe et le Maroc vantent dans l’unisson
Mes courses, mes crochets, mes frappes et mes passes,
Quand toi, tout comme Messi, par ton néant lasses,
Votre règne avec moi touche au leur triste fin,
Et le football harassé sort de son couffin.

RONALDO LE FAUX
Le bon goût proscrirait votre strophe pastiche,
Je n’ai guère entendu césure à l’hémistiche.
Gardez vos arguments comme vos vers piteux,
Qu’à vos bégaiements lourds, hardis et vaniteux
Succède ma faconde amène et délicate,
La seule apte à scander une illustre cantate
À ma gloire, louant le moindre petit trait
Sans mentir ni manquer d’achever mon portrait.
Le peindre exposerait aux muses leurs limites,
Mais pour vous y aider j’incarne mille mythes :
Cerné de champions à la Blanche Maison,
On me compare à tort à l’éminent Jason,
Cherchant la Toison d’Or avec un équipage
Censé nous vaincre en force, ou du moins en courage ;
Pélée, et Calaïs, et Pollux, et Castor,
Et Thésée, et Orphée, et Hercule, et Nestor,
Et d’autres preux encor composant leur armée,
Vainquirent un dragon à la gorge enflammée,
Puis des taureaux affreux, de soudains bataillons.
Ils peineraient pourtant à suivre nos sillons :
Cette équipe, à vrai dire, est bien trop surcotée,
Et doit son palmarès aux herbes de Médée !
Son art faisait leur force, et leurs exploits guerriers
Tiennent de son secours ce qu’ils ont de lauriers ;
Leur gloire suspendue à des drogues magiques,
Nul n’aurait eu sa place au sein des Galactiques !
C’est plutôt eux que sert cette comparaison,
Jason m’eût vénéré, délaissant sa Toison ;
Et m’orner d’une bête accorde moins mon style
Qu’un blanc saye au nom saint d’un buteur versatile.
Mon nom faisant l’écho d’un attaquant divin,
Il fallait que le jour de l’évincer survînt :
Ainsi que Jupiter émasculant Saturne,
Je le supplanterai lors de ce rit nocturne,
Lui qui raflait en or comme en cuir le ballon,
Car le football recherche un nouvel étalon
Et qui mieux que Moi-même, et plus beau, et plus leste,
Peut faire oublier l’as au prestige cæleste ?
Tel Jupiter, encore, à la puissante voix
Dont nul dieu ne pouvait faire plier les lois,
Même s’ils étaient cent à tirer sur un câble
Pour faire choir du ciel leur Père redoutable,
Vous pouvez m’opposer cent tacleurs, un millier,
Je percerai leur garde ainsi qu’un gros bélier !

LE LAQUAIS
Cette comparaison me paraît orgueilleuse.

RONALDO LE FAUX
Elle est pour être honnête à peine élogieuse,
Puisque elle oublie un trait qui m’est sempiternel :
Je suis si bien bâti que c’en est criminel,
Mais loin de m’avachir tels les dandys vulgaires,
Moi, l’égal d’Apollon, suis de toutes les guerres !
Le dieu qui vise loin a stimulé Hector
Qui d’un souffle fougueux revient semer la mort,
Il donne à Diomède un cours de modestie
Et rappelant son rang mate son aristie,
Patrocle, ami d’Achille et sûr de ses atours,
En un coup de Phébus va nourrir les vautours.
Ne retrouvez-vous pas dans ce divin esthète
Moi, ravivant mes pairs rompus par la tempête,
Moi, qui montre à Messi qui de nous est des dieux
Et dans leur germe éteins les jeunes orgueilleux ?
Il n’est emploi ni rang dont la grandeur s’enpare,
Et ceux qu’on voit porter le sceptre ou la tiare
N’en sont pas plus exempts, aucun nouveau joueur
Ne me fera fléchir : tel Sisyphe au labeur
Repris sitôt fini sans nuire à son courage,
J’augmenterai sans fin ma vigueur à l’ouvrage,
Saison après saison, record après record,
Sans épuiser jamais ma soif de Ballon d’Or,
J’enchaînerai les buts pour rester éligible !

RIBÉRY
Ta parure flatteuse a le dessein visible
De détourner les yeux à la réalité :
À tous ces faits bien bels manque l’utilité !
Il vaut meilleur jauger d’un grand joueur le grade
D’un but face à Barca que cinq envers Grenade.
Deux matchs avec Dortmund t’a fait couler à pic,
Mais pas moins que Messi face à Bayern Munich.
Vous masquez vos torpeurs sous des chiffres futiles !
Sur vos beaucoup de buts, combien ont-ils utiles ?

RONALDO LE FAUX
Je ne peux pas nier que lors de l’an passé
Sur les terrains d’Europe on fut très effacé.
Leo traîne sa honte ainsi que sa propre ombre,
Il vit de sa carrière un épisode sombre,
Il fut si nul alors…

LE LAQUAIS
Parlez de votre cas !

RONALDO LE FAUX
J’y viens, j’y viens, du calme ! Eh, quel est ce tracas ?
On me reproche assez de trop souvent le faire,
On s’enflamme à mon cas semble-t-il ignifère,
Et voilà maintenant qu’on l’invoque empressé
Pour plus tard, l’entendant, m’ordonner de cesser !
Je finis : jamais plus il ne se fit propice,
Contredisant de fait la presse laudatrice.
J’ai cessé de compter quand il ne marque pas :
D’abord contre Lisbonne et face aux Bavarois ;
En Liga plusieurs clubs ont su le faire taire
Comme au troisième match où sans astuce il erre
Puis au cinquième match, puis au sixième, puis…

LE LAQUAIS
Compris, compris ! Mais lui reçut de meilleurs fruits
Dans ce championnat, puisqu’il obtint le titre.

RONALDO LE FAUX
La belle affaire, allons ! vous savez, vieux bélître,
Plus d’un mauvais athlète eut l’heur d’un grand succès,
Voyez Arbeloa qui l’empoche en excès !
Si ma reconquête est par deux revers damnée,
C’est qu’on réduit ma tâche à deux matchs dans l’année.
Je ne crois pas possible un tel décret ce soir
Et qui connaît ce sport me sait être un digne hoir,
Car pour les footballeurs nés sous de bonnes fées
La valeur n’attend pas le nombre des trophées.

RIBÉRY
La force d’un géant se mesure à les rois
Qu’il terrasse. Il faut donc remporter des tournois !

RONALDO LE FAUX
Vous savez réfléchir ? Grand Dieu (c’est Moi), je bée !
Je vous dois éduquer, gueule de macchabée :
Au mépris de vos vœux et votre vanité,
Les doublons ne font sens que par nécessité.
Expliquez-Moi pourquoi le Ballon d’Or remettre
Pour un succès que jà vous fîtes reconnaître ?
Seriez-vous égoïste au point de désirer
Pour vous seul un trophée, à vos pairs soutiré ?
Le Ballon d’Or n’est pas d’autres prix la doublure,
Donc les accumuler n’est pas pris pour gageure.
Il convient de juger sur tous les matchs de l’an,
À l’aide d’un outil neutre moralement.
Donc le recours heureux aux strictes statistiques
Montre au mieux, n’en déplaise aux meneurs artistiques,
Un indice objectif du talent de joueur !
Vous comprendrez sans peine en quoi votre valeur
Ne peut pas découler de votre apport stérile ;
Les records tiennent mieux que vos honneurs d’argile,
Lesquels dès l’an prochain reviendront au néant
Quand de nouveaux vainqueurs auront fait tout autant.
À cet égard, Moi-même et Leo marquons l’ære :
Le rythme des records à nos noms s’accélère !
Jamais plus un joueur n’effleurera nous deux
Donc de grâce, partez ! vous êtes si hideux.

RIBÉRY
La chose a bon visage ainsi représentée.
Je soutenus à tort une idée enchantée
De les justes motifs derrière ce grand prix,
Je ne sache où me mettre après tout ce mépris…

MESSI
Ballon ! Un ballon !

Messi va en direction du Ballon d’Or, déjà exposé sur une scène.

LE LAQUAIS
Ah, mon maître a vu la balle.
Sa vision du jeu ne connaît pas d’égale :
Il va telle une pie aux objets reluisants,
Que ce soit le Ballon, comme un fisc plein d’argents ;
Mais je m’égare…

RONALDO LE FAUX
Adieu ! Je pars aussi, mais gare,
Au contraire du nain qui son veston bigarre,
Je choisis avec goût la glace où m’admirer,
Cette sphære est d’un piètre emploi pour se mirer.
Peut-être espère-t-il duper la concurrence
Et voler en secret l’ocre circonférence ?
Croit-il, s’irradiant de ce Ballon doré,
Voir son éclat déchu d’un seul coup restauré ?
Quel plaisir de l’esprit que de prêter des ailes
Au sien, cependant lourd de ses tares fidèles !
Tu m’amuses, Leo ! Bon vent !

Ronaldo le Faux rentre aux coulisses.

MESSI
Ballon… Ballon !

LE LAQUAIS
Regardez-moi ce fat, ce gandin de salon…
N’y prenez garde, sire, allons joindre une engeance
Qui ne se rira pas de votre intelligence.

Messi et son laquais s’en vont.
Entre Éditeur Bel Homme.

SCÈNE TROIS

Ribéry, Éditeur Bel Homme.

RIBÉRY
Pourquoi sacrerait-on ce stupide histrion
Qui terre sa superbe au moindre horion?
Et comment cet autiste attaché d’une laisse
Pourrait nous délivrer au stade sa finesse?

ÉDITEUR, bas
J’ai liquidé mon compte et j’ai bravé les lois,
Mon sort est bien payé, car c’est Franck que je vois !
L’argent des abonnés a servi de finance
À mon périple ici ; rendons leur confiance,
Ramenons du séjour un échange exclusif ;
Bien qu’éméché, j’espère être persuasif…
(À Ribéry) Cher Monsieur Ribéry, vous rencontrer m’honore !
J’aimerais…

RIBÉRY
Vous moquer, comme le matamore ?
Ses arguments tranchants m’ont transpercé le flanc
Mais en son fond, mon cœur assure qu’on me ment.
Je suis comme étourdu par une ample massue.

ÉDITEUR
Fichtre, le monde entier connaît déjà l’issue,
Ne savez-vous pas lire ? Évitant de savoir,
Au moins vous laissez-vous bercer d’un doux espoir…

RIBÉRY
Vous trouvez-vous narquois de jouer aux cassandres
Au dam à mes espoirs dont vous mettez en cendres ?

ÉDITEUR
Tout se sait à l’avance en ce sport qui se meurt ;
Le lauréat circule, abondant, sur Twitter.

RIBÉRY
Comment puit-on prêter la parole à la presse
Aux présages plus faux de ceux qu’une prêtresse ?

ÉDITEUR
Purée, on me confond avec un vil Crétois !

RIBÉRY
Je cerne à peine un quart à votre obscur patois,
Seriez-vous plus compris si vous seriez moins ivres ?

ÉDITEUR
Excusez-moi, mon vice est d’avoir lu des livres.
Ores, voulez-vous bien plaire à mon lectorat
Qui vous toise au-delà votre tête de rat,
En tendant votre oreille à mon questionnaire ?

RIBÉRY
Je vous vois apprêter un papier lapidaire.
Je ne mets pas d’espoir en les journals français,
Qui grossit mes excès et réduit mes succès.
Puis je ne comprends rien à votre affreux langage,
Peut-être t-a-n’on pas un semblable bagage ?
Après tout je me fous qu’avoir le Ballon d’Or,
Gagner tant de tournois est un plus mieux trésor !
Laissez-moi, cherchez-vous des cibles plus risibles.

ÉDITEUR
Vous autres footballeurs êtes si susceptibles !

Ribéry sort.
Entre Platini.

SCÈNE QUATRE

Éditeur Bel Homme, Platini.

PLATINI
Il est bien malaisé d’aborder ces joueurs
Qui croient vivre en un ciel coupé des supporters,
Bien que du même sang… Bonsoir.

ÉDITEUR
Salut Platoche.

PLATINI
On m’appelle toujours comme un compagnon proche,
Proximité bizarre entre fans et sportifs,
Due aux verts entretiens du Net interactifs…

ÉDITEUR
Ne vous égarez pas : je vous parle en compère
Car le petit écran a dissous tout repère,
Je fus si près de vous lors de ce Mondial
À l’intrigue émouvante, au dénouement fatal !
Merci pour vos parcours jusqu’en demi-finale,
La disputer deux fois égale une finale,
C’est mathématique.

PLATINI
Ah ! Vous vîtes mon essor
Que l’on a consacré de mes trois Ballons d’Or.
Exploit anecdotique à présent.

ÉDITEUR
Je parie
Que sous peu Ronaldo vaincra votre série.
Mais ce paon sans relief marquera peu d’esprits,
Sa seule contenance est cloîtrée en ses prix.
Ce ne seront jamais ces maudites starlettes,
Plus bêtes que leurs pieds, vaines mais satisfaites,
Produits avariés, nés d’un siècle vaurien,
Qui sauront satisfaire un cœur comme le mien.

PLATINI
Autrefois le garant des destins les plus fastes,
Il empoisonne tout de ses rayons néfastes.
Ce Ballon mordoré se meurt, est flavescent,
Et traîne dans sa chute un tiercé consentant.
Idoles du football, de ses écarts emblèmes,
Piégés par leurs succès, cultivateurs d’eux-mêmes,
Ils veulent du Ballon refléter les éclats
Lors même qu’il les tint de ses fiers lauréats.
Espérant que ce prix vers les cieux les redresse,
Le Ballon de son poids vers le fond les affaisse.
Cela fait bien longtemps qu’il n’a guère de sens.
Plus d’un joueur de classe échappe à nos encens.
Loin des honneurs…

ÉDITEUR
Mais près du cœur !

PLATINI
La liste est large,
Mais j’ai mon favori, recensé dans la marge.
En tant que supporter des beaux ans de Tonton,
Vous devez chérir…

ÉDITEUR
Berg…

PLATINI
Thierry Henry !

ÉDITEUR
Pardon ?

PLATINI
On parle d’un buteur entré dans les mémoires
Pour avoir dirigé de nombreuses victoires !
Parmi ses buts en Bleu, plus nombreux que les miens,
Plus d’un sauvait un match où piétinaient les siens :
Face au Brésil, ou face au Portugal naguère !
Son style d’attaquant préfigurait son ère,
Puisqu’il est le premier archétype rêvé
Puissant, vif, leste, altruiste, en un mot achevé,
Sonnant le glas de ceux qui, près du but, canardent
Ou, préférant le flair au talent, qui renardent :
De nos jours, tout joueur envoyé sur le front
Sans être aussi complet fait au sport un affront,
Quiconque ores qui joue au sein d’une avant-garde,
À l’échelle d’Henry m’a l’air d’une vieillarde !

ÉDITEUR
Vous, qui souvent mettez ce sport en porte-à-faux,
Louez un avatar de ses vices et maux ?
On ne hait jamais trop une voix hypocrite,
Méditez le destin de Phèdre et Hyppolite.
Que de vils parements tachent vos idéaux !
Je vous lâche, mon corps éprouve vos propos,
Mon ignoble rectum veut me rendre malade.

Éditeur Bel Homme sort en colère.

SCÈNE CINQ

Platini, seul.

PLATINI
Cet esprit insolent me fait une bravade.
On excite aisément un ancien supporter
Qui rompt au moindre émoi ses quotidiens pater !
Après une action pleine, haute, éclatante,
Tout ce qui brille moins remplit mal son attente ;
Il veut qu’on soit égal en tout temps, en tous lieux ;
Il n’examine point si lors on pouvait mieux,
Ni que, s’il ne voit pas sans cesse une merveille,
L’occasion est moindre, et la vertu pareille :
Son injustice accable et détruit les grands noms ;
L’honneur des premiers faits se perd par les seconds ;
Et quand la renommée a passé l’ordinaire,
Si l’on n’en veut déchoir, il faut ne plus rien faire.
Si mon premier métier fit de l’ombre au soleil,
Il est bien malaisé qu’y seconde un pareil,
Si bien que pour laisser une illustre mémoire,
La mort seule aujourd’hui peut conserver la gloire,
Mais le football, pastiche adouci des combats,
Nous refuse l’honneur d’un éternel trépas.
Mon cas revient partout : retiré des batailles,
Zidane en quelques ans est honni pour ses failles.
Il a payé bien tôt son accord au Qatar,
Mais quittant sa retraite, il fut déjà trop tard.
Adulé comme moi le long de sa carrière
Que ne pouvaient ternir ses éclats de colère,
À présent on l’exècre autant que le blanc loup ;
Certes un Homme-Dieu, mais mon Fils avant tout.
Mais pis que de nous voir frappés par la kénose,
Le football trouve ailleurs le cœur de sa nécrose :
Tous les dieux de ce sport sont morts depuis longtemps,
Esseulant sans secours leurs multiples enfants
En proie aux maux pervers de l’opprobre moderne,
Qui croît à l’infini comme l’Hydre de Lerne.
L’Olympe sans ses dieux prit le diable en sauveur,
Et voilà qu’il y règne et Mammon, et Blatter !
Sans user du football, est-il quelque contrée
Où leurs méchancetés leur permettraient l’entrée ?
L’attrait du vieux tyran pour la magouille et l’or
A guidé son regard devers le Ballon d’Or,
C’est lorsque sa remise élut un autre oracle
Que cette pitrerie atteignit son pinacle.
Mais ! maintenir ce cirque aussi sert mon dessein :
Dans l’ombre, j’entretiens ce festival malsain
Grâce à l’affect de tous pour l’amas de médailles,
Pour qu’ensuite j’expose au monde entier ses failles ;
En intrigant, j’accroîs le feu du projecteur
Puis feins en plein soleil d’être hostile à Blatter,
Pour l’évincer selon ces tours qu’un fourbe enseigne.
Si je n’ai plus l’estime, au moins j’aurai le règne !

— FIN DU PREMIER ACTE —

Suite dans l’acte II, ici.

Delphine, la muse poétesse.

10 thoughts on “Le paon, la pie et le pigeon – Acte 1

  1. Ça a l’air bien mais j’y comprends rien… Je vais aller essayer de déchiffrer de nouveau le dessin de Poubelsse.

    Porthos Molise, ça se comprend mieux, c’est plus simple.

  2. Je suis convaincu par la justesse des critères derrière l’élection du Ballon d’Or, les trophées ça sert à rien, merci Ronaldo le Beau (Delphine vous avez fait une faute à son épiclèse).

  3. J’ai scrollé moins longtemps que d’habitude. Mettre en scène l’Editeur, ce bel homme, et faire aussi court, ça ne me plaît pas du tout du tout.

  4. C’est assez incroyable. Je crois qu’il y a une répétition, on voit deux fois Jason et sa propre Toison.

    Non bon, voilà. Tu n’es pas tout seul dans ta tête, mais comme c’est la signature ici. Bravo.

  5. Mais c’est, comment dire, heu… absolument sublime!
    Une idée de génie, un travail de titan.
    Faire parler des footeux, en vers et puis en rimes,
    Et surtout Ribéry, c’est vraiment épatant!

    J’adore.
    Faut profiter des merveilles de la FIFA pour actualiser l’intrigue et mettre la pièce sur les planches.
    Avant que je vous pique l’idée.

  6. Merci à tous :)

    @Thomp: loin des coulisses de la FIFA, plus près des terrains, on peut produire du contenu sans avoir à suivre l’actualité! Cela donne des pièces dans une ambiance moins « posée », avec plus d’invectives, enfin je crois. Je vous invite à regarder la Déomachie par exemple, ma production qui reçut les meilleurs retours…!

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