Suite de la suite de la suite de la suite de la suite de la suite de la suite des aventures du commissaire Chlorophylle. Et si jamais t’as manqué une des suites, elles sont toutes là :

Episode 1Episode 2Episode 3Episode 4Episode 5, Episode 6

 

–       Bonjour commissaire, j’espère ne pas vous déranger. Comment allez-vous ?
–       Mais très bien, très bien. Et vous ?

Chlorophylle a tout de suite reconnu cette voix, lointaine, effleurant à peine les mots comme si elle voulait les éviter. Il s’était préparé à recevoir un nouveau coup de téléphone de l’homme qui lui avait révélé quelques jours plus tôt sa conviction intime que le meurtrier de Marmelade et de Chokapic était une seule et même personne, et que celle-ci se trouvait dans le onze de départ du derby contre les Pauvres.

–       Rappelez vos hommes, commissaire. Je ne suis pas devant la maison de ces gens.

Chlorophylle avait en effet quelques instants plus tôt ordonné d’un geste de la main à Robinet de partir immédiatement en compagnie de renforts pour la maison où l’homme avait emprunté au jeune fils le téléphone fixe. Chlorophylle décide tout de même de ne rappeler personne, dans le cas où l’homme lui mentirait.
–       Bien. Où êtes-vous dans ce cas ?
–       Chez moi.
–       Et il a une adresse, ce chez vous ?
–       Cela n’a pas d’importance. En revanche, ce que je vais vous dire devrait en avoir, du moins je l’espère.

La voix a changé. Elle s’est empreinte d’une tristesse qui frappe tout de suite Chlorophylle. Celui-ci se retourne et fait signe à un agent de lancer la procédure de traçage de l’appel.

–       Dans ce cas, je vous écoute avec la plus grande des attentions, monsieur … Monsieur ?
–       Vous pouvez m’appeler Janko.
–       Bien, Janko. Allez y.
–       Je suis fatigué commissaire. Ma vie n’aura été qu’une succession de déceptions humaines, de vides impossibles à combler et d’espoirs lamentablement déchus. J’ai aimé beaucoup de personnes, mais je ne suis pas sûr que quelqu’un m’ait aimé un jour. J’en doute fortement. Je pense plutôt que j’ai toujours été plus ou moins seul, même lorsque j’étais entouré. Ëtre entouré, voilà la vraie solitude. Parce qu’on observe toujours, on voit ce que sont les autres, et tout cela fait mal. C’est l’observation la vraie douleur. Je voudrais parfois être aveugle, pour ne pas être préoccupé par l’observation. Je suis fatigué de voir que je suis entouré, parce que cela me fait me sentir seul. Vous me direz, quelle solution alors ? Je ne peux pas me percer les yeux, la douleur serait atroce, et je suis trop lâche pour supporter cela. Alors je pense que je vais continuer à voir, mais il me faut un nouveau départ. Je vais aller voir ailleurs si j’y suis, si j’existe un peu plus qu’ici où tout s’observe, même la perte de l’amour. Je vais partir commissaire.

–       Vous me semblez être quelqu’un qui a perdu la joie de vivre en même temps que l’amour, Janko.
–       L’amour est le seul mot vraiment polysémique dans notre langue, vous savez. Il signifie joie et vivre, parfois en même temps.
–       Vous êtes un poète, mon cher Janko, je vous le concède. Et sinon, vous m’appelez pour un truc en particulier ou c’est votre passion de faire des quatrains à la police au téléphone ?
–       Non, veuillez m’excuser. Je voulais vous dire tout ce que je sais avant de partir.
–       Vous êtes fort aimable. Je vous écoute.
–       Je vais commencer par le début, pour que vous compreniez bien. Je suis ingénieur, et j’ai travaillé pendant plus de 10 ans dans une entreprise fabricant ce qu’on appelle du contrôle sécurisé des entrées. J’étais chargé de projet pour les produits véhicules et j’avais sous mes ordres une équipe de plus d’une vingtaine de personnes.
–       Qu’est-ce que c’est que ça, le contrôle machin chose ?
–       Dans mon secteur, il s’agissait plutôt de barrières levantes.
–       De barrières … Comme des barrières de péages ?
–       Exactement. Mon équipe et moi avons supervisé l’installation sur toutes l’autoroute Sud.
–       Là où travaillait Betterave.
–       John Betterave était dans mon équipe, commissaire. Il était chargé de la maintenance des produits. Il assurait des postes, temporairement et dans la plus grande des discrétions, en tant que péagiste pour vérifier le bon fonctionnement des barrières.
–       C’est effectivement le métier qui est apparu dans nos recherches.
–       Et c’est ce que l’entreprise a voulu. Ce ne serait pas très bien vu par l’exploitant des autoroutes. Je poursuis ?
–       Je vous en prie.
–       Il se trouve qu’un soir, j’ai reçu un coup de fil de Betterave. Il était complétement affolé, il n’arrivait pas à aligner deux mots sans hoqueter, il cherchait son souffle à toutes les syllabes. Excusez-moi.

L’homme est pris d’une violente quinte de toux qu’il ne parvient pas à réfréner.  L’agent que Chlorophylle avait chargé d’aller tenter de tracer l’appel revient. Aucun résultat, l’homme a pris ses précautions. L’agent l’informe également que Robinet est de retour. Personne n’était pas là-bas.

–       Je vous prie de m’excuser, je sors d’un long rhume. Où en étais-je ?
–       Au coup de fil de Betterave. Que vous a t-il dit ?
–       Il avait vu une voiture de luxe noire à la gare de péage et l’homme qui a baissé la vitre était couvert de sang. Il m’a assuré connaître celui-ci, sans me dire qui était ce dernier. Ensuite il a dû raccrocher car sa femme était venue à sa rencontre en ne le voyant pas sortir de sa voiture.
–       Il a pu vous décrire la voiture ? Et l’homme ? Comment en avez-vous déduit toutes les choses que vous m’avez dites ?
–       Il m’a rappelé le lendemain. Il était à nouveau affolé. Un de ses collègues avait disparu, et c’était celui qui tenait le poste d’à côté la nuit où tout s’est déroulé. Sa femme était venue dans le local des employés pour demander si quelqu’un connaissait un certain Alfred, qui s’était présenté chez eux comme un membre de l’équipe du péage et avait demandé au collègue de venir avec lui sur un remplacement urgent.
–       À quoi ressemblait ce type ?
–       Je ne sais pas. Mais la femme du collègue oui. John m’a rappelé le lendemain, très tôt dans la matinée. Il venait d’apprendre pour Marmelade. Il était terrifié, il pensait que l’homme qu’il avait vu était le meurtrier et que ce dernier en avait après lui pour éviter qu’il parle. Il m’a ensuite dit se souvenir où il l’avait vu, sans pour autant se rappeler de son nom.
–       Où l’a t-il vu ? Où ?
–       La veille, alors qu’il passait près d’un bar, il avait regardé à l’intérieur. Ils passaient ce fameux derby contre les Pauvres. Et il a vu l’homme en gros plan à la télé, avec un maillot jaune et blanc. Ensuite il … Il …
–       Eh bien quoi ?
–       Il a dû raccrocher, quelqu’un sonnait à la porte. Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles.

 

A suivre…

Fred Viagras

 

5 thoughts on “Le meurtrier est dans le 11 de départ : Episode 7

  1. « Personne n’était pas là-bas », ça veux dire qu’il y avait quelqu’un à l’intérieur et qu’il fallait entrer.

  2. Je viens de remarquer que l’illustration de la rubrique est bien une photo de stade de football, mais de football gaélique (et le ballon aussi).

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