De joie, leurs cœurs se sont emballés

Une histoire à l’eau de Tomáš Rose-Whisky

Lorsqu’il arriva à Prague, Tristanec pensait tout connaître du football. Comme la plupart des jeunes gens qui avaient célébré leurs 20 ans après une décennie du nouveau siècle, il  s’était éveillé au football lors des exploits de l’équipe de France en 1998 et 2000. Il avait ensuite suivi de manière fidèle les matchs de ses nouveaux héros, accompagnés lors de ces soirées footballistique par le duo de commentateurs formé par Jean-Michel Larqué et Thierry Roland, et parfois par son père, qui n’avait rien d’un passionné. Enfant sans Canal +, il découvrit l’existence de la Division 1 en se rendant avec son club de quartier à un match catégorie « Poussins deuxième année », surprenant une conversation sur Téléfoot.

Il se mit dès lors à regarder la télévision le dimanche matin. Quel ne fut son étonnement lorsqu’il vit que Lyon, Lens, ou encore Monaco s’affrontaient dans ce qu’on appelait un championnat. Les confrontations de football professionnel – mot dont il ignorait la signification – n’étaient donc pas des événements exceptionnels, il y avait un parcours, des éliminations, de la souffrance, en résumé une histoire, derrière des affiches telles que Calais-Nantes, Munich-Valence, ou une rivalité Paris-Marseille. C’est vrai ça… Pourquoi détestait-il Marseille ? Tous ces nouveaux éléments à prendre en compte le perdirent considérablement, et il rata le dénouement du championnat cette année-là, ne retenant que la victoire de Lyon en Coupe de la ligue.

C’est lors de l’été 2001 qu’il commença véritablement son éducation au football. Ses parents le surveillaient avec bienveillance, ne cherchant pas à contrôler cette passion qui s’était déjà trop emparée de lui pour la contrer. Le transfert de Zidane de la Juventus au Real Madrid, pour une somme annoncée record dans les journaux, lui apprit l’existence du mercato. Et déjà le championnat recommençait… Il ingurgitait toujours plus de football, la nouvelle télévision et la découverte d’Infosport aidant. Il put vite différencier les différentes compétitions, regardait attentivement les informations concernant la vie des clubs. Cette année-là, son cousin Tristan se prit d’amour pour le club de Lorient et ses parcours en coupes nationales.

Lui ne savait pas trop encore, plein de clubs lui semblait sympathiques, il ne savait pas ce qu’était qu’être supporter. Et puis au fond, il aimait toujours l’équipe de France par-dessus-tout. Puis s’acheva cette première année de boulimie footballistique. Lyon commençait son règne, Lorient ouvrait son palmarès mais redescendait à l’échelon inférieur (le système de relégation l’avait marqué), Zidane inscrivait un but splendide pour offrir la Ligue des Champions aux galactiques de Madrid. Bientôt arriverait la déception féroce du mondial Japonais-Coréen – quel hébètement en allumant Infosport en rentrant de l’école après France-Sénégal – et la Division 1 serait renommée Ligue 1, gagnant deux clubs au passage.

Dix ans plus tard, Tristanec éteignait avec dépit sa télévision (encore une nouvelle, un écran plat cette fois-ci) après l’élimination de la France par l’Espagne. En dix ans, sa culture foot n’avait cessé de gonfler, son appréciation du sport d’évoluer. Il avait détesté certains clubs, pour les apprécier ensuite, et inversement. Il était enfin devenu supporter, même si cela avait pris du temps et nécessité d’assister à une finale de la Coupe de la ligue. A l’opposé, son amour pour l’équipe de France s’était estompé. Il avait écouté RMC, lu So Foot avec avidité, et arrêté de regarder Téléfoot depuis longtemps. Il consultait Eurosport.fr à longueur de journée, et achetait L’Equipe après certains matchs d’importance. Il était capable de parler de parties historiques disputées lorsqu’il n’était même pas encore né, et dont il avait vu, au mieux, des extraits sur ESPN Classics. Il haïssait le football business mais ne pouvait s’en passer. Il était temps pour lui de bouger, de voir autre chose.

Lorsqu’il arriva à Prague, Tristanec pensait tout connaître du football. Comme la plupart des jeunes amateurs de football qui avaient célébré leurs 20 ans après une décennie du nouveau siècle, il ne s’était pas encore éveillé aux exploits de ces équipes inconnues.

556785_10200119684168576_1925557841_nElles n’ont rien compris mais elles approuvent

Le Bilan Baroš

Putain, mais qu’est-ce que c’est que ce narrateur dans l’intro. Qui c’est qu’a foutu de l’omniscience partout comme un gros dégueulasse ?! Je vais avoir l’air de quoi moi maintenant. Sympa, je suis tout nu sur la place publique, exposé au regard de tous, totalement vulnérable. Ouais bon ok, le mec dit pas que des conneries, mais putain il me fout la pression. Pffff, je suis sûr que c’est ce connard de Tristan (Bourrepif hein, pas Trasca, Trasca c’est un vrai de vrai, un bon de bon)  qui est derrière tout ça. Il m’a toujours insupporté au fond avec sa morale, son génial génie, ses discours sur le jeu, alors qu’il comprend rien au ballon et à la tactique. Sérieusement, Tristan, lis des livres, écris des critiques de films, mais arrête de nous soûler avec Lorient !

Bon, bref… C’est vrai que j’ai beaucoup traîné pour livrer ce bilan sur le football tchèque. Au fond, est-ce que quelqu’un l’attendait encore vraiment ? Quelqu’un l’a-t-il déjà même attendu ? Oui ? Julia L, Laure B et Léo M qui voulaient être cités dans l’article du match entre le Viktoria Zizkov et les Bohemians peut-être… Article jamais écrit évidemment… Horsjeu.net dépassant désormais les cercles footballistiques, je les avais traînés au stade de Zizkov, avec d’autres amis, sous la promesse de les faire apparaître dans un article. J’espérais voir la montée des visiteurs, qui s’étaient lamentablement chiés dessus. La saucisse était trop grasse, le match pas passionnant, le soleil n’avait pas suffi à atténuer les plaintes. A quoi bon ? La filiation du plaisir et du football n’est pas évidente pour tout le monde.

Et pourtant…

Éructation. Bonheur. Absinthe.

C’est ainsi que le dimanche suivant, je me retrouvais seulement accompagné de mon lecteur B, pour assister à l’accession des Bohemians à la Gambrinus Liga. Le temps était cette fois-ci pluvieux, une météo du mois de novembre même, mais le match était autrement plus animé. 5-1, il y avait de quoi faire la fête, de quoi oublier ses problèmes. Au coup de sifflet final, la pelouse était prise d’assaut par les supporters. Les mascottes kangourous furent enlacées, les joueurs dansèrent un peu avant de rentrer au vestiaire. Une partie de la pelouse fut partiellement arrachée, certains repartaient avec des mètres carrés d’herbe. Je me contentais d’un petit bout que je tins à la main dans le tramway et jusqu’à chez moi. Je le posai négligemment sur le balcon. Il en était maintenant fini de mon histoire avec le foot pragois.

C’est donc non sans un certain émoi que je fais mon palmarès. Si vous vivez à Prague, ou même que si vous êtes de passage dans la capitale tchèque, et que vous avez besoin de voir du football je vous conseille :

1)      Un match des Bohemians 1905 au stade Dolicek, dans le Kop de préférence si vous voulez vous imprégner au mieux de l’ambiance. Les supporters sont fidèles, le cadre dépaysant, du football comme on voudrait le voir chez les petites équipes françaises. Je leur décerne le prix Ah! Bel Nedved, sorte de prix Nobel du football tchèque, pour le plaisir général qu’ils m’ont procuré. Non je ne suis pas corrompu, ils m’ont seulement offert de la pelouse je vous dis.

L’arrachage de pelouse vrai

2)      Un match du Slavia dans leur Eden Stadium, dans le Kop. Chants non-stop, c’est vraiment sympa. Parce que sinon le stade est rempli au tiers, et le spectacle pas folichon. Je leur décerne le prix Vladimir Smicieu donné-moi oune pièce smiciouplé, mettant en avant l’équipe qui a besoin de thunes, vite, maintenant, là ! Ça serait triste qu’il leur arrive quelque chose de trop méchant.

3)      Un match du Viktoria Zizkov, tant que le club est en 2e division. L’ambiance champêtre du dimanche matin au cœur de Prague, au soleil ou dans la neige, avec la saucisse et la bière du réveil, une expérience à faire ! Je leur décerne le prix Petr Cech-ta-grand-mère, célébrant le club qui ne peut pas, mais alors vraiment pas se la jouer djeun’s (Un tour dans les bars de Zizkov à la découverte de ses supporters vous le confirmera).

4)      Un match du Sparta Prague, là-haut sur la colline de Letna. La meilleure équipe de la ville, et donc un spectacle censé être de « meilleure » qualité. Le charme est en revanche assez limité, et le Kop, perché dans un coin de tribune, paraît peu accueillant. Je leur décerne le prix Marek Jankuldesmouchoski, récompensant le club qui se la raconte un peu, qui nous parle de chose qu’on ne comprend pas très bien, mais qu’après tout il doit bien avoir raison vu qu’il est plus fort que les autres.

5)      Un match du Dukla, tout là-bas à Podbaba. Uniquement au printemps, où l’on peut prendre du plaisir à regarder le match sous la bénédiction du soleil. Sinon je ne vois pas comment il y est possible de tenir 2h… Je leur décerne le prix Jan Colèèèèèère, honorant le club qui fait un peu peur et qui est un peu haut perché, mais en fait nan c’est des gens sympas là-bas.

6)      Un match des Bohemians Praha, enfin si vous êtes très motivé et que vous parvenez à trouver le stade… Bonne chance ! Je leur décerne le prix Franz Kafkanal, pour cette virée dans l’absurde.

La Tristanmobile prête à partir vers de nouvelles aventures

7)      Une expérience à l’extérieur de Prague, à tenter si vous êtes en République Tchèque pour une durée plus longue qu’un séjour touristique. Les autres villes ne sont à jamais plus de 3h de train ou de bus (sauf Ostrava), donc il y a largement moyen de faire l’aller-retour si vous êtes un peu fêlé ! Mon trip à Mlada Boleslav restera un souvenir des plus surréalistes ! Je décerne le prix Jaroslav Platpays à toute personne ayant assez d’abnégation pour entreprendre ces voyages footballistiques à travers les champs tchèques.

Voilà, ce classement est bien évidemment subjectif, de toute manière un billet n’est jamais cher et il faut savoir qu’il y a de la bière moins chère que l’eau dans chaque stade (et éventuellement des spécimens féminins de beauté tchèque si vous êtes dans un bon jour) !

Pour les remerciements, je voudrais en adresser à Tristan Bourrepif qui m’a fait découvrir Horsjeu.net, les têtes pensantes du site qui ont soutenu mon initiative, les gens qui m’ont encouragé à la prolonger, ceux qui m’ont accompagné aux matchs, avec un petit bonus pour Benoit et ses photos. Il est aussi de mon devoir de remettre en avant le travail exceptionnel de Tristan Trasca sur le football à travers le monde. A titre personnel, je suis très heureux de ma plongée dans le football pragois, pour laquelle je me suis bien amusé. J’espère vous avoir intéressé, attiré, convaincu. Et j’espère qu’on se retrouvera le long d’un terrain de foot, là-bas, loin, très loin. A bientôt, pour un autre Rendez-vous en terrains connus !

Tristanec Bourrepifec

3 thoughts on “Rendez-vous en Terrains connus: Tristanec en finit avec Prague

  1. Merci pour ces voyages sur les terrains tchèques ! Et j’espère que d’autres vont suivre dans d’autres contrées!

  2. J’suis allé voir un match du machin zizkov, et bien ça reste quand même pas mal au niveau de l’ambiance. Et que dire du resto à 20m ouvert h24 proposant des hamburgers maisons. Vraiment un bon spot

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