Bordeaux-Paris (2-2) : La Scapulaire Académie entre dans la légende

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Bordeaux écrit l’Histoire

« Tout a une fin sauf la banane qui en a deux » Une académie de légende pour un match nul de légende. On a bien conscience d’être légèrement excessif. Et on s’en fout. Le temps fera le reste…

Thomas Tuchel a voulu bien faire. En conférence de presse, le technicien allemand n’a pas hésité une seconde à sortir la machine à compliments pour ne froisser personne et surtout pour passer à la question suivante. C’est une méthode qui marche plutôt bien. Tu regardes vite fait le palmarès de l’équipe d’en face. En fonction du nombre de ligne(s), tu adaptes ton discours. Voici un exemple de barème :


  • Sans Palmarès  « Il ne faut pas croire que battre cette belle équipe de Toulouse sera une chose aisée. Nos U17 seront motivées. Et pis, il n’y a aucune honte à envoyer les féminines ».
  • Pour une modeste ligne (même une coupe en carton) –  « C’est une équipe sérieuse, il faudra s’appliquer, …, et – citer l’attaquant le moins médiocre- est en confiance ».
  • Pour deux lignes « On sait que c’est toujours très compliqué de gagner ici, c’est une équipe sérieuse, …,- citer l’attaquant qui sera vendu à Norwich 25 millions – peut nous poser des problèmes ».
  • Trois lignes ou plus « C’est une équipe formidable qui joue dans un stade fantastique. C’est le rêve de tout entraineur de gagner ici. Liverpool c’était de la rigolade. Le vrai match se jouera dimanche à 21H. Vous avez déjà vu jouer Préville ? Il est formidable. C’est tout simplement de l’art contemporain ce joueur. Un mélange entre Picasso et Magritte (en réalité, ça serait plutôt du Soulages mais comme personne ne le connait vraiment.) »

Une histoire romancée

(Attention, cette partie comporte quelques libertés historiques, je préfère vous prévenir. N’est pas Lorant Deutsch qui veut. Mais devant le succès grandissant de Secrets d’Histoire, la Scapulaire Académie a décidé de surfer sur la vague, de « disrupter » à notre tour. On compte sur votre bienveillance… légendaire)

Tuchel invoque « la légende » pour masquer son ignorance. Le problème avec les légendes, c’est qu’on ne connait pas toujours, avec précision, son authenticité. Alors, rassurez-vous, il n’est pas ici question de remettre en cause toutes vos croyances gentiment apprises à l’école. Une légende se construit tout d’abord sur des faits réels. Étudions quelques exemples pour illustrer mon propos. Charles Martel a effectivement rencontré quelques arabes dans le Poitou. Clovis a bien cassé un vase à Soisson. Christophe Colomb (à ne pas confondre avec Gérard Colomb, bien qu’ils aient, à peu de chose près, le même âge) est bien monté dans un bateau. Maxime est un latéral gauche de formation. Il s’agit, à chaque fois, de la racine légendaire, de l’élément factuel presque indiscutable et bien souvent assez insignifiant. Vous imaginez bien que si l’histoire s’arrêtait là, vous n’en auriez pas entendu parler. Il faut deux conditions nécessaires pour transformer une histoire ordinaire en une belle épopée légendaire. Tout d’abord, il faut manipuler l’information de base et l’exagérer sans avoir peur du ridicule. Il suffit ensuite de laisser la magie du temps opérer.


« Je te jure, j’ai sauté au dessus d’un arbre de malade, il faisait au moins dix mètres de haut. Facile hein »

Vous n’êtes pas des personnages historiques, n’est-ce pas ? Pourtant, vos plus illustres anecdotes se trouvent renforcées années après années de détails toujours plus sulfureux. Vous aviez pris votre première cuite en vous enfilant une boite de Mon Chéri ? Cinq plus tard, vous racontez à vos collègues de bureau qui veulent l’entendre (la plupart ont déjà fui la pièce depuis longtemps quand vous commencez votre inénarrable histoire pour la dixième fois ce mois-ci) que vous vous êtes tapés la bouteille de Sky et que c’est ce Coca de malheur qui t’a rendu malade. Quelques années plus tard, tu rajoutes des demoiselles, de la musique et un acte héroïque. Mais l’histoire ne sera jamais légendaire. Pourquoi ? Elle n’intéresse personne (c’est précisément pour cette raison que les gens te fuient quand tu commences à la raconter) d’une manière ou d’une autre. Personne n’a intérêt à transformer l’anecdote en légende.


Charles Martel était un Carolingien. Il méprisait les Mérovingiens. Il ne pouvait récupérer la couronne lui-même. Il fallait dans un premier temps ridiculiser les rois en place. Alors, on qualifia les rois mérovingiens de fainéants, on les peint au milieu d’orgie, gras parmi les gras. On inventa des chansons ridicules. Certains osaient même s’affranchir de la « fashion-week » et arboraient un magnifique gilet jaune de circonstance. Alors quand Charles Martel apprend que quatorze arabes remontent dans le Poitou pour acheter une cargaison de crottins de Chavignol, il saisit la balle au bond. Courageux, il lève une armée entière. Il parvient de justesse à stopper cette horde de fromagers au beau milieu du Poitou. On a récupéré cette conversation avec son staff juste après le combat épique (c’est un document assez rare, faîtes y attention) :

– Bon les gars, maintenant on met le paquet sur la Comm’.
– Ouaaai Charles. On va dire partout qu’on a battu à plat de couture dix fromagers à Chauvigny. Le fromage pasteurisé ne passera pas.
– On va peut-être modifier deux ou trois trucs.
– Ils n’étaient pas dix ?
– En effet, on va plutôt dire qu’il s’agissait d’une armée
– Les gens vont trouver ça bizarre, qui viendrait avec une armée acheter des crottins de chavignol (sans manquer de respect aux crottins de Chavignol bien entendu)
– Triple buse, on va plutôt dire qu’il venait nous envahir.
– En passant par le Poitou ? Qui voudrait envahir le Poitou ?
– Personne en effet. Mais on va dire que les arabes voulaient nous envahir et que l’armée de Charles Martel les a repoussés fièrement.
– On en parle finalement du crottin de Chavignol et de nos cultures de Jonc sauvegardées ?
– …

Charles Martel arrêta les Arabes à Poitiers (oui, ce n’est pas un arabe, mais l’idée est là)

Quelques années plus tard, le tour était joué. Les Carolingiens ont sauvé officiellement la France. Avec le temps, les troubadours chantaient toujours un peu plus les louanges de Charles Martel. Les arabes étaient finalement des milliers, Charles Martel était presque seul, armé d’un couteau mal aiguisé et de sa bite. Il les repoussa avec une vigueur mémorable. Les arabes décidèrent de rentrer chez eux. Aujourd’hui encore, certains troubadours patriotiques ressentent le besoin de nous rappeler cette légende historique.


Ce mécanisme est le même pour Christophe Colomb. Il monte dans son bateau avec comme unique motivation de trouver une nouvelle route pour les Indes. Sans les épices et sans le commerce, Cristoforo Colombo serait resté chez lui. Mais porté par l’économie de marché, le navigateur génois monte courageusement dans son bateau et découvre sans faire exprès le continent américain. Vous le savez tous. On en a même fait un film. On a même forcé des élèves de collège à aller le voir. Pourtant, Colomb n’a pas « découvert » l’Amérique. Il ne fut pas non plus le premier Européen à traverser l’atlantique. Mais peu importe, Le souverain Castillan s’attribue la découverte. L’histoire romancée a précisément ce but. Elle enjolive, elle donne du relief, elle attribue un sens symbolique à l’anecdotique.
bordoparis

Je vais vous trouver une putain de nouvelle route, ça ne va pas trainer les gars.

En 2048, Maxime Poundjé ne sera plus un latéral gauche parmi les latéraux gauche. Il sera celui qui aura révolutionné le poste. Il restera, aux yeux des supporteurs, une légende. Avec peu de talent et une capacité à centrer une fois sur deux dans le lac, Maxime est parvenu à signer contrat après contrat repoussant à chaque fois le recrutement d’un arrière gauche (Contento ne compte pas). Et pourtant contre toute attente, le dimanche 2 décembre 2018, Maxou réussira un centre parfait sur une tête girondine. Cette action restera dans la légende, à tout jamais.


Vous vous demandez quel est le rapport entre ces divagations délirantes et les Girondins de Bordeaux ? C’est d’une simplicité enfantine. En nous complimentant, Tuchel réussit l’exploit de rendre sa visite paisible et sa victoire glorieuse. S’il avait exprimé des doutes : « Je n’ai pas pu faire de séances vidéos tellement c’était moche et chiant. On a dû changer notre préparateur vidéo trois fois cette semaine. Le dernier est en dépression, il est hospitalisé à Saint Maurice dans un état grave », nous l’aurions attendu au tournant. Sa victoire aurait été anecdotique. En faisant de ce match un rendez-vous et une affiche, il donne du poids à sa victoire probable. Malin non ?


Le Match

20h01 A l’annonce des compositions d’équipes, on ne se sent pas super serein.

20h55 Nous sommes prêts, le stade est plein comme un œuf. Les touristes sont là. La pression commence à monter.

20h58 On fait les dernières vérifications. Alcool Ok, Neuroleptiques Ok, Psychotropes Ok, Martinet Ok.

21h Pierre Ménès a raison de ma télécommande. Je baisse le son pour le plus grand plaisir de madame.

21h10 Le son est malheureusement encore trop fort. Je parviens à entendre cette andouille de Stéphane Guy nous faire son caca hebdomadaire sur les fumigènes.

21h17 Paga nous explique le plus tranquillement du monde que Bedouet ne peut pas relayer les consignes de Ricardo pendant les matchs. Il attise notre curiosité le petit malin. La raison est pourtant d’une simplicité confondante. « C’est trop compliqué ». C’est l’excuse la plus moisie du monde. Les mecs sont assis l’un à côté de l’autre. Ricardo ne peut pas dire à Bedouet « Fais remonter le groupe ». C’est techniquement impossible. Ça impliquerait que Bedouet se lève et gueule aux gars « ohhh remontez les gars, allez !! », vous imaginez le truc de fou.

Ahhh si nous pouvions trouver un moyen pour que Ricardo puisse donner des consignes à Bedouet. J’ai beau cherché, rien ne vient. Putain, c’est trop injuste. Si seulement Bedouet parvenait à régler ses problèmes d’audition…

21h25 On n’est pas si mal dans ce match. On commence à se détendre. On va laisser de côté cette vicieuse bouteille de Diplomatico qui me tendait les bras.

21h35 Neymar m’incite sournoisement à remplir mon verre (il était déjà rempli, c’est plus pour la forme et le style)

21h45 Péno ou pas sur Neymar, chacun son idée. A Canal, ils sont assez unanimes. Du coup, on sera plus mesuré. C’est plus prudent au vue de la qualité des échanges sur le plateau.

Les débats sur Canal sont toujours d’une grande richesse

22h13 Briand s’impose faisant ainsi taire toutes les critiques honteuses depuis son arrivée. Bon, Jimmy, ne t’habitue pas trop non plus.

22h21 Mbappé est oublié. On n’oublie pas Mbappé.

22h22 Paga s’excite littéralement sur le stoïcisme de Ricardo qui « n’a pas bougé du tout ». On le situe comment sur une échelle de Mickael Schumacher à Vincent Lambert ?

22h30 Choupo-Moting se prend une belle mise en échec par Costil. Ça joue.

Au ralenti, on remarque bien que Costil touche le palet

22h39 Cornelius reprend un centre du légendaire Poundjé. On égalise, bordel, on égalise.

22h50 On remporte le trophée de « l’équipe qui n’a pas perdu contre le PSG ». Nous sommes à la quatorzième journée. Non, non cette Ligain n’est pas pathétique.


Les Notes

Costil (3/5) :
Premier arrêt à la 91e, mais on n’oubliera pas qu’il a parfaitement balayé Choupo Moting, son charme fou faisant le reste.

Palencia (3/5) :
Il sort un match plein. Il a souffert sur son coté. Mais il souffre toujours sur son coté, fallait pas espérer qu’il en soit différemment ce soir. Offensivement, il prend son couloir parfaitement. Remplacé par le légendaire Poundjé.

Koundé/Pablo (4/5) :
Oui Koundé laisse trainer la jambe, oui Pablo nous a fait peur deux ou trois fois. Mais franchement, notre axe défensif est bandant, ni plus, ni moins. On sent que l’entente est parfaite. Jules semble avoir retrouver son envie de tout bouffer. Et ce Pablo, bordel, ce Pablo. C’est du caviar. Il faut impérativement le garder.

Pour résumer

Sabaly (3/5) :
On a retrouvé notre Youssouf. Il faut qu’il continue son petit chemin le petit bonhomme. Car le comptable voudra le vendre l’année prochaine.

Otavio (3/5) :
Il perd beaucoup de ballons mais il en gratte encore plus. Certes, il est encore loin dans l’art de la récupération d’un Dupont Gnangnan ou d’un Wauquiez mais ce n’est pas mal du tout.

Plasil (2+/5) :
Ils ont raison de gueuler les gilets jaunes. Tu vois le traitement réservé aux vieux ? Ils sont obligés de se prendre des petits ponts de Neymar. En dehors de ce point footballistico-politique, Jaro a tenu la distance. Bon, à la trente-cinquième minute, il donnait un peu l’impression du gars qui peine à terminer son Ironman. On va être honnête, on vanne pour vanner car ce soir, il n’y a rien de bien méchant à dire. Et Jaro, il est gentil. Il sort finalement sous dialyse à la soixante-dixième minute. Kalu nous fait plusieurs fois sa spéciale : « Je dribble tête baissée et je plonge quand je perds le ballon, on ne sait jamais sur un malentendu. ». Il n’y aura pas de malentendu.

Sankharé (3/5) :
Quand il court et quand il défend, il est vraiment intéressant. Dommage que ce soit aussi rare qu’un Gallice blindé.

Karamoh et Kamano (3/5) :
Les deux K étaient déchaînés. Kamano a tenu le choc contre Dani Alves et Karamoh a fait danser Nsoki. Il a même eu la délicatesse de se blesser au bon moment. Cornelius en profitera et nous encore plus.

Briand (3/5) :
Le gars qui a misé un nul avec un but de Briand doit être riche ce soir. Cet homme n’existe pas. Jimmy sort non seulement un match courageux ce soir mais il fait encore bien mieux. Il a su combiner, décaler sur le côté, conserver le ballon. Il ne s’agit pas dans un monde parallèle. Ce moment a bien existé. Vous n’avez pas rêvé. Bien joué Jimmy.

Les Autres
Ne comptez pas sur nous pour en parler. On laisse la Porte de Saint Cloud Académie le soin de donner sa vision du match (qui sera probablement radicalement différente).


Ailleurs dans le monde

Entre le G20 en Argentine, la Libertadores et ses turpitudes et les gilets jaunes, vous avez peut-être manqué le dernier album de Damien Saez. Estimez-vous heureux. On va rester très « corporate » aujourd’hui. La réserve a gagné un match important à Sainté, Benrahou et Mendy y vont même de leur petit but. Si vous voulez voir les buts il vous suffit de cliquer ici. Au passage n’hésitez pas à consulter formationgirondins.fr. Ce n’est pas un conseil, c’est une injonction. Je vous retrouve la semaine prochaine. Nausée se chargera de Sainté.

En attendant ce jour, je m’ennuie quelques fois, alors je vais au bourg (sur Twitter) voir les filles en troupeaux (les twittos). Elles me parlent d’amour (de Pablo) et moi de mes chevaux (Poundjé). Les meilleurs reconnaitront le clin d’œil. Les autres, vous pouvez toujours faire semblant. Ça restera entre nous. Nous concluons comme vous avez désormais l’habitude. N’oubliez pas de vous perdre sur horsjeu.net et venez tailler la bavette sur twitter.

Analement Vôtre

4 thoughts on “Bordeaux-Paris (2-2) : La Scapulaire Académie entre dans la légende

  1. CQFD mon Kiki

    Et encore, je trouve que tu as été un peu trop modeste sur la légende du plus grand latéral gauche de tout les temps et c’est tout à ton honneur

    Une statue pour le pied gauche de Poundjé est vraiment le minimum.

    D’ailleurs, on peut prendre son vrai pied dans le béton, il ne servira plus !!

  2. Si tu bois du diplomatico les soirs de match (surtout si c’est pour tenir bon) j’aimerais pas être ton compte en banque!

  3. Bordeaux en aura vu, des légendaires arrières gauches… Liza le champion du monde, Jurietti le champion de l’apparition précoce, Rool le champion du carton,Poundjé le champion de la prolongation…Bonnissel mon champion à moi (j’assume). Le prochain, Trichard, le champion de la révélation ?

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