«  Long time no see » dit une vieille amie chez qui j’ai passé une partie de l’hiver.

On s’habituerait vite à ce faste discret qui est l’apanage des très grandes et très anciennes fortunes. Je ne puis ni ne songe à rivaliser lorsque je l’invite, la domesticité de ce côté-ci de la Manche laissant trop souvent à désirer. Mais que Balmoral est beau dans les frimas.
Bref, vous ne vous êtes pas fourvoyés en ces lignes pour découvrir les Grampians voire le charmant village de Braemar mais pour assouvir des envies de mieux connaître le football ce qui n’est pas trop ardu vue l’inculture qui règne chez les dits footix.
Stefan Kovács aimait la France, certainement du fait des atomes crochus pouvant exister entre citoyens vivant dans des pays de culture latine, et d’autant plus que lui est originaire d’une contrée cernée par des Slaves. Sans doute aussi certains de ses compatriotes ayant connu le succès voire la gloire en France, lui rêvait également de réussir dans notre beau pays. Toujours est-il que rien ne le prédestinait à cela, ni sa plus que modeste carrière de joueur ni son poste d’entraîneur des espoirs roumains. C’était plutôt là une trajectoire ne menant qu’à la stagnation locale.
Mais le destin a de ces surprises, aussi bien pour le sage qui sait l’attendre que pour le fou qui court à sa rencontre.
De l’autre côté du continent, un entraîneur au faîte de la gloire, Rhinus Michels, décide qu’avoir gagné la Coupe d’Europe des Clubs Champions avec l’Ajax Amsterdam est un sommet, que par ailleurs l’argent du CF Barcelone est tentant, aussi il va opter pour une destination méridionale non sans laisser à ses dirigeants une liste de 15 noms de ceux qu’ils jugent les plus capables de lui succéder.

On a du mal à imaginer une telle conscience professionnelle de nos jours, et encore davantage à imaginer des dirigeants suivant ces conseils plutôt que de n’en faire qu’à leur tête et prendre un nom prestigieux pour apaiser les supporters.
Surprise donc, car l’un des élus est l’inconnu Stefan Kovács qui va s’embarquer pour Amsterdam avec son billet retour en poche tant il est sûr que c’est une erreur et qu’ils ne vont pas le garder.
Deux ans et deux titres européens plus tard, il est clair que l’inconnu de Timisoara a parfaitement su gérer les egos et les talents locaux en donnant les clefs du jeu à Cruijff et Neeskens — clin d’oeil à Raymond qui, avec ses «  clefs du camion «, n’aurait pas du s’étonner de sa sortie de route en Afrique du Sud .

Dans le même temps, notre pays déplore encore une fois une non-qualification pour un événement majeur, car la Coupe du Monde 1974 en Allemagne (de l’Ouest) se déroulera sans la France, mais nous en avions alors l’habitude .
La FFF décide donc de trouver celui qui mènera le pays à la qualification pour l’Euro 1976 . Stefan Kovács est approché, enthousiasmé et engagé en dépit de difficultés entre son pays et le notre .
Réaliste, le technicien roumain déclare alors qu’il faudrait entre 8 et 10 ans pour que le football français retrouve les sommets. Vous noterez au passage que, pour négatif que fut ce commentaire, il n’en était pas moins vrai, car 8 ans plus tard nous mène au cauchemar de Séville et 10 ans au succès en finale contre l’Espagne.
Il s’attelle malgré tout à la tâche et va s’efforcer de transformer le football français dans son contenu tout autant que dans ses pratiques, en inculquant aux joueurs du physique et de la tactique. Les résultats en dent de scie qu’il obtint sont en partie dus aux limites de ses joueurs, aux adversaires et à une prolongation de son contrat d’un an qui traîna en longueur car le dictateur — si,si — roumain commençait ses caprices. Si la France bat les Islandais , elle ne peut que prendre un point sur 4 à la Belgique et l’Allemagne de l’Est. Bilan insuffisant que ne compensent pas certains succès lors des matchs amicaux.

Curieusement, après cet épisode français au goût amer où son amour pour le football total s’est heurté aux limites d’une formation inadéquate à l’époque, le nom de Kovács va rapidement disparaître des radars du foot. Son décès en 1995 –- 12 jours avant que son cher Ajax ne remporte sa 4e C1 –- dans sa ville de Timisoara laissant bien plus indifférent que celui d’un chanteur belge aimant tellement la France qu’il fit tout pour n’y point payer d’impôt.

L’héritage de Kovács: de vieilles images d’un entraîneur fumant sur son banc de touche, de Beretta marquant contre la Roumanie, des premiers pas de Rocheteau en bleu ou de l’adjoint effacé qui prendra la suite pour profiter de ce départ poussif mais de bases solides qui vont amener la bande à Hidalgo — ex-adjoint — vers les sommets.

Deuxième étranger seulement à prendre les rênes de l’équipe de France ( aparté grammatical : il n’y a que pour l’équipe de Finlande que l’on écrit ‘ les rennes ‘ ) il n’aura pas laissé un souvenir impérissable et pourtant notre premier titre continental fut un peu le sien : les méthodes , l’entraîneur, l’organisation, partout se retrouvait la patte du roumain, fin psychologue et bon tacticien.
Nous n’oublierons pas d’associer à ces louanges l’homme qui fut capable d’aller quérir derrière le Rideau de Fer celui qui était digne de lui succéder à l’Ajax. Les grands clubs ont souvent de grands entraîneurs et l’inverse peut aussi être vrai. La preuve en est que Rhinus Michels fit venir Cruijff à Barcelone changeant de ce fait l’avenir du club pour les décennies qui suivirent. Mais ça c’est une histoire que nul passionné de football n’ignore….. Enfin, normalement………. Enfin, c’est ce que je croyais avant de me lancer dans un petit sondage auprès de mon entourage.
À quoi ça tient, parfois, la grandeur.

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