AC Ajaccio – Toulouse (0-3) : on a vécu un match à huis-clos délocalisé à Montpellier

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Premier barrage pour moi. Premier match à huis-clos pour moi. Premier match délocalisé pour moi. Premier barrage à huis-clos délocalisé pour moi. Un déplacement pas comme les autres, et comme il n’y en aura plus jamais.

Tout a commencé mardi après-midi, aux alentours de 15h. Je buvais tranquillement mon Liptonic dans un bar à Ajaccio en rafraîchissant frénétiquement la page d’accueil de Twitter, en attendant désespérément la décision de la LFP, réunie en commission extraordinaire. La décision tombe enfin : match à huis-clos et délocalisé. Où ? On ne le sait pas encore.

Ni une ni deux, je décide d’écourter mon voyage à Ajaccio et je prends mon billet de retour sur un bateau de la Corsica Ferries pour le soir-même. Nous apprenons plus tard que le match se jouera au stade de la Mosson de Montpellier. Un défi se présente alors à moi : peu importe le huis-clos, je serai au stade. Un appel à l’aide est lancé sur les réseaux sociaux. Les réponses des internautes fusent : certains me conseillent de louer une grue, de contacter Rémi Gaillard, de soudoyer des journalistes, d’autres me disent que je ne suis pas au-dessus des lois et des Havrais me proposent d’aller me faire enculer. Soit.

Une autre option s’offre à moi : rentrer dans le stade via le bus de l’AC Ajaccio. Nous sommes mercredi après-midi, et je me rends à l’hôtel des joueurs. Après avoir demandé au président Léon Luciani, la mauvaise nouvelle tombe : les accréditations sont déjà faites et complètes. Tant pis, nous irons quand même à la Mosson.

Résultat, les cigares sont là.

La pression monte. Le président Luciani nous demande alors, à nous les quatre supporters acéistes présents à l’hôtel : « il y a quelqu’un qui peut me trouver une civette dans le coin et aller me chercher deux cigares El Mundo ? ». Déjà, première question : c’est quoi, une civette ? Ni une, ni deux, John part en voiture bille en tête, trouve un tabac qui vend des cigares du premier coup au hasard, double tout le monde dans le commerce, appelle deux fois à l’hôtel pour être bien sûr de la marque et revient en vainqueur, le Graal dans les mains. 11 euros le cigare, quand même.

19h, c’est parti pour la Mosson. Sur place, des Corses de la diaspora sont présents avec drapeaux et écharpes pour accueillir le bus acéiste. Mais ils partent regarder le match bien au chaud chez eux, dans la foulée. Il ne reste que moi, tiraillé. Ma copine me dit « N’exagère pas, maintenant tu rentres » mais, d’un autre côté, l’envie d’assister à ce match ultra-important est là.

20h20 : je reçois plusieurs appels, sms et tweets. Pourquoi ? Le président Luciani a parlé de moi pendant son interview d’avant-match à BeIn. Sympa. Sauf qu’il m’a appelé « Robin » et qu’il a dit que je roulais en « 206 ». Moins sympa.

À 20h45, la décision est prise, je pars voir le match depuis une petite grille qui donne sur la pelouse, repérée lors d’une mission commando antérieure. Surprise : je ne suis pas le seul à avoir eu cette idée. Je me retrouve aux côtés d’un supporter toulousain que l’on appellera Panda B.. Panda B. a 21 ans, il fait partie des West Eagles 2015, il est venu en covoiturage (avec une conductrice super bonne) depuis la ville rose et il boucle ainsi, à Montpellier, son premier Grand Chelem.

J’ai donc vécu cet ACA-TFC, main dans la main, ou plutôt côte à côte, agrippé à une grille avec un Toulousain, dans la plus grande des fraternités. Et si c’était ça, en fait, le foot ?


Bon, on ne voit qu’une cage, on n’aperçoit même pas les lignes de touche, mais l’important est ailleurs : nous sommes là, présents pour encourager les nôtres, malgré le huis-clos. Derrière nous, une ribambelle de CRS, postée calmement dans leurs camionnettes. De temps à temps, des passants s’arrêtent, jettent un coup d’œil au stade. L’un d’entre eux se permettra de crier plusieurs « Et la Corse c’est des PD ». Dans notre dos, les voitures défilent, les Jacky Tuning aussi, faisant péter des rupteurs dans la grande ligne droite devant la Mosson. Et puis, d’un coup, ce sont deux cochons qui apparaissent au beau milieu de la chaussée, tranquilles, en pleine randonnée. Du jamais-vu.

QUELLE BELLE VUE

À la mi-temps, Panda B. tente encore une fois d’amadouer l’un des CRS, pour qu’il nous fasse rentrer. Refus catégorique. Autre grosse déception : qui dit huis-clos dit absence de buvette. C’est la première fois de la saison que je ne mange pas un petit casse-croûte à la mi-temps d’un match de championnat. L’ACA, lui, va manger deux autres buts en deuxième période. Score final, 3-0 pour Toulouse. Largement suffisant pour que Panda B. lâche un énorme cri de joie et de soulagement.

Il est 22h30, le match est terminé. De notre côté, on se dit que la soirée ne peut pas se finir ainsi. On décide de se rapprocher des bus ajacciens et montpelliérains. Malheureusement, un stadier qui fait du zèle nous barre la route et ne veut rien entendre. « Même moi, j’ai pas le droit d’aller là-bas », balance-t-il. L’excuse du huis-clos ? Irrecevable, surtout que cinq minutes il laissera passer un homme. « Ouais, mais c’était le frère d’un joueur », s’explique-t-il. De quoi agacer Panda B., l’homme qui crache « comme un lama » quand il est énervé.

C’est sur cette touche de nervosité que l’Ajaccien et le Toulousain décident de quitter la Mosson. Panda B. a un covoiturage le lendemain matin à 5h40. « Mais tu vas faire quoi jusqu’à cette heure-là ? », lui demandé-je. Sa réponse ? « Rien, je vais me poser et attendre, j’ai déjà fait ça un peu partout, à Bastia, j’avais dormi sur la plage ». Encore un fou. Je le dépose finalement à son point de rendez-vous et lui donne mon duvet de secours que j’amène partout dans ma 106, histoire qu’il ne dorme pas dans le froid, sous l’entrée du Mcdo Odysseum de Montpellier. Et notre déplacement se termine par un « À dimanche ».

Perfettu

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