La Tuicacadémie rencontre un supporter du Petrolul

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Après une excellente rencontre avec un supporteur de l’Universitatea Craiova, la Tsuicacadémie a déniché un supporteur passionné du Petrolul Ploiesti.

Le premier contact s’est effectué avec l’administrateur de l’excellent site DoarPetrolul.ro, particulièrement riche et qui propose notamment des analyses de matches très pertinentes. L’administrateur m’a proposé de me dénicher un supporteur expérimenté qui connait très bien l’histoire du club. C’est ainsi que Mihai, mémoire du Petrolul, a répondu à nos questions.

Lorsque j’ai lu ses réponses la première fois, j’ai été surpris par la passion et l’émotion qui ressortait de ses propos. J’espère avoir réussi à retranscrire cela en francais, l’exercice de traduction s’avérant particulièrement difficile.

Cette interview est un parfait complément du précédent article sur Ploiesti.

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Tout d’abord, merci d’avoir accepté de répondre à mes quelques questions.

Avec plaisir. Je suis content que vous vous intéressiez à notre équipe.

 

Comment vous est-il venu de supporter le Petrolul et pas l’Astra (1) et quelles sont les différences entre les 2 clubs?

Je suis un fan du Petrolul parce que mon père l’était, c’est un héritage familial. Les différences entre le Petrolul et l’Astra sont énormes. Depuis 1952 que nous sommes ici, à Ploiesti, seul le Petrolul a compté. On ne peut pas comparer les deux clubs, parce que pendant que le Petrolul jouait en première division et construisait son histoire, l’Astra (qui portait un autre nom à l’époque) jouait dans les ligues inférieures, quelque part en division 5. Ils sont arrivés très tard en division 2, après 1990, quand tout le capital de sympathie était déjà définitivement accaparé par le Petrolul.

 

Les supporteurs du Petrolul ont une excellente réputation. Quelles sont selon vous vos particularités?

Je crois que la principale caractéristique des supporteurs petrolisti, c’est l’orgueil, la fierté d’être ploiesteni et d’être fan d’une équipe avec d’aussi belles traditions.

 

Quels sont les clubs amis et les clubs rivaux du Petrolul?

Nous n’avons pas vraiment de clubs amis en tant que tel. Mais nous respectons énormément les vieilles équipes, avec des traditions. Les clubs ennemis sont le Steaua et le Dinamo, qui étaient respectivement les équipes de l’armée et du ministère de l’intérieur pendant le communisme. Le grand rival du Petrolul est aussi le Rapid, une équipe avec laquelle nous avons lié une belle rivalité sportive depuis 60 ans, que ce soit pour les luttes pour le titre en championnat, pour les victoires en coupe et même pour des accessions en première division.

 

Les joueurs sont surnommés les loups jaunes et les gazarii? Pourquoi les loups et que veut exactement dire “Gazarii”?

Le nom de “Loups jaunes” est apparu vers 1998 et il vient du nom d’un groupe de supporteurs qui s’appelle Lupii MB (Mihai Bravu, un quartier de Ploiesti). Le nom de “Gazarii” vient du nom de l’équipe, et sur l’ancien logo du club, il y avait une sonde pétrolière.

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Avant, l’essence était un produit pétrolier très utilisé dans les maisons, notamment pour l’éclairage mais aussi pour les équipements de cuisine…etc… Entre parenthèses, le kérozène pour les lampes à pétrole à été produit pour la première fois à Ploiesti en 1857. C’était, et c’est toujours, la plus grande ville du pays en ce qui concerne l’industrie pétrolière, donc le surnom de Gazarii est venu naturellement. (2)

 

En 2003, y’a eu un projet de fusion entre l’Astra et le Petrolul, et ça a débouché sur une situation un peu complexe. Pouvez-vous nous en dire plus?

Oui, c’est exact, même si c’est un sujet dont je n’aime pas me souvenir, je crois que ça a été le moment le plus triste de l’histoire de l’équipe. Le Petrolul était monté mais les anciens dirigeants avaient préféré céder leur place à l’Otelul Galati. Après, ces mêmes dirigeants, en collaboration avec le patron de l’Astra, ont fait ensemble une équipe qui jouait à la place de l’Astra mais en ayant la dénomination Petrolul et qui, selon eux, avait la prétention de se battre en haut de tableau. L’équipe a tenu une saison en division 1 et elle est ensuite descendue. Les dirigeants se sont séparés, et sont restés au Petrolul seulement les anciens qui avaient laissé la place à l’Otelul à l’époque. Le patron de l’ancien Astra a remonté une équipe avec le nom de l’Astra.

Ensuite, ces dirigeants se sont battus entre eux. Ils n’étaient pas d’accord sur l’identité du club mais ce qui est sûr, c’est que le Petrolul actuel a été reconnu par la commission de statistiques de la FRF comme la continuité de l’ancien club du Juventus Bucarest, crée en 1924. Donc le Petrolul d’aujourd’hui est dans la continuité du précédent, le passage concernant la fusion n’étant qu’une parenthèse malheureuse dans l’histoire du club.

 

Le stade a été reconstruit récemment. Qu’a t’il de si particulier pour vous?

Il a de particulier qu’il a été construit exactement au même endroit que l’ancien stade, et nous y tenions beaucoup parce que c’est là qu’ont joué les joueurs légendaires du Petrolul. Il est aussi spécial parce qu’il a été reconstruit grâce à la pression des supporteurs sur les autorités locales.

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Le Petrolul a connu son age d’or dans les années 50 et 60. Quels souvenirs restent-ils de cette période aujourd’hui?

Réellement, la période de gloire du club a été jusqu’en 1967, ensuite les performances ont été moindres, seulement une participation en coupe d’Europe en 1990 et la victoire en Coupe de Roumanie en 1995. Les souvenirs se sont perpétués dans le temps grâce aux histoires racontées en famille mais aussi grâce aux gloires du club qui sont encore présentes aujourd’hui et aux supporteurs qui ont connu ces époques et qui les transmettent aux plus jeunes, parce qu’ils sont passionnées par l’histoire du club et qu’ils essaient toujours de mettre en valeur les différents aspects du club pour entretenir la légende.

 

Le match contre Liverpool en 1966 à Ploiesti est resté ancré dans la légende du Petrolul. Pouvez-vous nous raconter le contexte de l’époque et le match?

Le match contre Liverpool est probablement le plus important de l’histoire du club. Les anglais étaient à cette époque-là les champions en titre du pays qui venait de remporter la coupe du monde, alors que le Petrolul était le champion en titre d’un pays qui ne s’était pas qualifié pour une phase finale de coupe du monde depuis 1938. Le match a donc suscité un intérêt énorme à Ploiesti, de mémoire de ceux qui étaient là tous les billets avaient été vendus en seulement 4 heures. Le match a été gagné dans des conditions spéciales, par exemple à la 26ème minute, un adversaire a blessé Badea, un des meilleurs joueurs petrolisti, et à cette époque-là les changements n’étaient pas autorisés, donc le joueur a du rester sur le terrain en faisant simplement de la figuration. Ensuite, en deuxième mi-temps, Dincuta, un de nos autres joueurs s’est blessé aussi.

A 3-1 pour le Petrolul, l’arbitre a refusé un penalty évident en notre faveur, une grosse faute sur notre attaquant Mircea Dridea.

Après le match, le célèbre entraineur anglais Bill Shankly a déclaré: “On s’attendait à une équipe du Petrolul plus faible. Elle a été deux fois plus forte que nous. Pour moi, le football pratiqué par le champion roumain est excellent, et, vous le comprendrez, ca n’a pas été une révélation très agréable pour moi. J’ai attendu sereinement le match à Liverpool, avec un peu d’inquiétude celui de Ploiesti et le troisième (à Bruxelles), je le regarde avec peur.”

Je ne l’ai pas vécu personnellement, je n’étais pas encore né, mais toutes ces anecdotes nous sont été transmises par des petrolisti qui ont été témoins de ce match. Malheureusement, le match de barrage à Bruxelles, on l’a perdu 0-2, les Anglais se sont qualifiés, mais la victoire 3-1 est restée jusqu’à aujourd’hui la seule victoire d’une équipe roumaine contre Liverpool.

 

Quels autres matches sont restés ancrés dans la mémoire du Petrolul?

Je crois qu’après le match contre Liverpool, le deuxième à être rester gravé dans la mémoire des supporteurs est la victoire contre le Gremio Porto Allegre. Une victoire 4-3 en 1961 à Bucarest. De ce que j’en sais, c’était la seule défaite du Gremio en Europe. Après plus récemment, il y a la victoire en Coupe en 1995, après une finale contre notre grand rival le Rapid.

 

Si vous deviez garder un seul joueur et un seul entraineur qui a marqué l’histoire du club, lesquels garderiez-vous et pourquoi?

La question est très simple, et je crois que n’importe quel supporteur répondrait la même chose.  On ne peut pas répondre autrement que Mircea Dridea et Ilie Oana. Mircea Dridea a fait toute sa carrière au Petrolul, c’est le meilleur buteur de l’histoire du club avec 142 buts. Et Ilie Oana a été au club pendant 34 ans, comme joueur puis comme entraineur.

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Cosmin Contra fait de l’excellent travail, l’équipe est agréable à voir jouer. Comment jugez-vous votre équipe actuelle?

Ces derniers temps le Petrolul joue très très bien, il a trouvé la bonne formule pour l’équipe, le jeu est très plaisant, avec de l’engagement, on est sûr en défense et efficace en attaque.

 

Vous avez beaucoup de joueurs francais (et francophones). Comment expliquez-vous ca?

Les joueurs francais ont commencé à venir au Petrolul à l’été 2011, quand Maxime Blanchard est venu faire un essai, même s’il n’a finalement pas été retenu. Ensuite sont arrivés, début 2012, Sony Mustivar et Damien Boudjemaa, ils ont fait le stage avec l’équipe, puis deux amicaux, et ils ont convaincu l’entraineur Vivi Rachita de leur faire signer un contrat.

Ensuite, alors que le championnat avait déjà commencé, sont arrivés Moncef Zerka et Hamza Youness. Tous les quatre ont été des joueurs majeurs du Petrolul la saison dernière, je peux même dire que sans eux le club ne se serait pas maintenu. Ils ont apporté un vrai plus à l’équipe, des valeurs comme le professionnalisme, l’expérience, et une excellente mentalité qui a été appréciée par les fans.

Ensuite, l’été dernier, au début de cette saison donc, Zerka est parti, il n’avait signé que pour une saison et malheureusement il n’est pas parvenu à trouver un accord avec le club pour prolonger.

En début de saison est arrivé Manasse Enza-Yamissi et au mercato hivernal Florent Sauvadet.

Je vais vous dire un petit mot à leur sujet.

Sony Mustivar est un très bon joueur, très apprécié par le public pour sa détermination, son esprit de combattant, pour son dévouement sur le terrain. Il couvre très bien le milieu de terrain, il fait énormément d’efforts, sa technique est correcte et il anticipe très bien le jeu. Même s’il était nouveau venu, il a été souvent capitaine grâce à toutes ses qualités mentales.

Boudjemaa est un autre genre de milieu, il joue plus avancé, il donne satisfaction aussi bien dans l’axe que sur un coté. Il a une excellente technique, bon dribbleur, bien sur il se permet parfois quelques fantaisies mais il est très altruiste, c’est un bon centreur, et il fait également son boulot défensif. Pour moi, il est clairement indispensable à l’équipe.

Hamza Youness est un joueur spécial pour nous. Il a du flair, il marque beaucoup, avec une bonne technique, un bon jeu de tête et il fait également les efforts en défense. Ses buts la saison dernière ont été décisifs pour le maintien, c’est devenu le chouchou des supporteurs.

En même temps, les trois francais/francophones qui étaient déjà là la saison dernière sont vraiment très appréciés par les fans, parce qu’ils sont aussi parmi les plus sympathiques et agréables. Zerka a aussi été apprécié le temps qu’il a joué au Petrolul, il a honoré sa carte de visite. Il avait une bonne vitesse, il parvenait à trouver les espaces. Il avait une bonne vision du jeu, il mettait en valeur ses coéquipiers, notamment Youness, et nous avions beaucoup de respect pour lui.

Et finalement, je crois que du fait que les joueurs que je viens d’énumérer aient donné une entière satisfaction, le club a décidé de recruter d’autres joueurs de “l’école francaise”, si je peux m’exprimer ainsi.

Manasse Enza-Yamissi est un titulaire habituel de notre équipe. Il est parfois très sûr, il sauve l’équipe de manière incroyable sur certaines actions, mais il a aussi des moments où il n’est pas très rassurant.

Florent Sauvadet est arrivé cet hiver et il a eu besoin d’un seul entraînement pour convaincre les dirigeants du club de lui offrir un contrat. Ses débuts ont été excellents, il a marqué quelques buts, a donné aussi des passes décisives. C’est un joueur puissant et technique, avec une bonne frappe, il est très utile à l’équipe. Malheureusement il s’est blessé récemment, j’espère qu’il va vite revenir.

 

Il se dit que Florian Walter voudrait quitter le club. Quand vous voyez les difficultés financières de nombreux clubs roumains, ca ne vous inquiète pas?

En ce qui nous concerne, on connaissait la situation de Walter depuis longtemps. Il est dans une situation assez spéciale, il doit résoudre les problèmes qu’il a avec l’Universitatea Cluj. Au Petrolul, il était président du conseil d’administration et sponsor de l’équipe. Il va probablement ne plus avoir de fonctions au club et il reste à voir s’il va rester sponsor. Mais c’est vrai que la situation de la majorité des clubs est inquiétante.

 

Comment voyez-vous l’avenir du Petrolul?

Le futur du club peut être excellent. Pour le moment, il est très bon, très prometteur, il y a des envies claires de développement du club, à condition que le management reste performant comme actuellement. L’équipe est bonne, elle est suivie, le stade est plein à chaque match à domicile, beaucoup de supporteurs font également les déplacements. Il y a clairement une émulation positive autour de l’équipe, j’espère que cette spirale sera bien exploitée.

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Si vous deviez engager un joueur, lequel choisiriez-vous, en étant réaliste?

Je ne vais pas vous donner un nom, mais plutôt un profil de joueur. Je prendrais, dans la mesure du possible, un meneur de jeu, un organisateur. Je crois que l’équipe aurait besoin d’un joueur de ce profil.

 

Quel est votre point de vue sur les dirigeants du football roumain (Fédé, ligue…etc…)

Mon opinion sur les dirigeants du football roumain est mauvaise. Sous leur direction, notre football a régressé de manière dramatique.

 

Comment jugez-vous la folle histoire de l’Universitatea Craiova?

La situation de Craiova est inacceptable. Ce qui se passe est absolument injuste.

 

Une nouvelle génération s’impose en équipe nationale? Comment la jugez-vous?

L’équipe nationale a besoin d’une génération de bons joueurs, avec du caractère et surtout un comportement professionnel. Malheureusement, nous sommes très loin du compte, ce sera extrêmement difficile d’avoir un effectif complet avec des joueurs d’exception, comme on a pu l’avoir par le passé. Avant ça se passait différemment, on accordait notamment beaucoup plus d’attention au développement des joueurs dans les équipes juniors.

 

Etes vous satisfait du travail de Piturca? Qui verriez vous pour le remplacer?

Non, je ne considère pas Piturca comme une bonne solution pour la nationala. Qui serait en mesure de le remplacer? Ca pourrait être Boloni, Dan Petrescu, ou pourquoi pas un entraîneur étranger. On a de toute façon besoin d’un entraineur-batisseur, parce qu’il y a beaucoup de travail en perspective, les choix de sélection sont très réduits, le niveau global du championnat est assez faible, on a pas vraiment d’excellents joueurs, et même dans la nouvelle génération il n’y a pas grand chose. Ca va être difficile.

 

Merci d’avoir répondu à mes questions. Je vous laisse le mot de la fin.

J’ai pris du plaisir à répondre à vos questions, je vous souhaite le meilleur!

 

Jean-Nicolae Surdu-Mutu

 

(1) L’Astra est né à Ploiesti en 1934. Mais comme le dit Mihai, le club a toujours été dans l’ombre du Petrolul. L’été dernier, son propriétaire l’a déménagé à Giurgiu, au sud de Bucarest, afin de s’émanciper totalement du Petrolul et d’essayer de construire sa propre histoire. Le club est aujourd’hui à la lutte pour la 2ème place, c’est une des belles surprises de la saison.

(2) Dans le langage populaire, Essence se dit aussi “Gaz” en roumain.

 

Un grand merci à Ionut de DoarPetrolul.ro pour avoir gentiment servi d’intermédiaire.

Multumesc mult lui Ionut de la site-ul DoarPetrolul.ro  pentru faptul ca fost mijlocitorul.

Et bien evidemment un grand merci à Mihai pour ses réponses très constructives sur le Petrolul et le football roumain.

Si de asemena, multumesc mult lui Mihai pentru raspunsurile foarte constructive si interesante despre Petrolul si fotbalul romanesc.

 

 

Vous pouvez toujours nous retrouver sur facebook.

et même éventuellement participer à notre grand jeu de l’été!

 

 

5 thoughts on “La Tuicacadémie rencontre un supporter du Petrolul

  1. Bravo, comme d’habitude un excellent article qui donne envie de mieux connaître le foot roumain.

  2. Bravo! très bon et bien documenté interview!
    Petrolul et donc, le reste n’a pas d’importance!

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