Nancy-Versailles (3-2) : La chardon à Cran Académie a droit à un peu de joie

…parce que c’est pas le monde que vous aviez promis au petit Picon, les amis. Il y avait des lendemains qui chantaient, des certitudes, un poil de solution technique, le cycle de l’eau ne trempait pas dans une soupe de plastiques toxiques, les guerres s’arrêtaient parce qu’on avait bien retenu la leçon, on ne mettait plus les gens dans des camps parce que c’était la pire chose qu’une minorité, ouf, heureusement ils n’étaient que quelques uns en Allemagne et avec bonheur, on les avait tous éliminés, avait commise, la faim dans le monde était un lointain souvenir et tu n’aurais plus à prendre l’oncle ben’s dans le placard pour le ramener à l’école, le faire empaqueter par ton instit’ et entendre à la radio plus tard que de toute façon les enculés d’en face (ou ceux d’en face d’en face) avaient coulé le bateau qui acheminait ton putain de riz à coups de canon, les voitures étaient toutes hyper propres et l’électricité qui les alimentait aussi et les marchandises passaient comme par magie d’une usine mignonne sans cheminée en province à chez toi, hop, avec la lubrification d’un budget de sénateur au milieu de l’austérité.
Oui le Picon n’est pas né vieux grincheux hurlant contre le vent tout seul juché sur un tas de slips sales dans la morne plaine de Tomblaine : il a été gosse comme vous tous, bande de trouducs, et il lui arrive parfois de se souvenir que même à Toul, durant la prime jeunesse qui lui fut infligée, on racontait des histoires souvent optimistes à ses oreilles, des choses qui lui laissaient entendre inconsciemment que l’histoire était dotée d’un sens, que la rationalité était chose humaine, que les valeurs avaient quelque chose de vaguement protecteur pour tous.
Désormais l’impression qui domine, lorsque le vieux Picon grognon a la faiblesse de jeter un œil par dessus son épaule pour se remémorer ces temps brumeux, c’est de tenir ce fameux courrier qu’on a tous reçus et qui fonde le socle indéfectible de tout espoir de l’humanité :
Toul, le 1er septembre 2025
à
Marcel Picon
Nulle part
54200 Toul
Va te faire foutre,
Affectueusement,
Papa, maman.
Le match
Quel que soit l’adversaire, l’enjeu reste le même pour les Chardons lorrains : concasser sans vergogne, taper d’abord et discuter après, tirer sans voir le blanc de leurs yeux. D’autres enjeux plus subtils ne manqueront pas de se dessiner plus tard, pour l’instant l’équation est simple : nous n’avons que nos poings et tous ceux d’en face sont des nazis. Si notre intro et l’actualité ne parviennent pas à vous faire comprendre ça, c’est que vous êtes bêtes à voter François Bayrou.
Comme la plupart de nos joueurs n’ont même pas l’âge d’être inscrits sur une liste électorale, ils pèchent encore par naïveté et les voilà qui encaissent deux buts coup sur coup en milieu de première période. On hésite brièvement à prendre notre carte d’adhérent au Hamas histoire d’abréger tout ça, mais allez savoir, une intuition pernicieuse nous pousse à continuer à regarder (intuition ayant pris la forme d’une grande bouteille de bière).
Il ne faut pas de miracle pour commencer à opérer de belles choses, il suffit de passer le ballon à Benjamin Gomel. C’est chose faite à l’heure de jeu, personne n’est donc surpris que l’on revienne à 1-2. On est un peu plus amené à hurler de bonheur quand Cheikh Touré nous gratifie du geste du match avec un contrôle chandelle à l’entrée de la surface adverse enchaîné d’une pure reprise à ras de terre pour le 2-2. Pas qu’on doute des qualités de finisseur de notre attaquant, choses dont il nous a gratifiés toute la saison dernière déjà, mais cette qualité-là, on ignorait qu’elle fut autorisée à ce niveau.
Mais conscient d’avoir seulement marqué un segment et pas livré le produit fini, le grand Cheikh célèbre en demandant le calme autour de lui car il partage la vision, certes moins élevée, petite taille oblige, mais pas moins ambitieuse de son coach d’amour. Un dernier corner est mal tiré, mais pas mieux renvoyé ; un dernier centre est expédié dans la surface et pour la seconde fois la barre renvoie la balle sur une tête de Saint-Ruf, tirant des cris déçus des tribunes mais Teddy Bouriaud est là, pas forcément bien placé, seulement là et le reste n’est que cris de joie, alcool un peu joyeux et bonne nuit de sommeil. Et si c’était bien là tout ce dont on avait besoin pour souffrir un peu la saloperie que d’autres apportent par porte-conteneurs entiers dans ce monde, eh ben laissez nous kiffer notre petite victoire inespérée de National. Pas nous qui allons jouer les peine-à-jouir en ce moment.
Les notes
Sourzac 3/5
Battu deux fois, il s’est imposé comme le mâle alpha qu’il est sur la troisième occasion des Versaillais, merci à lui.
Julloux 3/5
Toujours inepte en tant que footballeur mais moins emprunté que d’habitude. Lui a au moins cette qualité de ressembler à un être humain.
Thiaré 3/5
Match anonyme pour un gugusse somme toute talentueux par intermittence mais très fort pour se cacher derrière son capitaine alors qu’il mesure le double.
Saint-Ruf 4/5
Jamais abattu malgré ses interventions cataclysmiques sur les buts adverse, le bougre a juste touché deux fois la barre adverse et donné de sa personne tout le long à la recherche du souverain bien. Comment ne pas l’aimer.
Experience 3/5
Avec une technique pas dégueulasse on parvient même à apporter de l’aide à l’équipe. Faudra juste réussi à combiner la course avec plutôt que séparer les deux.
Bouabdelli 4/5
Plus il s’éloigne du but adverse, mieux il joue.
Camara 3/5
Oui ? des milieux ? Pourquoi faire quand on a plein d’attaquants.
Gomel 5/5
Le talent, la frappe de balle, l’énergie, la victoire.
Dabasse 3/5
Il y a des joueurs talentueux qui ont besoin d’un contexte bien particulier comme des espaces délirants, une adversité inexistante ou un arbitre qui sort sept cartons rouges pour s’exprimer, mais là les adversaires couraient.
Fdaouch 3/5
Le petit nouveau a encore bien à apprendre, il a tout de même tenu 86 minutes avant qu’on se rende compte qu’il était là.
Touré 5/5
Oui ce match avait besoin d’un héros, il l’a été et plus encore : un grand dadais sympa qu’on aimerait bien avoir pour copain. Ce que le foot peut nous faire écrire…
Marcel Picon