Bonus commentaire de texte…d’un lecteur avisé

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Dr Desproges Vs Hervé Penot

Le mercredi 9 juin aux alentours de 19h37, le site lequipe.fr a publié dans sa rubrique « Café des sports », une chronique d’un de ses « experts » intitulée sobrement et sans prétention « L’Afrique mondialisée ».  Le texte est signé Hervé Penot, journaliste sportif et politologue fin à ses heures perdues. Observons donc comment cet éminent expert écrit des choses brillantes et ce dès la première phrase.

« Le football africain symbolise parfaitement l’évolution du monde et finalement son rétrécissement. »

Notons tout d’abord que le mot symbole n’apparaît qu’en 4e position, ce qui, pour un « journaliste » de l’Equipe, est inhabituellement tardif. Ensuite, cette phrase introductive donne le ton et nous montre deux choses : la pascalbonifacisation est en marche et Hervé Penot va nous assommer de clichés, tout au long d’une missive hautement diarrhéique et remarquablement décérébrée.

Observons le « journaliste » en action. Il commence par le « football africain », notion vague et fourre-tout, et poursuit avec « l’évolution du monde ». Rien que ça, dis donc. Il est à la portée du premier socialiste venu de saisir à quel point cette expression ne signifie strictement rien, puisque tout chose est en évolution par définition. Mais peu importe, car elle est bien commode à utiliser. Plus surprenante, cependant, est la chute : Hervé nous apprend que le monde a finalement rétréci. Hervé, voulez-vous dire que le football africain a rétréci lui-aussi, puisqu’il symbolise cette évolution que vous prêtez  au monde?  Ou bien essayez-vous maladroitement de nous expliquer que le monde s’est globalisé (merci pour l’info) et que le football africain est le symbole de cette fameuse globalisation (dont vous ignorez manifestement toute définition) parce qu’il y a plein de joueurs africains qui jouent à l’étranger ?

« C’est même, à y regarder de près, un plaidoyer contre les extrémismes de tout poil, une ouverture sur le village globalisé »

En plus d’être un symbole, le football africain (on imagine que le « c’est » se réfère au football africain) est donc un plaidoyer. Formidable. Notons au passage le « à y regarder de plus près », aussi subtil qu’un Jean-Marie Bigard bourré, censé donner l’illusion d’une analyse poussée, là où le lecteur déjà déprimé par tant de paresse intellectuelle ne trouvera qu’un spectaculaire empilement de clichés, culminant avec le fameux « village globalisé », la panacée des journalistes sportifs reconvertis en politologues avinés. Hélas, Hervé, empiler des clichés, même avec une habileté aussi fine que la vôtre, conduit à vider sa prose de tout sens. Mais peut-être un jour nous expliquerez-vous ce qu’est « une ouverture sur le village globalisé» ?

Deux phrases et nous voilà déjà avec une impressionnante série de lieux communs. Grâce à Hervé, nous savons désormais que :

  1. Le football africain est un symbole
  2. Le football africain est un plaidoyer
  3. Le football africain est une ouverture

Saupoudrons le tout d’un monde dont l’évolution l’a rétréci à la taille d’un village globalisé et vous avez la recette d’un article de géopolitique footballistique grandiose.

And now, ladies and gentlemen, Hervé Penot va vous donner les arguments qui lui permettent d’avancer les affirmations des deux premières phrases :

« J’étais allé voir les Camerounais lors de leur rassemblement à Roissy avant qu’ils ne s’envolent vers l’Autriche pour leur premier stage de préparation. Les Lions Indomptables présentent un joli dégradé de tons. Les métis (Assou-Ekotto, Choupo Moting, Matip…) ne sont plus des exceptions. En Côte d’Ivoire, il y a deux ans, Loboué, lui aussi métis d’origine allemande, avait gardé le but de la sélection sans parler un mot de français. Demel, Bamba sont nés en France, Faé, le grand absent ici, a même évolué en Bleu chez les jeunes. L’immigration algérienne donne le cœur et les poumons de l’actuelle sélection des Fennecs. »

Ô la discrimination recule devant la globalisation. Ô le joli dégradé de tons. Que c’est beau. Oui, parce qu’avant il n’y avait que des noirs complètement noirs, on s’emmerdait sec et le village n’était pas globalisé. Mais, poursuivons, car la suite est succulente:

« Que dire du Ghana, lui aussi touché par ce phénomène d’agrandissement familial ? »

Quel phénomène d’agrandissement familial, Hervé ? Une subtile référence au regroupement familial ou à Brice Hortefeux ? Ou bien voulez-vous nous faire croire que le football africain, en plus d’être un symbole, un plaidoyer, une ouverture, est également une famille (agrandie) ?

« Owusu-Abeyie est un ancien international néerlandais et Kevin Prince Boateng, biberonné en Allemagne, trouvera sur sa route son frère dans la sélection de Joachim Löw lors du match de poule. Dede Ayew a poussé ses premiers babillements du côté de Lille dans le sillage d’Abedi, un père star. »

Ah oui tiens, ici il est vaguement question de gens qui auraient des relations familiales. Et nous avons en effet une démonstration brillante du pourquoi du comment rapport que le foot africain, ben si tu veux c’est un peu une ouverture sur le village globalisé, avec de vrais morceaux de diversité dedans.

« Et je n’évoque pas ici l’impact qui pourrait être immense sur une Afrique du Sud en proie à une inévitable crise identitaire en cas de parcours scintillant de ses Bafana Bafana (cet exemple est un peu hors sujet, j’en conviens, mais pouvais-je ne pas l’évoquer ?). »

Cette fois, ça y est, Hervé nous emmène au bout de l’analyse socio-politico-psychologico-footballistique, ledit bout se situant quelque part dans le néant.

Commencer sa phrase par « Et » impliquerait, comment dire… une sorte de lien avec tout ce qui précède. Mais non. Hervé ne s’embarrasse pas de ce genre de détail. Il se contente d’évoquer ce qu’il n’évoque pas en admettant qu’il ne pouvait pas ne pas l’évoquer, tout en précisant lui-même qu’il est hors sujet. Bravo, maestro. Et merci de nous avoir éclairés au passage sur le caractère inévitable de la crise identitaire de l’Afrique du Sud et sur ce fameux impact du parcours scintillant des Bafana Bafana.

« Sans recycler les clichés de la France Black-Blanc-Beur, d’un amour absolu grâce au sport, ce qui serait évidemment illusoire, le football, de par sa nature, sa complexité sociologique, est une intéressante vitrine de la société. »

Ah, non recycler des clichés, Hervé, nous savons bien que ce n’est guère votre genre. Bon, un peu,  éventuellement…mais il faut vraiment qu’il y ait un petit dégradé de tons, pas un truc aussi radical que blanc, noir et arabe, hein. Et nous savons bien, Hervé qu’un  « journaliste » de votre trempe ne saurait être un bisounours naïf qui croirait à l’amour absolu grâce au sport.

A part ça, Hervé, un petit éclairage sur ce qu’est cette « nature » du football que vous évoquez si sereinement ?

Seriez-vous d’accord également avec l’affirmation suivante : « Hervé Penot, de par sa nature, sa complexité intellectuelle, est une intéressante vitrine du journalisme sportif français tel que représenté par l’Equipe ? »

« Cette tendance actuelle des sélections du continent prouve que les destins de tous nos pays (Afrique et Europe) sont torsadés, liés les uns aux autres par des années d’immigration et cela pourrait au final amenuiser certaines dérives sectaires. Ici et là-bas. En tout cas, je l’espère… 

Hervé PENOT»

Nous sommes ici en présence d’une très belle conclusion, dite ouverte et pas seulement parce qu’elle enfonce des portes ouvertes. Elle résume comme qui dirait le message de l’auteur : il espère que les dérives sectaires vont se réduire. Formidable.  La lecture valait la peine. Et peu importe si cette « tendance actuelle » (qu’Hervé nous a brillamment démontrée en jetant ça et là des exemples de diversité ou d’immigration, on ne sait plus très bien) ne prouve qu’une énorme évidence – si tant est qu’elle est « prouve » quoi que ce soit : les êtres humains interagissent, même s’ils sont sur des continents différents. C’est ce qu’on appelle une sacrée révélation…

Pour conclure, remercions chaleureusement Hervé Penot d’avoir hissé le journalisme sportif français à sa vraie place, celle que l’on est prié de laisser aussi propre qu’en entrant.

Dr. Desproges

17 thoughts on “Bonus commentaire de texte…d’un lecteur avisé

  1. Beaucoup trop de références à Desproges dans cet article.
    Je constate d’ailleurs une grande promiscuité de la nébuleuse footballistico-décalée-polémique avec ce bon vieux PD, qui détestait le foot.
    C’est rigolo.

  2. D’un autre côté, le commentaire de texte d’un journaliste sportif qui s’essaie (sans succès) à l’analyse socio-footbalistico-politique ca fait quand même bien cliché aussi. Ecrire 6 lignes pour chacune des siennes pour bien nous montrer le caractère péremptoire d’Hervé Penot, ça m’a fait penser à Lamber Wilson dans Matrix 2 qui met 30 minutes à nous expliquer que de chaque cause découle une conséquence.
    A part ça c’était joliment écrit :)

    PS : Pour ceux que la référence cinématographique gênerait sachez que je ne m’excuse pas et vous emmerde afin d’utiliser l’expression consacrée.
    Best Regards

  3. Quelle prose docteur. En plus de ca au service d’une nalyse ma foi d’un fort beau gabarit.
    Ca a pas l’air d’être trop exigeant de faire des piges a l’équipe.

  4. Quelle belle prose de Penot le capillaire, on n’est pas loin du blocage d’anneau pylorique.

  5. Nick Tarem, Si tu pousses cet argument plus loin, le comité est un cliché et ne sert à rien non plus.

  6. @Le comité : Certes, mais commenter l’aspect cliché d’un texte qui commente l’aspect cliché d’un texte est tellement ironique que c’en est presque beau :P

    De plus, je n’aime pas le comité pour ce qu’il dénonce mais plutôt pour la manière qu’il a de le faire. ^^

  7. C’est que tu finis par aimer… Et puis le Dr Desproges a tout de même un sacré talent pour décortiquer ce texte. Un gros membre l’a lu hier et avait renoncé à le commenter (l’absence de style du comité peut lui poser des problèmes dans ces cas)

    Merci quand même pour le joli compliment anal Nick Tarem.

  8. Moké insiste sur ce point mais rajoutez 20kg et une barbe à Hervé et vous avez Philippe Lucas et puis c’est tout…

    « Hervé pourquoi t’ecris de la merde ? » « Facile. Pour l’argent. »

    question au doc la belle plume : la symbolique de l’utilisation du mot « symbole » par les journalistes de l’equipe eveille une interrogation :
    Margotton a bossé là bas ? Ou veut-il travailler à Issy les Moulineaux depuis toujours ? (d’où ses appels de pieds repetés)

    Si tu peux eclairer Moké, sinon je demande à Bernard une investigation, ou Moké s’en chargera en bon policier qu’il est…

    Moké va faire la sieste en rêvant de la Suisse tiens.

  9. @Le Comité : Attention, je ne remets pas en cause le talent littéraire du bon docteur (y manquerait plus que ça vu comment j’écris). De plus, en relisant mon commentaire je me suis rendu compte que je devrais arrêter de poster quand je ne suis pas sous l’influence d’une drogue quelconque ^^.

    PS : Au fait, cher comité, vous pouvez m’appeler Nick, on commence à se connaitre. En plus à chaque fois que vous me donnez du « Nick Tarem » j’ai l’impression de revoir Georges Marchais s’adressant à PPDA :p

  10. Moké: j’ai toujours eu l’impression que la symbolique du symbole était la maladie de Vincent Duluc. Comme disait quelqu’un aux CdF, il ne peut pas s’empêcher de mettre « symbole » et « siècle » au moins une fois par article. Ceci dit, que ce soit contagieux comme maladie, je n’ai aucun mal à l’imaginer…

  11. Tu veux dire que je peux ecrire un article comme Duluc et commenter comme Margotton ?

    « L’Afrique du Sud accueille le Mondial 2010 chez Mandela, héros d’un siècle, temoin du métissage des équipes de son continent, comme un symbole. »

    Putin Moké va faire sa lettre de motivation de suite. Merci de m’avoir ouvert les yeux doc.

  12. Il est marrant que l’auteur ne relève pas, et même en rajoute, sur ce cliché : « l’Afrique ».

    En effet, l’Afrique est un cliché à lui tout seul aux yeux de beaucoup trop de mondes, il suffit de l’évoquer pour voir défiler devant ses yeux des cohortes d’enfants au ventre distendu et aux yeux bourdonnant de mouches alors que la réalité et non seulement différente mais aussi tellement plurielle que parler de l’Afrique en général me paraît incongru… mais tellement répandu!

    Comment évoquer à la pelle dans le même article (et en les associant) des pays aussi différents que l’Algérie, la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud. Ce serait un peu comme d’évoquer l’Europe en y généralisant les situations en Moldavie, en Allemagne et au Portugal…

    Bref, je vais enfoncer une porte ouverte : l’Afrique n’est pas un pays! Porte ouverte, certes, mais que tout le monde continue (ou semble continuer) d’ignorer… par ignorance du continent lui-même. Dommage que cette coupe du monde n’aura pas servi à certains d’en savoir un peu plus.

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