Johny Kreuz et ses drôles de matches

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La coupe du monde, c’est jamais vraiment fini

 

Oui, je sais, la Coupe du Monde est finie (snif). Oui, je sais, vous avez été abreuvés de statistiques diverses et variées sur la fête du football. Mais pas nécessairement celles-ci. Surtout, après mon papier sur les drôles de héros de 1990 (c’est ), je me suis dit que ça pouvait être sympa de recenser quelques « drôles de matches » vécus par certains joueurs. Vous en connaissez forcément au moins un (sauf si vous avez vécu dans une maison troglodyte lors des vingt dernières années). Par contre, si vous les connaissez tous, félicitations, vous n’avez pas de vie ! Et les messieurs en blanc vont venir vous chercher. Mais je m’égare encore. Bref, où est-ce que j’ai encore rangé ma 4L, nom d’un consultant Canal hydrocéphale ?!

 

Le plus « J’aime la France » : Pierre Issa, France – Afrique du Sud 1998
Pour le plus français des Sud-Africains (bon ça y est, j’ai fait mon journaliste de France TV, je peux enchaîner), cet affrontement restera peut-être comme le match le plus marquant de sa carrière. D’abord parce que la rencontre se déroule à Marseille, là où il est passé pro en 1996. Et surtout à cause du résultat final, auquel il aura grandement contribué. Issa manque en effet l’ouverture du score de la tête en première période. Rien de bien extraordinaire, me direz-vous. Mais attendez donc la suite. 77e minute : Lizarazu envoie une (très) longue touche dans la surface des Bafana Bafana. Superbe remise en retrait de Dugarry (si si je vous jure) pour Djorkaeff. Le Snake écrase trop son tir, que Vonk s’apprête à capter tranquillement. C’est sans compter sur un tacle de Pierrot, qui dévie le ballon hors de portée de son gardien pour un joli CSC. 2-0 pour les Bleus, en route vers un premier succès sans trop se fouler. Mais comme dirait la connasse de la pub SFR : « Et c’est pas fini ! ». Dans les arrêts de jeu, Monsieur Thierry Henry laisse sur place toute la défense sud-africaine, avant de piquer sa balle devant Vonk. Le Tango se dirige lentement dans la cage, mais Pierrot est le plus prompt. Précurseur du grand Jérémy Morel, l’ami Pierrot régale d’un enchaînement « je sors le ballon du gauche mais le rentre du droit. Ou l’inverse » de toute beauté pour parachever le sujet des Tricolores (3-0). Le but est accordé au roi Thierry mais bon, revoyez les images et dites-moi ce que vous en pensez

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Après ça, Issa disputera une finale de coupe UEFA avec l’OM de Rolland Tournevis, perdue face à Parme, avant de foirer des passages à Chelsea puis Watford notamment et de se finir en Grèce. C’est d’ailleurs à l’OFI Crète que fut composée sa chanson : « La Issa, la Issa, je te veux si tu veux de moi ». Même si certains historiens attribuent la paternité de cette œuvre à un chanteur hélicophobe.

 

Le plus « C’est la dernière fois, hein, garnement ! » : Josip Simunic, Australie – Croatie 2006

Le vainqueur de ce choc entre des Croates ambitieux et une équipe des Socceroos presque novice mais coachée par ce génie qu’est Hiddink se qualifie pour les huitièmes de finale. Un match nul suffit aux Australiens. D’habitude, ce genre de configuration débouche sur un match âpre et fermé. Or cette fois, si le match est âpre mais splendide. Soyons honnête, c’est ma rencontre préférée de cette édition (le France – Brésil ne compte pas, on avait Dieu en numéro 10). Srna ouvre le score rapidement, d’un maître coup-franc. Mais Craig Moore égalise sur pénalty. En deuxième mi-temps, Kalac (aucun rapport avec le chocolat blanc) offre un but à ce bel homme qu’est Niko Kovac. C’est alors que Harry Kewell se rappelle qu’il a quand même un putain de talent et qualifie l’Australie, grâce à un incroyable enchaînement contrôle-frappe en pleine surface. C’est alors que la fin de match vire au n’importe quoi. Notre héros y contribue grandement.
Ce cher Josip, digne interprète de chants pro-nazi (il a quand même raté cette Coupe du Monde à cause de ça), écope d’un avertissement à la 62e minute, pour protestation. A cinq minutes de la fin, son coach Zlatko Kranjcar (classe lui aussi, qui sélectionne son rejeton) lui dit de se calmer, Simic venant d’être exclu. Deux minutes plus tard, Emerton rejoint le Croate pour un deuxième carton jaune somme toute… stupide. Mais Josip fait mieux. Alors que les Aussies partent en contre, l’homme au damier fauche irrégulièrement deux d’entre eux. A la suite. Sous le nez de l’arbitre, Graham Poll. Ce dernier n’hésite pas et avertit Josip. Mais, ayant certainement abusé de Dieu sait quoi, oublie de l’exclure. Simunic se garde bien de moufter. Les Australiens marquent un troisième but, mais M. Poll le refuse. Il a sifflé la fin du match juste avant (coucou Karim, tu n’es pas le seul). Simunic s’approche alors de l’arbitre et semble lui expliquer que sa maman se livre à des actes buccaux contre rémunération. En Croate (enfin bosno-serbo-croate mais bref). Comme Josip est un bon client, M. Poll lui offre un troisième jaune pour le prix de deux. Cette fois, c’est le rouge. Graham a pris sa retraite dès qu’il a compris. Dommage, un tel talent force le respect. Quant aux Socceroos, un plongeon honteux de Fabio Grosso les éliminera en 1/8e. Monde de merde

Le résumé

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Le plus : «Tant que je ne fais pas gagner Pinochet, ça va » : Carlos Caszely, Chili – Autriche, 1982
Homme aux cojones de plomb (il a refusé de serrer la main du général avant la Coupe du Monde 1974), Carlos Caszely, génial footballeur chilien, n’a jamais pu confirmer son talent lors d’un Mondial. Lors de son premier match en 74, face à l’Australie, il devient ainsi le premier joueur à recevoir un carton rouge. Selon certains, il a choisi de se faire expulser, pour ne pas affronter ses camarades de la RDA. Alors bon, ajoutez ça au vent mis à Moustache (non, pas Guy Lacombe. Ni Frédéric Thiriez) et vous pouvez imaginer la chaleur de l’accueil à sa descente d’avion. Banni de l’équipe nationale, Carlos trouve refuge à Barcelone. A l’Espanyol hein.
Toujours ouvertement anti-Pinochet, Carlos est rappelé en sélection en 1979, parce que bon son talent tout ça. Pas ingrat, Caszely survole la Copa America 1980 et le Chili ne s’incline qu’en finale. De quoi débarquer en Espagne en 82 avec quelques ambitions. La Roja débute sa Coupe du Monde le 17 juin contre l’Autriche. Schachner ouvre le score mais en fin de première mi-temps, Carlos se fait faucher dans la surface. Pénalty indiscutable. Sauf que Carlos rate sa frappe et que son pays perd ensuite contre la RFA et contre l’Algérie, en marquant toutefois les deux buts qui permettront aux Germains de « s’arranger ». Bouc émissaire idéal, Caszely ne réapparaîtra que rarement en équipe nationale. Mais, poil à gratter perpétuel, il s’affichera en 1988 aux côtés de sa mère (torturée par les bons soins de Moustache quelques années auparavant) lors de la campagne victorieuse du No à Pinochet. Quelque chose me dit qu’il n’échangerait ceci pour rien au monde. Même pas un péno réussi en Coupe.

Le plus : « pionnier foireux » : Andranik Eskandarian : Ecosse – Iran, 1978
Vainqueurs de la Coupe d’Asie des Nations, les Iraniens, bien que bizuts en Coupe du Monde, ne s’avancent pas contre l’Ecosse en tapis sur lequel s’essuyer les pieds. Même si le Chardon, avec Dalglish et Gemmill, se voit déjà sacré (si si, je vous jure). Le début de match est écossais, mais l’Iran se montre dangereux en contre-attaque. Sur un long ballon, Andranik Eskandarian se montre perçant et ouvre le score d’un joli but. Le tout premier de l’Iran en Coupe du Monde ! Mais il ne le célèbre pas, et pour cause, sa superbe reprise a troué… ses propres filets. Il faudra attendre l’heure de jeu et un tir sans angle de Danaeifard pour le « vrai » premier but iranien dans un Mondial. Un but lourd de conséquences pour les Ecossais, qui avec ce nul se voient condamnés à en planter trois aux Hollandais lors du dernier match. Rien que ça. Ils réussiront quand même à s’imposer, mais avec un seul but d’écart. Quant aux Iraniens, ils en prendront quatre contre le Pérou mais n’auront jamais été ridicules. Un peu comme cette année, en somme. Pour l’anecdote, Andranik s’exilera aux USA en 1979 et deviendra champion US avec le Cosmos de New York avec Neeskens, Beckenbauer et Carlos Alberto. Putain de chanceux.

 

Le plus : « Obstiné pas verni » : Zico, France – Brésil 1986
Chef d’orchestre du Brésil de Télé Santana (vous savez, le jeu bandant qui perd toujours à la fin), Arthur Antunes Coimbra dit Zico dit le Pelé Blanc dit le père de Baptiste Lecaplain n’est que remplaçant lors du fameux quart contre la France (c’est ). A la 72e minute, Santana joue sa partition habituelle et sort Muller, cramé, pour Zico. Quatre minutes plus tard, Zico délivre une merveille de passe pour Branco, qui se fait faucher par Jojo Bats. Pénalty. Arthur (Cuillère) s’avance. Mais Jojo Bats, en état de grâce, détourne le ballon, avant d’être félicité par Amoros. Zico en reste coi. Alors, quand les Brésiliens comprennent que la rencontre va se jouer aux tirs au but, ils demandent à Zico s’il est certain de vouloir s’y coller. Mais le Pelé blanc pose ses cojones pleine de caipirinha sur la table et frappe… au même endroit que la première fois. Cette fois, Jojo s’incline. Mais comme Batsounet a sorti la frappe de Socrates et vu son poteau renvoyer la frappe de Julio César, le Brésil s’arrête là malgré tout. A cause de Luis. Et de la chance de cocu de Bruno Bellone. Espérons que Baptiste lui explique tout ça quand il l’aura enfin retrouvé

 

Le plus : « WTF puissance Pierre Ménès qui jongle puissance Marion Aydalot qui commente » : Lilian Thuram, France – Croatie 1998
Il y a toujours une part d’irrationnel dans les grandes victoires. Cela peut être Manu Neuer qui joue libéro, Maradona qui réalise son fameux doublé mimine/but du siècle ou encore Altobelli qui élimine Schumacher en finale en marchant sur le ballon. Mais dans mon esprit (et sûrement dans les vôtres, l’immense majorité d’entre vous étant française), de ce point de vue rien n’égale la demi-finale de Lilian Thuram. Si quelqu’un avait misé sur un doublé de l’arrière français, il doit être milliardaire aujourd’hui vu que « Tutu » n’avait jamais marqué en Bleu avant et n’a… jamais marqué depuis, malgré 142 sélections. A tel point que le matin même, Aimé Jacquet avait déclaré que le Guadeloupéen était pourvu de pieds carrés. Si c’était pour booster son joueur, c’est plus que réussi.
Pourtant, celui qui doit aujourd’hui être le meilleur ami de Luis Suarez et de Palmerin, débute très mal sa deuxième période. Sur une ouverture d’Asanovic, Lilian s’aligne mal avec ses collègues en défense. Résultat : Davor Suker se retrouve seul face à Barthez. Inutile de vous rappeler comment ça a fini. Vexé, Thuram se rue à l’avant sur l’engagement. Le réalisateur est pris de court et rate la passe de Djorkaeff (tout arrive) pour Lilian, qui égalise ! Pour un mec qui marque si rarement, on pourrait penser que ça suffit et que son match est terminé sur le plan offensif. Mais non. A vingt minutes de la fin, Lilian pointe à nouveau le bout de son nez dans son couloir droit. Il demande et obtient un relais avec Monsieur Henry. Jarni tente bien de chiper le ballon mais Thuram l’envoie siffler là-haut sur la colline avant de frapper. Du gauche. Et quelle frappe ! Une merveille de frappe enroulée qui laisse Ladic pantois. L’image de Tutu à genoux un index sur la bouche a fait le tour du monde. La France est en finale. Le doublé d’une vie. Le truc qu’on racontera à nos petits-enfants. Et ne me parlez pas de l’expulsion de Laurent Blanc, cela ne s’est jamais produit. Comme si Leboeuf titulaire en finale, c’était crédible.
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Le plus « Totaalvoetbal » : Ernie Brandts, Pays-Bas – Italie, 1978
Celui-là, c’est mon préféré. C’est d’ailleurs celui qui a inspiré ce papier. Difficile de faire plus complet qu’Ernie Brandts lors de cette « demi-finale » (oui bon dernier match du deuxième tour mais bon quand le vainqueur passe, pour moi c’est une demi. Na). Voire impossible.
Côté Hollandais, après un premier tour poussif (comme on l’a vu plus haut), on a déroulé au deuxième. L’Autriche a volé en éclats (5-1) et la RFA a bien essayé mais a vu les Bataves revenir deux fois. Les Transalpins, pour leur part, ont réalisé un sans-faute au premier tour avec des victoires contre la France, la Hongrie et surtout la dictature hôte, l’Argentine (pour l’anecdote, l’arbitrage d’Abraham Klein lors de ce match fut si parfait et impartial que les locaux firent en sorte qu’il n’officie pas pour la finale). Au second tour, la Squadra s’est fait accrocher par les Teutons avant de battre leurs cousins 1 à 0.
Vous l’avez compris, tout autre résultat qu’une victoire des Azzuri qualifierait les Hollandais. Les deux équipes jouent le jeu mais ce sont les Italiens qui se montrent les plus dangereux, surtout en contre. Ils sont récompensés au bout de vingt minutes. Suurbier rate un dégagement et Bettega se retrouve seul face à Schrijvers. Ernie accourt pour un tacle désespéré, qui trompe son propre portier. Mais cerise sur le gâteau, le joueur du PSV envoie son gardien à l’hôpital sur ce geste. Un combo rarissime à ce niveau.
Nul doute que la causerie d’Ernst Happel à la mi-temps a fonctionné car dès le retour des vestiaires, on voit Brandts se projeter de plus en plus, bien décidé à se racheter. Et ça paye : à la cinquantième minute, Ernie hérite du Tango aux 20m. Sans se poser de questions, il expédie un missile dans la lucarne de Dino Zoff et égalise avec lui-même. Goal blessé plus CSC plus but du bon côté, serait-ce l’équation du football total ? Toujours est-il que ce nul « Brandtsien » qualifie les Pays-Bas. Mais Arie Haan, déjà auteur d’un superbe but contre la RFA, vient mettre son grain de sel là-dedans. Et quel grain de sel ! Une lourde, une vraie. De 35m. Avec l’aide du poteau certes mais Zoff n’aurait de toute façon rien pu faire.
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Bon par contre faut pas déconner, en finale, c’est l’Argentine. Aucune chance donc de choper une étoile pour les Pays-Bas. Videla exulte. L’amoureux du foot en revanche envisage de se tailler les veines. Mais préfère se resservir une bière. Les vraies valeurs.

 

Bon, j’ai dû faire quelques choix. J’assume, j’ai placé ces histoires de manière aussi anarchique que Guy Lacombe avec ces joueurs mais je le sentais comme ça. Bref, si vous avez d’autres performances individuelles bizarres, je suis preneur. La bise
Johny Kreuz

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