Brest-OM (1-0) : La Canebière Académie ou les malheurs de la vertu
Tu te sens pas sale ? C’est anormal.
Aïoli les sapiens,
Cela sera sans doute difficile à imaginer pour vous, qui m’avez toujours connu les tempes blanchies par la sagesse, mais je n’ai pas toujours été le rigoureux narrateur chez qui la finesse du style le dispute à la rigueur de l’analyse et à la pondération du jugement. De temps à autre me reviennent ainsi les fièvres de ma folle jeunesse : avec une amie, le monde nous appartenait et nous nous livrions à toutes les audaces dans des écrits aux titres aussi provocateurs que « les pratiques délibératives chinoises au regard des théories occidentales de la démocratie » ou « les noyaux d’autonomie de la société civile chinoise ».
Parmi les mille-et-une merveilles que l’Empire du Milieu a apportées à la civilisation, j’en retiendrai ce soir deux. La première est la marmite de tripes à la façon du Sichuan. La seconde est l’autocritique publique imposée par le Parti. Le principe de ce rituel de salubrité publique est simple : quand un officiel a merdé, lui-même ou le premier bouc-émissaire qui passe est kidnappé par le Parti, mis au secret pendant une dizaine de jours, et réapparaît devant les caméras pour déclarer spontanément à quel point il a failli, est une merde humaine et a honte d’avoir trahi la confiance de ses compatriotes.
L’autocritique publique forcée est certes peu pratiquée dans nos contrées, pour le plus grand bonheur d’ailleurs de nos politiciens pour qui admettre une erreur est plus grave que de chier sur sa mère. Pourtant, dans le contexte que nous connaissons, il serait bon pour la salubrité publique d’y contraindre nos joueurs, entraîneur et président (à faire leur autocritique, pas à chier sur leur mère).
C’est que le type de soirée que nous vivons en ce moment présente un gros défaut : nous n’avons sous la main aucun représentant olympien à qui demander pourquoi il aime tant se comporter en fiente humaine semaine après semaine. Les matchs de l’OM ont en effet un point commun avec une interview de Chibrald Darmanin ou Manuel Valls, c’est ce sentiment vertigineux, une fois que la télévision s’éteint, qui nous saisit à l’idée qu’un être humain, notre semblable, notre frère, puisse avoir une si faible estime de sa condition qu’il n’éprouve aucune honte à se vautrer publiquement dans l’indignité. Certes, nul n’est un saint et il arrive à chacun d’entre nous de s’égarer, de rater, de tomber parfois plus bas que terre, mais dans ce cas surviennent généralement des sentiments tels que la honte ou le dégoût, et non l’envie d’afficher sa déchéance à la face du monde.
Et c’est ici que la frustration du spectateur survient : l’idée, même hypothétique, que les joueurs puissent dormir du sommeil du juste paraît insupportable, alors que notre nuit sera peuplée de cauchemars à base de contrôles ratés et de passes dans le vide. Juste un, un seul, n’importe lequel, juste on voudrait en avoir un sous la main pour l’entendre nous dire « oui, je sais que je suis une loque, que je ne vaux rien, que je vous mets la honte semaine après semaine dans tous les stades de France et d’Europe, pardon ». Une sorte de catharsis, quoi. Le rôle de l’autocritique publique forcée, c’est précisément celui-ci.
A l’époque de Michel, l’OM avait esquissé ce genre de méthode chinoise sans malheureusement aller au bout de ses intentions. Il y a là une idée à creuser néanmoins : nous verrions bien Longoria envoyer quatre gros bras saisir Gattuso à la sortie du stade, le coller de force dans un van pour l’aéroport de Brest, puis dans un jet non traçable sur Flightradar. Quelques jours plus tard, nous retrouverions notre désormais ex-entraîneur amaigri et en larmes, expliquant qu’il est un incompétent notoire, une honte pour le football, un traître à la cause sacrée olympienne et qu’il se retirera jusqu’à la fin de ses jours mouler du pecorino dans un monastère calabrais. L’OM ne s’en trouverait pas plus avancé, mais au moins nous pourrions nous défouler d’une saine humiliation publique, soupape au demeurant bien plus contrôlable qu’une nuée d’apaches pyrocyprésistes à la Commanderie. Quoi qu’il en soit l’urgence commande à Pablo d’agir, ne serait-ce que pour griller le dernier fusible qu’il lui reste avant que l’on ne se mette à parler un peu sérieusement de ses propres errements et responsabilités, et la locution « un peu sérieusement » est ici à prononcer avec l’accent docker.
Resteront les joueurs, qui incontestablement n’ont pas été placés dans les conditions les plus favorables par les branques supposées structurer le projet sportif. Toutefois, l’incompétence est une chose, s’y résigner voire s’y complaire en est une autre. Pour tout dire, de telles chiffes ne se trouvent habituellement que dans les tréfonds des comptes Twitter les plus douteux, ceux peuplés d’hommes se filmant à poil, qui à quatre pattes avec une batte de base-ball dans l’anus, qui en train de se faire uriner dessus par leur compagne, qui se délectant du contenu d’une petite culotte sale. Ceux-là bénéficient toutefois de différences de taille : d’une part leur déchéance revêt un caractère assumé qui l’assimilerait presque à une performance, et d’autre part ces gens prennent soin de ne tromper personne et de renseigner leur biographie par des termes évocateurs tels que « salope urophile », « crade et soumis », « larve à faire couiner », mais certainement pas « joueur de football professionnel ». Vous voulez vous faire piétiner, humilier, défoncer, déféquer dessus, agrandir vos orifices par tout le catalogue de la quincaillerie Empereur, et par-dessus tout votre kif c’est de le faire devant des millions de téléspectateurs ? Mais allez-y mes garçons, ce n’est pas sale, mais juste, si vous me permettez deux conseils :
- cessez de faire mine de ne pas aimer ça, arrêtez de vous mentir à vous-mêmes ;
- par-dessus-tout, cessez de le faire en notre nom. Quand Jean-Philippe, comptable de la Socamat, passe ses heures perdues à publier ses photos de lui en soutien-gorge et en porte-jarretelles avec un ananas dans le fondement, c’est dans des sites obscurs sous le pseudo @avaletoutdu94, pas sous son vrai nom sur le LinkedIn de sa boîte.
Les Longorious Basterds
Blanco
Clauss – Mbemba– Balerdi – Garcia
Ounahi (Kondogbia,76e) – Onana (Correa, 90e) – Harit (Luis Henrique, 76e)
Sarr (Aubameyang, 61e) – Moumbagna – Ndiaye
Semaine européenne oblige (voir l’académie ici), le XI de départ est remanié pour mettre au repos certains joueurs, à commencer par Aubameyang. Gigot purge la suspension liée à son expulsion contre Metz, tandis que Pau Lopez est blessé. Cela n’a pas empêché d’ailleurs Pau d’aller au charbon devant les micros en fin de match pour se livrer à ce qui ressemblait presque à l’autocritique suggérée plus haut.
Le match
Non contents de voir un OM nul, nous assistons ces derniers temps à un OM nul et en manque de confiance. Cela se traduit par des erreurs techniques encore plus ridicules que d’habitude, dont une abominable relance dans l’axe d’Onana et une combinaison Ounahi-Harit qui mériterait de rejoindre le coup-franc légendaire d’Ibrahima Bakayoko au panthéon des coups-francs olympiens les plus grotesques (si un lecteur dispose de la vidéo de cette 11e minute, nous nous ferons un plaisir de l’archiver pour la postérité).
Pour autant, l’OM n’est pas franchement mauvais dans cette première partie du match, on peut même dire en étant un peu optimiste que notre équipe parvient à élever son niveau jusqu’au médiocre. Une mauvaise relance profite ainsi à Harit, qui s’empresse de lancer Ndiaye dans la surface où l’attaquant est descendu par un hippopotacle de Lees-Melou. L’auteur du geste avouera après le match ne pas avoir lui-même compris pourquoi Ruddy « cum » Buquet n’avait pas accordé le pénalty qui s’imposait.
Globalement, le niveau olympien reste cependant assez lamentable et va d’ailleurs en se dégradant à mesure que la première période progresse. Juste avant la pause, une série de duels perdus à deux contre un envoie Pereira Lage défier Blanco, qui remporte brillamment son face-à-face. A la pause, la seule chose qui nous retient de dire qu’on ne peut pas tomber plus bas est qu’il nous reste encore à décrire la seconde mi-temps.
Face à un OM sans idée, Brest menace de plus en plus nos cages, jusqu’à passer tout près d’ouvrir le score sur une tête de Mounié peu après la reprise. La marche en avant bretonne est toutefois entravée par un geste d’une sublime débilité de la part de ce même Mounié, qui craque devant les provocations de Balerdi et lui cale un coup de coude dans les côtes à l’écart de l’action en cours. Après des années passées à tenter de pourrir les matchs en se roulant par terre sans recevoir d’autres récompense que le soupir navré de l’arbitre, Leo gagne enfin son brevet d’argentinitude en parvenant pour la première fois de sa vie à faire expulser l’attaquant adverse.
Une demi-heure en supériorité numérique, c’est pour l’OM le gage de rien du tout. Le public le sait, nous le savons, les Brestois le savent, et ce carton rouge ne représente pour eux qu’une péripétie. Nous sommes toujours aussi impuissants, au point de ne même plus faire semblant de chercher à combiner et d’envoyer des centres hasardeux dès que nous approchons à moins de dix mètres de la surface adverse.
Brest croit en ses chances, ce qui passe près de leur être fatal quand, montés en nombre sur corner, ils se font surprendre par notre contre-attaque. A deux marseillais contre trois olympiens, Luis Henrique trouve le moyen d’adresser une passe dégueulasse dans les talons d’Aubameyang, qui ne peut que bafouiller un tir dans les bras du gardien, notre seul tir cadré du soir.
Plutôt sage jusqu’ici, Uilsses Garcia décide à son tour de se rendre pitoyable à l’occasion d’une touche en notre faveur. Après la remise de Kondogbia, Ulisses foire sa passe et sert directement Lees-Melou à l’entrée de notre surface. Le Brestois défie Balerdi qui trouve le meilleur moyen d’éviter le pénalty : en refusant de défendre et en disant « bah vas-y, passe ». Lees-Melou ne se fait pas prier et file ajuster Blanco en angle fermé (1-0, 86e).
L’OM ne parvient pas à répliquer par autre chose qu’un lâcher de saucisses au-dessus de la surface adverse, et accomplit ainsi un nouveau chef d’œuvre de ridicule, d’autant plus navrant que les perspectives de voir les choses s’améliorer sont quasiment inexistantes.
Les joueurs
Blanco (3+/5) : Une sortie cafouillée mais aussi plusieurs arrêts de belle facture. Au bilan du naufrage de cette saison, il sera inscrit dans la catégorie « joueurs qui n’en peuvent mais ».
Clauss (1/5) : Défoncé nommément et publiquement pas plus tard que dans les interviews d’avant match par le conseiller du président Mehdi Benatia, qui prend ainsi place aux côtés de nos meilleurs dirigeants aux qualités managériales et humaines éprouvées. On ne saurait saluer Longoria pour le choix judicieux de s’être adjoint les services de Benatia, tant il est vrai que le club et son entourage manquaient de personnalités toxiques. Pour en revenir au match de Clauss, comme l’on dit en de telles situations, « les réponses s’apportent sur le terrain », et en l’occurrence la réponse de Jonathan était « bah oué, il a peut-être raison en fait ».
Mbemba (3-/5) : Grâce à la Canebière Académie j’ai découvert un lecteur maraîcher qui a un bon plan carottes au marché de Pertuis le vendredi. Ça ne m’aide pas à trouver quoi que ce soit à dire sur le match de Chancel, mais au moins je peux croquer de bonnes carottes en écrivant l’académie.
Balerdi (2/5) : Il m’agace d’autant plus que, quand je le vois jouer, j’ai l’impression de jouer contre ma fille à Mario Kart. Invariablement je conduis comme un dieu, je fais tous les tours en tête, et à l’avant-dernier virage je me prends successivement une plante carnivore, un trou de lave et une boule de feu. C’est fascinant comme chez certains cerveaux t’as la glande de l’échec qui est hypertrophiée, y a rien à faire, tout se passe bien, tu fais du mieux que tu peux et paf, t’as la glande de l’échec qui s’active et qui te fait faire de la merde. Faudrait que l’hypertrophie de la glande de l’échec soit reconnue comme un handicap, du coup ça donnerait accès aux Jeux Paralympiques : ce serait assez cocasse d’assister à des courses dont les concurrents réussissent tous des performances fantastiques avant de se casser la gueule au dernier virage. Et par définition, le vainqueur serait automatiquement disqualifié.
Garcia (1/5) : Il est des nôôô-tres, il a perdu sa balle de but comme les ôôô-tres.
Onana (1/5) : Soit Pablo l’a fait venir de Turquie pour passer 15 kilos de cocaïne dans ses bagages et ce serait très grave, soit il l’a fait venir parce qu’il pensait qu’il pourrait apporter son talent footballistique à l’OM, et ça ce serait proprement inadmissible.
Correa (90e) : Caméo.
Ounahi (1/5) : C’est même pas un stoquefiche, c’est le papier qui emballe le stoquefiche.
Kondogbia (76e) : Doit encore passer trois jours à se remettre du match de jeudi.
Harit (1+/5) : On l’a vu bouger un peu en première mi-temps, mais ça devait être le vent.
Luis Henrique (1/5) : Il avait une passe à réussir, il l’a salopée.
Sarr (1/5) : Il est faux de dire qu’Ismaïla fait toujours n’importe quoi, il y a des fois où il ne fait rien.
Aubameyang (61e, 2/5) : Tente des centres et des tirs improbables l’air de se dire « de toute façon, ça ou autre chose… ».
Ndiaye (1+/5) : Le drame de la faillite de Consolat, c’est qu’il n’existe plus de deuxième club pour assouvir le rêve de ceux qui ont toujours voulu jouer à Marseille en étant trop nuls pour l’OM. S’ils n’avaient pas eu la folie des grandeurs, ils seraient toujours en National, Illiman Ndiaye serait leur meilleur buteur adulé, les supporters de l’OM feraient le forcing pour qu’on le recrute tellement les titulaires sont nuls, et voilà comment on se retrouverait avec Ndiaye à l’OM donc en fait on se trouverait exactement au même point, à la réflexion.
Moumbagna (1/5) : Il y a des clubs quiretirent le numéro de leurs grands joueurs, nous pour rendre hommage à Jean-Pierre Papin on a fait mieux : on a retiré son poste.
L’invité zoologique : Romain Del Cachalot
C’est carré, c’est lourd, ça sait où ça va : le cachalot était l’invité approprié pour raconter notre escapade océanique.
- Les autres : ‘z’avez vu ? C’est ça qu’on appelle une équipe, il paraît. ‘devriez essayer.
- Le classement : Huit points derrière l’Europe, huit points devant le barrage de relégation, et surtout Lyon bien partis pour nous faire l’humiliation suprême de finir devant nous.
- Coming next : Sous réserve des événements, démissions et déprédations diverses qui pourraient survenir dans la nuit, notre prochain rendez-vous est normalement fixé jeudi contre Donetsk. Suivront Montpellier, Clermont et Nantes, avant de nous frotter à plus coriace.
- Les réseaux : ton dromadaire préféré blatère sur Facebook, sur Twitter, ainsi que sur BlueSky. Olivier L. gagne le concours zoologique.
Bises massilianales,
Blaah
Je lis chaque académie mais ne commente que 3 fois par décennie, un tel niveau de performance d’académie méritait bien ça. Bravo monsieur Blaah, je ne regarde le foot qu’une fois l’an et jamais l’OM mais je vous lis assidument.