Aioli les sapiens,

Alanguie dans un hamac, seule dans la chaleur de sa case, Erzulie se repose d’un été exténuant. C’est désormais Jordan Amavi qui détient le sort de titularisation éternelle et, même pour la reine du panthéon vaudou, le faire respecter n’a pas été de la tarte. Elle ne souffla que le 31 août, heureuse d’avoir accompli sa mission avec les honneurs : c’est à peine si une rumeur de recrutement, vite avortée au demeurant, parvint aux oreilles du peuple. L’exploit résonnerait longtemps dans le monde des esprits, mais que ce fut épuisant, pensait Erzulie. Maintenant que son protégé était satisfait, pourvu que personne ne vienne de sitôt me tirer de cette sieste, songeait-elle.


A la Commanderie, en ce lundi matin, l’humeur est badine. Même si le match contre Montpellier s’est mal terminé, la satisfaction d’avoir produit du jeu apaise les déceptions. Le décrassage s’achève, joueurs et techniciens devisent par petits groupes. André-Villas-Boas, lui, ne songe qu’au casse-tête posé par sa défense centrale, privée d’Alvaro Gonzalez blessé et de Kamara suspendu. Pour se changer les idées, il décide de se rapprocher d’un petit groupe particulièrement jovial rassemblé autour de Jordan Amavi.

– Et comment on te remplace, toi, Jordan ?
– Aaah, on me remplace pas, moi, j’ai mon petit secret.
– Ah ah, c’est le sort d’André Frank, c’est ça ?
– Ben oui, figure-toi.
– … jure !
– Eh ouais, sans déconner, je l’ai récupéré, le sort. C’est tout con en fait, faut appeler la déesse Erzulie et tu lui fais ton vœu… mais seulement si tu lui plais, hein.
– Oah, tu déconnes, hé.
– Hében va essayer, si tu me crois pas, ça se passe dans le réduit près des chiottes, là bas.

Jordan pointe du doigt les bâtiments administratifs. L’ensemble des compagnons rit de bon cœur, sauf deux personnes : Grégory Sertic, et André Villas-Boas, qui venait de se joindre au groupe pour écouter le récit. Les deux hommes regardent la direction pointée par leur camarade. Puis se regardent mutuellement. Et regardent de nouveau les bâtiments.


« Putain de merde ! » Dans un même juron, Villas-Boas et Sertic s’élancent comme des furies vers ce fameux réduit, laissant là leurs collègues médusés. L’entraîneur a pris de l’avance, mais se fait tacler par derrière. Sertic se relève mais se voit à son tour victime d’un placage de rugby de la part du Portugais. Les deux hommes entrent au coude à coude dans le bâtiment, piétinant une femme de ménage. Villas Boas trébuche, laissant à Sertic une large avance mais, avant que son joueur n’atteigne le couloir, il lui lance le chariot de ménage dans les pieds, envoyant Grégory valdinguer dans le mur. Le couloir est étroit, chacun joue des bras, des coudes, des griffes pour atteindre le but en premier. La porte du réduit est fermée, André et Grégory la chargent à grands coups d’épaules à la fois pour la faire céder et pour tenter d’assommer l’autre. Elle cède brutalement, et les deux hommes tombent ensemble sur un pentagramme dessiné au début de l’été. « DÉESSE ! DÉESSE ERZULIE ! », hurlent-ils à qui mieux mieux. Ils hurlent si fort que, dans l’autre monde, la déesse se sent tirée de sa sieste.

Elle apparaît dans un nuage de fumée bleutée qui laisse à la porte du réduit le personnel de la Commanderie, venu aux nouvelles des deux énergumènes. Quand Erzulie leur apparaît, ceux-ci sont toujours enlacés. Villas-Boas a agrippé la mâchoire inférieure de Sertic, qui lui même tient son entraîneur dans une garde de MMA.

Mais… mais que faites-vous ?, demande la déesse de son air le plus sévère. Est-ce ainsi que l’on convoque  la déesse de l’amour ? Est-ce ainsi que vous comptez me séduire ?

Le Portugais lâche son opposant et tente tant bien que mal de se relever. L’autre fait de même, et les deux se mettent à plaider leur cause :

– Déesse, je suis venu vous trouver parce que…
Alors c’est pour un sort de titul…
– Non mais moi d’abord, je voulais dire que
Eh, déesse, ne l’écoutez pas c’est moi qui…
ASSEZ !

Le hurlement d’Erzulie a fait trembler les murs.

– J’ai très envie de vous envoyer dans l’inframonde, là, tout de suite, pour m’avoir tiré de ma sieste et pour me proposer un spectacle aussi vulgaire. Mais je veux bien vous laisser une dernière chance. Vous allez me parler à tour de rôle. Toi, Quasimodo, tu commences, et après ce sera à Van Gogh.
– Hrm. Merci déesse. Alors, heu… moi je m’appelle Grégory, et je souhaite, enfin, si vous voulez bien, hein, je souhaite un sort de titularisation éternelle, comme vous avez donné à mon copain Jordan.
Pffffff… à un moment, il faudrait quand même que vous appreniez à jouer, plutôt que de tout demander au surnaturel. Et toi, que veux-tu ? Pas un sort de titularisation éternelle, au moins, tu es trop vieux pour cela ?
Non non, déesse. Moi je voudrais un sort de non-titularisation éternelle. Pour lui, dit André Villas-Boas en désignant son joueur.
Vos souhaits sont incompatibles. Je ne vais pouvoir satisfaire que l’un d’entre vous, si au moins j’ai envie d’en satisfaire un. Mais pour cela il vous faudra me séduire. Qui d’entre vous sera à la hauteur de la déesse de l’amour, qui saura combler mes désirs charnels sans limites, qui sera à la fois tendre et bestial, qui est prêt à s’oublier dans mes étreintes divines ?


Les deux hommes restent interdits. Puis André Villas-Boas regarde Grégory Sertic, puis, lentement, tourne sa tête vers Erzulie. Sans un mot, un humble sourire au lèvres, il se contente de baisser son short.

« Ah. », fait simplement la déesse tandis que Grégory, sachant la cause entendue, quitte tristement la pièce.


L’équipe

Mandanda
Sakai (Lihadji, 78e) – Perrin – Caleta-Car – Amavi
Sanson – Strootman – Lopez (Radonjic, 67e)
Sarr BenedettoGermain(Rongier, 83e)

Grâce en soit rendue au vaudou, la titularisation que l’on croyait inévitable de Grégory Sertic se voit opposer un « stop » sans appel : c’est le jeune Perrin qui est appelé à faire ses débuts en équipe première, aux côtés de Caleta-Car. Sakai revient de blessure, poussant Sarr un cran plus haut. Germain, lui, passe à gauche en remplacement de Payet, le milieu (et l’aile gauche, bien sûr) restant inchangés.


Le match

Sortant d’un résultat frustrant, affichant une équipe remaniée, l’OM arrive à Dijon dans le doute. Maxime Lopez est tout près de lancer la soirée de la meilleure manière mais, après un relais avec Bouna Sarr, sa frappe est mise en échec par le gardien.

De doute il n’y a guère sur un point, en revanche : on se porte toujours mieux quand le ballon est loin de nos buts, tant les Dijonnais mangent tous les ballons aériens sur la tête de nos défenseurs. Sur le plan du jeu, les premiers mouvements semblent intéressants, dans la lignée du match contre Montpellier. Malheureusement, face à l’une des plus faibles équipes de Ligue 1, l’OM ne parvient pas à mener ses offensives avec constance, et la rencontre s’enlise assez vite.


Un éclair survient à la 30e quand l’un de nos joueurs, servi en position idéale par Sarr, catapulte sa reprise au-dessus du but. Intuitivement, le premier réflexe est d’insulter les aïeules de Benedetto sur 8 générations, or il apparaît que l’Argentin n’est pas l’auteur de la reprise : c’est Lucas Perrin, resté aux avant-postes après un corner, qui était à deux doigts de fêter sa première titularisation par un but. La colère se transforme alors en déception pour le minot. Quoi qu’il en soit, nous arrivons à la pause guère plus avancés. Au contraire, juste avant la mi-temps, une déviation malheureuse de Benedetto sur corner défensif laisse un Dijonnais seul à cinq mètres du but : Jordan Amavi subit alors une décharge d’adrénaline un peu moins importante que d’habitude, qui lui permet de se ruer au contre mais sans arracher la jambe de l’attaquant.

Les enjeux au retour des vestiaires sont simples : mieux maîtriser le match au-delà de nos quelques offensives certes sympathiques, mais ni assez nombreuses ni assez tranchantes. C’est tout le contraire qui se produit, avec une longue séance de fessée bourguignonne imposée à notre équipe apathique. Contre un adversaire de ce modeste calibre, notre carnet de notes se remplit d’une quantité regrettable de « SLIP » (enroulé au ras de la barre, 47e), « MIRACLE » (tête à bout portant sur le poteau, 51e), « MEGA-SLIP » (arrêt de Mandanda devant un joueur seul aux 6m suivi d’un mauvais dégagement de Caleta-Car, 65e) « SLIP » (nouvelle tête dangereuse sur le corner, heureusement sanctionnée d’un coup-franc, 66e), et « SLIP » derechef (défense hasardeuse de Caleta-Car et Amavi sauvés par Sanson, 71e).

Cette 71e minute marque d’ailleurs le début d’une période où nous reprenons timidement des couleurs. Sur la contre-attaque de l’action précédente, Strootman lance Radonjic, tout juste entré en jeu. Il fait parler ses qualités de vitesse pour déposer son défenseur et se présenter seul face au gardien, et fait à ce moment parler ses qualités de vitesse pour tenter une frappe d’éjaculateur précoce repoussée par Gomis. La rébellion olympienne ressemble surtout à de l’agacement ; on sent d’ailleurs les nôtres se contenir à grand peine pour ne pas envoyer chier l’homme au sifflet une fois de plus.


Légèrement touché, Sakai est remplacé par Lihadji tandis que, malgré le délitement quasi-total de notre milieu pendant la seconde période, Rongier doit attendre la 83e minute pour entrer en jeu. L’affaire s’emballe dans le temps additionnel. Tout d’abord, Benedetto s’essaie au rôle de « l’avant-centre discret-tout-le-match-mais-qui-surgit-tout-à-la-fin-pour-sauver-son-équipe », ce qui s’avère un demi-succès (il n’a rempli que la première moitié de l’expression, en fait). Un bon travail de Lihadji aboutit à un tir contré de Strootman avant que, sur la contre-attaque, ce ne soient Sanson puis Caleta-Car qui mettent en échec les tentatives adverses. Nos notes s’achèvent sur un ultime « SLIP », désignant un tacle in extremis de Perrin sur un Dijonnais lancé dans la surface : un match excessivement consommateur en sous-vêtements, donc, mais pauvre en points comme en certitudes.


Les joueurs

Mandanda (3/5) : Fait le boulot tout le match durant, à l’exception d’un centre dans ses six-mètres qu’il omet d’aller capter. Le résultat de ce test n’est pas flatteur : même quand le gardien n’y va pas, les Dijonnais ne sont pas foutus de cadrer à deux mètres du but.

Sakai (2/5) : Peu productif offensivement et parfois dépassé, y compris sur des actions dangereuses, MAIS Hiroki s’est abstenu de faire n’importe quoi et ça, pour un défenseur latéral de l’Olympique de Marseille, c’est déjà énorme.

Lihadji (78e) : Entré en ailier droit pour apporter une vivacité bienvenue dans une fin de match où la plupart de nos joueurs cherchaient leurs poumons.

Perrin (3/5) : Agnès Buzyn prévoit d’instaurer une obligation dijonnale pour l’ensemble des jeunes défenseurs de Ligue 1. Comme une obligation vaccinale, sauf qu’au lieu d’injecter des virus débiles, on leur envoie des attaquants débiles. Pour Lucas les résultats sont probants en tout cas.

Caleta-Car (2-/5) : La peur. « La peur n’évite pas le danger » dit ma Môman. Il n’y a rien de plus faux. La peur est un mécanisme de survie qui permet aux plus fragiles des mammifères de réagir instantanément face à un prédateur. Oui, la peur évite le danger, la peur permet à l’individu de trouver les gestes qui autorisent sa survie et donc la perpétuation de l’espèce. Pour celles qui ont réussi à subsister jusqu’à nos jours en tout cas ; avec sa manière de gérer la peur, Duje, lui, se serait éteint à peu près vers le Crétacé supérieur.

Amavi (2/5) : Un sauvetage crucial en fin de première mi-temps, savamment préparé au cours des minutes précédentes. Tacles de brute et missiles en retrait surréalistes n’avaient qu’un seul but, instiller dans l’esprit des attaquants adverses le message suivant : « Je ne maîtrise RIEN ».

Vue subjective d’un Dijonnais héritant du ballon seul aux six-mètres avec seulement Jordan Amavi face à lui.

Strootman (2/5) : A l’image de l’équipe, il a semble se contenter de jouer sobre, là où les Dijonnais demandaient à être piétinés. On ne l’a vu charger balle au pied qu’à dix minutes de la fin, passé un moment d’énervement arbitral. Comme quoi, puisque les arbitres ont à ce point envie de nous donner des cartons, peut-être pourrait-on leur demander de nous les délivrer dès le début du match, ce qui permettrait à Kevin d’avoir envie de niquer des mères plus tôt dans la rencontre ?

Lopez (2-/5) : Démarre empli de bonnes intentions, avant de s’affaiblir jusqu’à se trouver complètement désorienté. Il n’avait plus qu’à se vomir dessus pour ressembler tout à fait à un académicien aux Horsjeuïades.

Radonjic (67, 2-/5e) : Ce n’est pas son cerveau qui est en retard, ce sont ses pieds qui sont en avance.

Sanson (3/5) : Illumine, chauffe, envoie des watts, mais claque à la pause lorsqu’on l’éteint et le rallume trop vite. Morgan, c’est une ampoule de terrarium en fait.

Sarr (3-/5) : L’impression que Bouna réitère en ce moment le même genre de match, avec sa bonne volonté et ses limites, et que finalement seule la Providence décide de sa performance en choisissant d’envoyer ses ballons hasardeux dans nos filets, dans les gants du gardien, dans les tribunes ou, comme ce fut parfois le cas ce soir, dans les pieds de coéquipiers.

Germain (2/5) : Troisième match de suite où Canal Plus ne nous montre pas de but de Valère Germain. Enculés.

Rongier (83e) : Non mais c’est bon, André, on est certains qu’il est chez nous maintenant, tu peux le faire jouer.

Benedetto (2-/5) : Dario a presque fini de revisiter les grandes heures des attaquants olympiens. Après Andersson, Skoblar et Papin, il a choisi ce soir, tout en déviations, invisibilité en pointe et tirs non cadrés de s’inspirer de…  eh bien de Valère Germain, en fait.


L’invité zoologique : Didier Ndugong

Gros tas informe et inoffensif, le dugong fréquente nos eaux en attendant l’inévitable extinction qui résultera de sa totale inadaptation au monde moderne. Il est donc l’invité approprié pour parler de ce match contre Dijon, qui dispose à peu de choses près de la même espérance de survie en Ligue 1.

– Les autres : Rater autant d’occasions en étant aussi souvent seul aux six-mètres, cela tient de la performance artistique. Il est quand même gênant que notre équipe, même fatiguée, même diminuée, même fragile dans le jeu, n’ait pas aplati ce club limité dans tous les domaines. Nos concurrents risquent de ne pas s’en priver, eux.

– Le classement : Deux nouveaux points perdus après ceux de dimanche, après être passés à deux doigts de la tête du championnat, c’est une ventre mou plus conforme à notre forme du moment qui se profile.

– L’anniversaire : La Canebière Académie fête ses dix ans le mois prochain. Donnez-nous vos idées pour célébrer dignement cela.

Les boutons : les petites choses ci-dessous intitulées « faire un don » et « rejoins-nous » te font de grands yeux attendrissants pour que tu viennes cliquer dessus.

– Les réseaux : ton dromadaire préféré blatère sur Facebook, et sur Twitter. Didier A. gagne le concours zoologique.


Bises massilianales,

Blaah.

2 thoughts on “Dijon-OM (0-0), La Canebière académie subit

  1. « L’enchaînement Dijon-Rennes-Amiens pourrait être propice à l’accumulation de points »
    Sage utilisation du conditionnel…
    heureusement il reste cette académie pour prendre du plaisir avec l’om journées après journées…

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