Paris SGEL / AS Monacocu (1-1) – La Porte de Saint-Cloud Académie livre ses cornes

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Sale week-end.

Y a de ces jours, où qu’on en a plus rien à branler du football.

Fallait que ça arrive le jour du gros match. L’ambiance monte tranquillement. On boit, on rit. Les amis sont là, joyeux, confiants, hilares. Les commentateurs s’écharpent sur des schémas sans âme. Je l’embrasse. Elle me sourit, me caresse la main, se lève pour aller fumer. Je la suis du regard avant de baisser les yeux vers ma pinte presque éclusée. Elle a laissé son portable sur la table du bar, en plein centre d’une pub Heineken à moitié effacée par les chocs peu délicats des milliers de culs de verre passés par là. Sur l’étoile rouge érodé, le petit rectangle s’éclaire. Une boîte verte est apparue à la surface de l’engin, une phrase s’envole à la dérobée : « Je ne pourrai pas attendre aussi longtemps… »

Je me fige. Étienne ? Je ne connais personne de ce nom-là. La curiosité s’empare de moi. Une curiosité enfantine, malsaine, masochiste. Qui me pousse à me saisir du boîtier métallique. Qui porte mes doigts sur l’écran. Qui fait défiler devant mes yeux les traces d’une passion encore vivace, d’un week-end entier d’amour, d’huile de coco et d’orgasmes, dans le petit nid d’un étudiant artiste de Nantes. Mes pupilles, contractées par la lumière crue du téléphone qui semble porter ces instants adultères sur tous les murs du sombre bistrot, ne cessent de remonter le fil de l’histoire qui prend corps au tournant d’un « Je t’aime », d’un « Tu me manques », d’un « Je ne voulais pas te laisser partir »… Je cherche la chute, la fin de l’histoire drôle, du running gag, de la mauvaise plaisanterie. Mais rien.

Je m’arrête sur une phrase. « Je n’avais jamais, jamais ressenti ça ». « Jamais, jamais ». Pourquoi fallait-il qu’elle répète ce mot ? Pourquoi piétinait-elle ainsi mon amour propre, de cette figure de style aussi simple que niaiseuse ? Je me sentais terriblement homme, tout d’un coup. Horriblement adulte. Sinistrement machiste. Cet Étienne venait de bifler le petit garçon amoureux que j’étais, de toute la force de son gros chibre donneur d’orgasmes. Ce mec était soudain devenu un surhomme. Il m’écrasait en tous points, moi, le poivrot communiste même plus capable de bander proprement. Je l’imaginais, arborant la moustache nietzschéenne, la prenant dans tous les recoins de son atelier aux couleurs du IIIe Reich, des portraits aryens accrochés aux murs, son book d’artiste national-socialiste posé sur la table basse, ouvert sur des photos de Kevin Trapp torse nu en train de sucer des croix gammées en granit rose. Je le voyais, tirant d’elle des hurlements qu’elle n’avait jamais poussés avec moi, s’appuyant sur des bustes en béton grandeur nature d’Angela Merkel tout en recevant sa virilité, entre des drapeaux de Waffen SS revisités à la façon pop-art et des médailles du NSDAP assemblées en patchwork, au milieu des vestes brunes et des casquettes à tête de mort jetées à la hâte sur le sol pendant leur déshabillage express. C’est lorsque j’ai commencé à imaginer les gifs de son tumblr « Ma vie d’amant nazi » – du genre « Quand je conquiers un nouvel espace vital » ou « Quand ma chambre, après l’amour, c’est Dachau » – que je me suis décidé à reposer le portable sur la table de plastique froid.

Elle finit par revenir. Je lui souris. Elle m’embrasse sur le front, et se précipite sur l’objet du malheur. Je l’observe. Elle sourit en lisant les derniers messages de son idéaliste blond devant et brun derrière, son visage encadré par la lueur blanche de l’écran. Je me souviens de notre rencontre, sur Adopteuncoco.fr. Pour notre premier rendez-vous, je l’avais emmenée à Bauer. Elle m’avait amusée, à trouver que Makhedjouf était mignon avec ses joues de hamster. Elle avait même réussi à trouver de l’élégance à Sébastien Robert, le David Moyes du 9-3. Le match fini, on avait pris quelques pintes à l’Olympic, histoire de nous dérider avant le retour à la civilisation. Je l’avais embrassée dans le bus 166, en passant devant les Puces entrouvertes de ce vendredi soir de pluie. Elle avait un goût d’amande amère. J’adorais ça.

Le match commence enfin. Mais plus rien ne m’intéresse. Le pressing des Monégasques, les grands ponts de Meunier, la boulette de Saint-Aréole, tout me paraît anodin. Les ratés de Cavani revêtent une mélancolie toute particulière, tandis que l’image satellite piratée par le tenancier du bar saute comme mon coeur, coupant les phases de jeu comme autant de poignards ciselant ma chair meurtrie. Quand tout s’accélère dans les dernières minutes, que PSGEL marque, puis se troue totalement sur l’égalisation de Monacoco, je ne pense plus à grand chose. Le vide s’installe en moi alors que le bar se lève à l’unisson pour exulter puis pester. À cet instant, j’en ai plus rien à branler de ce club de merde. J’en ai jamais rien eu à branler, de toute façon.

Je ne pense plus qu’à ce que je dois faire. Me venger ? Me trouver une camarade-plan cul pour avoir ma revanche ? Si au moins j’en étais capable… Lui en parler ? Attendre que ça passe ? Suspendre notre abonnement commun à L’Humanité Dimanche ? C’est compliqué tout ça. Pourquoi la lutte des sexes ne fonctionne-t-elle pas comme la lutte des classes ? Allez fonder des syndicats de cocus, instaurer des grèves de la sodomie ou organiser des manif de la fidélité. Keudal. Le cul, si c’était aussi facile que le combat politique, il suffirait de sortir le 49.3 pour peloter une fille en jupe dans le métro, d’instaurer des primaires citoyennes pour choisir un mari, ou d’augmenter les impôts locaux pour refaire les seins de sa copine.

On quitte le bar. Elle me prend le bras, se serre contre moi. Je la sens un peu éméchée. Je lui demande ce qu’elle a prévu pour le week-end suivant, je lui propose un petit séjour à Nantes. Un temps. Je sais qu’elle a les mêmes projets, mais pas avec moi. Elle prétexte une visite à ses grands-parents. Putain, mais quelle salope. Toutes les mêmes, ces gamines. À peine sorties du collège, et déjà de vraies bonnes femmes.

5 thoughts on “Paris SGEL / AS Monacocu (1-1) – La Porte de Saint-Cloud Académie livre ses cornes

  1. Une de perdue, dix de retrouvées, c’est comme ça qu’on apprend le métier d’homme jeune coco. Si t’as des doss sur la gonz fais nous une acad à la @homerc en mode revenge porn.

  2. Ce qui compte, c’est remonter en selle rapidement, c’est le seul moyen de tourner la page (quoique, une meuf qui va à Bauer, espère pas non plus retrouver ce type de cop un jour…).
    Bon sinon si t’es au fond du trou, écoute ça et lis les coms sous la vidéo, à défaut de te sentir mieux tu te sentiras moins seul :-)
    https://youtu.be/HyN-E1e_Ugw

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