Les fables de Just La Fontaine : l’introduction
Just vous souhaite bien le jour, juste une fois.
Avant propos : Comment on en est arrivé là…
Éditeur Belhomme : Monsieur Rédac, si je vous dis précisément ce qu’il faut lui dire, vous pensez que vous pouvez le faire ?
Chef Rédac : Y’a des moments, j’ai vraiment l’impression que vous me prenez pour un imbécile, hein ? Mais bien sur que je peux le faire ! Qu’est ce que je dois dire ?
Éditeur Belhomme : On pourrait se servir de notre amour de la poésie. Vous appelez La Fontaine et vous lui dites que vous êtes directeur d’une maison d’édition. Vous avez entendu parler de lui, et vous voulez qu’il publie chez nous.
Chef Rédac, tout content : Ah oui, c’est bien ça !
Éditeur Belhomme : Et en fin de conversation, vous lui demandez s’il peut faire un essai gracieusement sur notre site.
Chef Rédac : Quel site ?
Éditeur Belhomme : Horsjeu.net ! Je vous rappelle que c’est pour ça que l’on se casse le cul tous les jours.
Chef Rédac, confus : Mais oui exact ! Ok d’accord, excusez-moi !
Éditeur Belhomme, démotivé : Ça marchera jamais…
Chef Rédac : Mais si j’ai compris. C’est pas simple MAIS j’ai compris.
Éditeur Belhomme : Mais quoi c’est pas simple ? C’est tout simple ! Vous êtes fan de poésie, OK. Vous dirigez une maison d’édition à Paris. Non pas à Paris, il connaît tout le monde. Vous dirigez une maison étrangère.
Chef Rédac : Américain ? Allemand ?
Éditeur Belhomme : Belge. Voilà c’est parfait ça, belge.
Chef Rédac : Pourquoi belge ?
Éditeur Belhomme : Parce que c’est très bien belge. Vous êtes un grand directeur belge. Vous adorez les fables, vous voulez lui proposer un contrat mais avant vous aimeriez un essai gratuitement sur notre site de football. OK ?
Chef Rédac, intrigué : C’est un site de football ?
Éditeur Belhomme : Oui, quelle importance ?
Chef Rédac, embêté : (…) Ça m’embête un peu ça.
Éditeur Belhomme : Pourquoi ?
Chef Rédac : Si le site parle de football, pourquoi je voudrais un essai d’un poète ? Ah ! Ah, Ah, Ah, Ah !
Éditeur Belhomme : (…) Monsieur Rédac. Vous n’êtes pas directeur de maison d’édition ?
Chef Rédac : Non.
Éditeur Belhomme : Vous n’êtes pas belge non plus ?
Chef Rédac : Ah non.
Éditeur Belhomme : Ca n’est donc pas pour proposer un contrat à cet auteur que vous téléphonez mais pour avoir gratuitement des fables sur les matchs de l’euro faites par un poète !
Chef Rédac, émerveillé : Hoooooouuuuuuu ! Alors ça c’est très tordu mais bougrement intelligent. C’est quoi son numéro ?
Éditeur Belhomme : 01-47… (…) Attendez, je vais le faire moi même. Il s’appelle Just La Fontaine.
Chef Rédac : Ah bon, il a pas de prénom ?
Éditeur Belhomme : Je viens de vous le dire ! Just La Fontaine. (L’éditeur repose le téléphone) La Fontaine c’est son nom. Et c’est Just son prénom. (…) Monsieur Rédac, votre prénom à vous c’est Chef, c’est juste ?
Chef Rédac : Oui
Éditeur Belhomme : Et ben, lui c’est pareil, c’est Just.
(Silence)
Éditeur Belhomme : Bon on a assez perdu de temps comme ça. Il a signé son premier recueil sous un nom d’emprunt Achille Platini.
Chef Rédac : Ah bon, il est footballeur ?
Éditeur Belhomme, raccroche brutalement : Je vous en prie restez concentré !
Chef Rédac : Excusez moi…
Éditeur compose le numéro : Et vous n’oubliez pas en fin de conversation, vous lui demandez s’il peut publier gracieusement sur notre site. Ca sonne, je vous mets sur haut parleur. C’est à vous.
Chef Rédac, excité : Je prends l’accent belge ?
Éditeur Belhomme Non.
Just La Fontaine : Allo ?
Chef Rédac avec l’accent belge : Rallooo ! Raloo ! Pourrais-je parler à Monsieur La Fontaine, juste une fois ?
Just La Fontaine : C’est moi.
Chef Rédac avec l’accent belge : Bonsoiaire Monsieur La Fontaine. Goerges Van Bruckel à l’appareil. Pardon de vous déranger à une heure aussi tardive, je suis directeur d’une maison d’édition belge, n’est-ce pas. J’arrrrive de Belgique une fois, et je suis très intéressé pour vous proposer un contrat chez moi. Et j’aimerais vous proposer une avance pur vous encourrrager à signer.
Just La Fontaine : C’est une blague ou quoi ?
Chef Rédac avec l’accent belge : Pas du tout. Pourquoué une blague ?
Just La Fontaine : Gros membre n°2 ?
Chef Rédac avec l’accent belge : Pardon ?
Just La Fontaine : Arrête tes conneries gros membre n°2, je t’ai reconnu !
Chef Rédac avec l’accent belge : Vous faites erreur Monsieur La Fontaine, je ne suis pas gros membre n°2. Je suis directeur et j’arrive de Brusselles.
Just La Fontaine : Quelle maison ?
Chef Rédac, embarrassé avec l’accent belge : Pardon ?
Just La Fontaine : Votre maison d’édition c’est quoi ?
Chef Rédac avec l’accent belge : Heu… Les éditions du plat pays !
Just La Fontaine sceptique : Les éditions du plat pays ?
Chef Rédac avec l’accent belge : C’est ça ! Une maison jeune mais dynamique, monsieur La Fontaine !
Just La Fontaine : Et vous êtes intéressé par mes écrits.
Chef Rédac avec l’accent belge : Absolument très intéressé, oui !
Just La Fontaine : C’est pour écrire en vers ou en prose ?
(Éditeur lui chuchote : « en vers. »)
Chef Rédac, enthousiaste avec l’accent belge : En verrrrrrs monsieur La Fontaine ! Les alexandrrrins, pas la petite prose de pacotille ! (Clin d’œil à l’éditeur).
Just La Fontaine : Je dois vous prévenir que je ne suis pas donné, au vu de la renommée de mon nom.
Chef Rédac avec l’accent belge : Ca paraît pas poser problème ça, Monsieur La Fontaine. Mais vous devez seulement savoir que nous ne sommes pas une grosse maison d’édition et que nous n’avons pas d’énorrrrrmes moyens. Mais on pense cependant à vous mettre en tête de gondôôôle et je vous propose 5 000 euros d’avaloirrrr et 10 % des ventes.
Just La Fontaine : Ca me paraît raisonnable, on réglera les détails plus tard.
(Editeur, tout bas : « mon site, mon site ! »)
Just La Fontaine : Quand puis-je vous rencontrez, monsieur ? Monsieur ?
Chef Rédac avec l’accent belge : Van Bruckel ! (Editeur, tout bas : « mon site, mon site ! ») Alors écoutez… Alors écoutez, je vous appelle demain chez vous et on prend rendez-vous une fois.
Just La Fontaine : Entendu. A demain.
Chef Rédac, content avec l’accent belge : A Demainnnnnnn monsieur La Fontaine ! (Il raccroche.) Et voilà !!!! On l’a signé ! Hooooooouuuuuu ! Houlalalalalala ! Et pour pas cher à mon avis. Il a marché ! Il a marché à fond le gars !
Éditeur Belhomme, dépité : Et mon site ?
Chef Rédac : Quoi ?
(…)
Éditeur Belhomme : Il a oublié mon site. Il fait le clown pendant 5 minutes et il oublie mon site.
Chef Rédac : Ah la boulette…
Éditeur Belhomme : Ça dépasse tout ce que j’ai pu imaginer.
Chef Rédac, confus : Ah oui ! J’ai fait la boulette…
Éditeur Belhomme : On a repoussé les limites, là.
Chef Rédac, en s’emparant du téléphone : Je le rappelle.
Éditeur Belhomme ne voulant pas lâcher le téléphone : Donnez moi ce téléphone !
Chef Rédac : Je le rappelle ! Je lui dis à propos Monsieur La Fontaine, j’ai oubliez de vous dire que préalablement à la signature du contrat, j’aimerais que vous fassiez gracieusement un essai sur notre site internet. C’est tout simple !
Éditeur Belhomme, énervé : Rendez moi ce téléphone !
Chef Rédac : C’est dommage, on allait être fixé…
Éditeur Belhomme, embarrassé : Vous ne lui direz rien de plus que à propos j’ai oublié de vous informer que préalablement à la signature du contrat j’aimerais que vous fassiez gracieusement un essai sur notre site internet.
Chef Rédac : Pas un mot de plus !
Just La Fontaine : Allo ?
Chef Rédac avec l’accent belge : Rrralllooo ? Monsieur la Fontaine, pardon de vous déranger, c’est encore monsieur Van Bruckel à l’appareil.
Just La Fontaine : Excusez moi, je suis sur l’autre ligne avec mon agent, je vous appelle dans une minute. Quel est votre numéro ?
Chef Rédac avec l’accent belge : 01-45-20-56-03.
(Éditeur Belhomme, affolé débranche la prise téléphone)
Chef Rédac, incrédule : Allo ? Allo ? Il a coupé.
Éditeur Belhomme, énervé : Mais non c’est moi, abruti !
Chef Rédac : Comment ça, abruti ?
Éditeur Belhomme : Vous lui avez donné mon numéro de téléphone.
Chef Rédac : Et ben oui !!! Il me demande où il peut me rappeler…
Éditeur Belhomme, dépité : Vous vous reposez jamais vous, hein ?
Chef Rédac déconcerté : Excusez moi… J’avoue que je suis un peu perdu… J’essaie de comprendre mais…
Éditeur Belhomme : La classe mondiale. Peut-être même le champion du monde.
(Le téléphone retentit)
Chef Rédac, tout content : Ca sonne !!!
Éditeur Belhomme : Il est content ! Ca sonne, et il est content !
La Fable :
L’Euro de L’Est.
Sa Majesté de L’Est un jour voulut connaître
De quelles nations le ciel l’avait vu fait maître,
Il manda donc pour se qualifier
Des équipes de toute nature,
Envoyant de tous les côtés
Un tournoi des plus durs,
Avec des poules. Les règles portaient
Qu’un mois durant, le Roi tiendrait
Cour plénière, dont l’ouverture
Devait être un grand festin
Suivi d’un jeu bien malin.
Par ce trait de magnificence,
Le Prince à ses sujets étalait sa puissance.
En son stade il les invita.
Quel stade ! Un vrai chantier dont aucune pelouse se porta
D’abord à la vue des gens. Le Suisse ferma les yeux :
Il ne pût s’empêcher de faire mieux,
Sa grimace déplut. Le Monarque irrité
L’envoya chez Pluton jouer la neutralité.
Le Turc approuva fort cette sévérité,
Et flatteur excessif, il loua la colère
Et la griffe du Prince, et son stade et sa pelouse :
Il avait la même chez sa mère,
Et se sentirait donc forte aise. Sa sotte flatterie
Eut un mauvais succès, et fut encore punie.
Ce Monseigneur du Tsar-là
Fut parent de Caligula.
Le Portugais étant proche : Or çà, lui dit le sire,
Que vois-tu ? Dis-le moi : parle sans déguiser.
L’autre aussitôt de s’excuser,
Alléguant un grande concentration : il était trop préoccupé
A se qualifier ; bref, il fût sauvé.
Ceci vous sert d’enseignement :
Ne soyez à l’Euro, si vous voulez y plaire,
Ni fade bétonneur, ni joueur trop sincère ;
Et tâchez quelquefois d’être froid calculateur.
La suite au prochain épisode…
Just La Fontaine.