Heureusement que nous étions déjà qualifiés pour le Mundialelmundialelmundial, sans quoi je ne serais peut-être si guillerette, au moment où je vous parle.

Alors mes choupinaillous, on se revoit déjà ? C’est que tout est passé à toute vitesse depuis samedi, avec les collègues de mon laboratoire de boulologie, on a fêté la qualification trois jours durant : on n’est pas sortis du labo, et je me souviens de rien. Heureusement, je pense qu’Eduardo avait son caméscope, il a dit qu’il mettrait les vidéos-souvenirs en ligne sur un site, je ne sais plus lequel. Il nous a fait goûter quelque chose, de l’alcool de paresseux a-t-il dit. Si j’ai bien compris, c’est à base de paresseux écrasés sur la route : on le décolle, on le ramasse, on le fait sécher au soleil puis on le fait macérer trois semaines dans de l’alcool à 90°C. Effet radical, même si pas désagréable. Bon, j’ai surtout constaté par la suite que la fiole de GHB que je garde pourtant sous clé était entamée mais je n’ai rien dit, il faut bien que les jeunes s’amusent, et puis je n’ai rien contre un petit moment d’abandon de temps à autre.

Reste qu’une fois la tête redevenue fraîche comme une boule sous la rosée, il faut bien se calmer un peu. La qualification a retourné tout le pays, mais ça ne reste jamais qu’un match nul arraché au Honduras à la 95e minute, il ne faudrait pas non plus que je-ne-sais quel complexe d’infériorité nous fasse considérer cela comme un exploit. Pour un quart-de-finaliste du dernier Mundial, se qualifier pour la coupe du monde suivante n’est que le minimum requis, et ce ne sont pas nos amis néerlandais qui me contrediront.

Ce dernier déplacement au Panama qui, lui, jouait sa qualification, ne manquait pas de raisons d’être sérieux :

– jouer le jeu jusqu’au bout dans ce groupe alors que les rivaux du Panama, le Honduras et les Etats-Unis, jouaient également contre des équipes n’ayant plus rien à gagner ou à perdre ;

– s’offrir un premier match de préparation contre un opposant surmotivé, afin de commencer à gommer quelques défauts persistants de notre équipe ;

– donner du temps de jeu à des remplaçants qui, par le passé, n’ont pas toujours démontré leur niveau.

Notre sélectionneur a fêté la qualification à la costaricienne, c’est-à-dire en se mettant la boule à zéro. Ca le rajeunit, je trouve, je dirais même qu’avec une moustache en moins et un cou en plus, il aurait presque l’air d’un jeune premier, notre Machillo.

 

Le match

L’équipe est donc sévèrement remaniée : ne restent du 11 de la qualification que Bryan Ruiz (en manque de temps de jeu dans son club d’hérétiques), et les milieux Borges et Guzman (pressés d’exhiber leurs nouvelles fantaisies capillaires).

Pemberton

Salvatierra  – Gutierrez – Umaña – Calvo – Matarrita (Gonzalez, 75e)

Borges – Guzman (Azofeifa, 63e)

Ruiz (Ureña, 69e)                               Wallace

Venegas

Alors mes amis, comme je suis toute émoustillée de cette soirée riche en rebondissements, je vais vous narrer la performance de mes chéris d’amours, mais aussi ce qu’il se passait, au même moment, sur les terrains d’Amérique centrale et des Caraïbes : c’est parti pour le bouletiplex.

Contre toute attente, le début de match de mes Ticos d’amour est loin d’être dégoûtant, et j’irais même jusqu’à dire qu’il s’avère bien meilleur que face au Honduras. Même avec une équipe B, on retrouve le Costa Rica que l’on aime, regroupé mais sachant monter au pressing, et auteur de transitions offensives bien affriolantes.

Boules touristiques.

Heureusement pour les Panaméens, les nouvelles des autres terrains sont intéressantes : les Etats-Unis viennent de marquer un CSC bien ridicule, et le Mexique mène au Honduras. Les affaires se compliquent à la 37e : alors que les Etats-Unis s’enfoncent encore et que le Honduras vient d’égaliser, mes Ticos chéris produisent une action de grande classe : tout part d’un 6m, Matarrita s’appuie sur Borges et reçoit la balle, qu’il transmet à Venegas intelligemment descendu dans le rond central. Après un appui sur Salvatierra, le ballon échoit à Bryan Ruiz : d’une passe en une touche qui me fait plein de guilis là, mon lovely Bryan envoie Venegas battre le gardien d’un piqué mignon tout plein. A ce moment, les Etats-Unis sauvent leur place et le Honduras devient barragiste… pour quelques secondes puisque les Aztèques reprennent immédiatement l’avantage. A la pause, nous avons donc : Etats-Unis ridicules mais qualifiés, Panama barragiste mais pas serein, Honduras éliminé et en arrêt cardiaque.

A la mi-temps, le stade Rommel Fernandez n’est pas loin de la soupe à la grimace, tandis que de mon côté, je me réjouis de voir notre équipe produire un jeu digne de son statut. Pour tout dire, je me sens alors comme à l’année où j’ai eu ma thèse, quand je me rendais en touriste à la bibliothèque envoyer des crottes de nez sur les étudiants qui devaient encore réviser leurs examens. Peu après la reprise, le Honduras égalise contre le Mexique d’un but de la touffe d’Ochoa contre son camp, et redevient donc barragiste aux dépens de nos hôtes du soir.

C’est alors que survient le tournant de la soirée qui, si Donald Trump est supporter de football, amènera peut-être le président étatsunien à se désintéresser de Kim Jong-un pour braquer ses missiles plutôt sur la maison de l’arbitre. Alors que le Panama pilonne notre surface à coups de corners, Pemberton manque sa sortie, et le ballon échoue sur un Panaméen dans les 6 mètres. Calvo défend comme il peut, les deux joueurs tombent, et le ballon est stoppé moitié par le poteau moitié par Matarrita étalé de tout son long sur la ligne de but… et c’est alors qu’à la surprise générale, l’arbitre guatémaltèque accorde l’égalisation. Pas un but discutable, ni même litigieux, hein : non, un but absolument surréaliste puisque le ballon était arrêté nettement devant la ligne. Après réflexion, l’arbitre se tâte les bourses vidées de la veille et, à l’aide de la technologie panaméenne de la prostituée-line-technology, accorde ce coup de pouce aux locaux.

La règle est formelle : le ballon est aplati contre le poteau, l’essai doit bien être accordé.

 

Tandis que le Mexique ne fait pas assez attention au Honduras et encaisse un autre but, la situation à l’heure de jeu est la suivante : les Catrachos prennent la 3e place qualificative, les Etats-Unis, quoique ridicules, sont barragistes et le Panama, quoique corrupteur d’arbitre, est le dindon de la farce.

Et les Costariciens, me direz-vous ? Eh bien, pas abattus par ce coup du sort, ils commencent cependant à tirer un peu la langue. Une caractéristique de notre 541 qui, lorsqu’il se veut ambitieux, impose une grosse dépense d’énergie au pressing : c’est donc tout naturellement que les Ticos, sans changer de système, passent en mode « on s’enkyste et on résiste ». Notre défense étant ce qu’elle est, surtout composée de remplaçants, des duels perdus donnent aux Panaméens plusieurs occasions. Cependant, et c’est là une nouveauté rafraîchissante, mes Ticos chéris n’en oublient pas de contre-attaquer, lancés par un Celso Borges toujours aussi beau qu’intelligent.

Hélas, dans cette incertitude, c’est l’ardeur panaméenne qui finit par triompher sur une bête action à deux passes : un long ballon parvient aux avant-postes, où Umaña est trop nettement battu de la tête : le ballon est ainsi remis dans la course de Torres, à peine gêné par le sprint et la charge assez pathétiques de Gutierrez et qui fusille notre gardien.

A deux minutes de la fin, le Panama reprend la qualification directe, le Honduras redescend en position de barragiste, et l’Oncle Sam se mord les doigts, pour ne parler que de cette partie de leur anatomie. Il s’ensuit un moment de n’importe quoi monumental, pour lequel je ne peux m’empêcher d’éprouver une tendresse certaine malgré la défaite qui se profile. Dans un stade en fusion, le ballon met deux minutes à être ramené au centre du terrain pour la remise en jeu. Après avoir consulté son chronomètre panaméen certifié « onconnaîtlécoledetesenfants-line-technology », l’arbitre n’ajoute rien aux 3 minutes additionnelles prévues.

20 secondes après l’engagement, un remplaçant tient lui aussi à se montrer décisif :

Contrairement à ce qui a pu être dit, l’auteur de ce chef d’œuvre n’est pas un ramasseur de balle mais un remplaçant (qui a d’ailleurs reçu un avertissement). Comprenez-moi, même si j’ai parfois peu confiance en notre latéral Salvatierra, cela m’ennuierait d’entendre dire de lui qu’il est moins vif qu’un enfant de 12 ans.

De longues palabres plus tard, la touche est enfin jouée, pour une action de 15 secondes s’achevant par une sortie de but discutée. Ces gains de temps ne suffisant pas, le Panama recourt à son arme secrète : le lâcher de mamies.

Et si la mamie sort du terrain encore trop vite, on envoie un remplaçant handicapé pour l’accompagner.

Bref, sur les 5 minutes restant à jouer après le but panaméen, nous aurons disputé le total vertigineux de 43 secondes de temps de jeu effectif. N’étant plus concernée par la qualification, je me suis surprise à trouver tout ce folklore amusant. Si tel n’avait pas été le cas, je crois que de nombreux Costariciens se seraient prononcés pour le retour d’une armée nationale à seule fin d’aller casser la figure d’une part à Panama, et d’autre part au Guatemala, mère-patrie de l’arbitre du soir – voire samèrelapute-patrie de l’arbitre du soir, si j’étais vulgaire.

Non, les seuls qui pourraient avoir des raisons de se plaindre de l’arbitrage seraient les Etatsuniens, cocus de la soirée. Et encore, ce serait là oublier une règle fondamentale : « celui qui perd à Trinidad n’a le droit que de se taire ».

Quant à nous, un sentiment bien paradoxal s’impose : nous avons subi une défaite, malgré un match plus abouti que le précédent qui nous avait offert la qualification. Pour peu que l’ambition soit au rendez-vous, nos faiblesses défensives ne nous empêcheront peut-être pas de fesser une nouvelle fois quelques nations un peu trop sûres d’elles l’été prochain, pour ce qui sera sans doute le dernier rendez-vous d’une génération dorée.

Boule line technology.

Les notes :

Patrick Pemberton (2/5) : Une erreur sur corner sans laquelle le vol arbitral n’aurait pas eu lieu, et par la suite une fébrilité inquiétante sous la pression. Tout ceci est bien dommage car, quand il est en confiance, Patrick fait un remplaçant très honorable à mon Keylorgasme.

Kenner Gutierrez (2/5) : Défenseur costaricien dans l’âme, c’est-à-dire solide dans un bloc de trois mais ridicule dès lors qu’il doit livrer un un-contre-un.

Michael Umaña (2/5) : Comme Marina Loiseau dans votre série télévisée, il fait des aller-retours entre son pays et l’Iran, et cela ne semble pas lui faire que du bien.

Francisco Calvo (3/5) : Défenseur costaricien dans l’âme, c’est-à-dire limité dans les duels en un-contre-un mais plein de solidarité et d’abnégation dès qu’il s’agit de défendre en groupe.

José-Luis Salvatierra (3/5) : Un match sans coup d’éclat ce qui, quand on connaît José-Luis, est plutôt un compliment.

Ronald Matarrita (3/5) : De retour de blessure, Ronald a fait sa réapparition en sélection et pour une fois cet événement n’a pas fait monter ma tension à 18, signe qu’il a progressé dans le placement.

Remplacé par Giancarlo Gonzalez (75e) : entré au centre pendant que Calvo passait à gauche, il ne s’est guère mis en évidence, et n’est d’ailleurs pas en cause sur le second but.

Celso Borges (4/5) : Il a beau s’être tondu, il est toujours aussi beau. J’ai même eu l’impression de voir des étincelles d’intelligence jaillir de son crâne à chaque fois qu’il fallait faire un choix de placement ou de jeu.

David Guzman (3/5) : Une mi-temps comme on l’aime, à courir partout pour passer des milieux adverses à la moulinette ou revenir aider les défenseurs. Plus à la peine ensuite, un retard coupable lui vaut un carton, et son remplacement immédiat pour éviter une suspension au prochain match officiel, qui aura lieu au mundial ! El Mundial ! EL MUNDIAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAALLLLLLLLLAZrrrhghlaf. Hrm, excusez-moi.

Remplacé par Randall Azofeifa (63e, 2/5) : Du sang frais pour continuer à casser les vagues panaméennes, avec un peu moins de réussite. Mais je suis subjective, c’est surtout que mon Tejedounet me manque un peu.

Bryan Ruiz (3/5) : Le Sporting du Portugal me fait penser à ces milliardaires vulgaires qui achètent un Rembrandt pour le laisser dans un coffre.

Remplacé par Marco Ureña (69e) : Il entre alors que l’équipe est en train de se recroqueviller, ce qui n’est pas le meilleur contexte pour un avant-centre. Il a pourtant montré de belles combinaisons.

Rodney Wallace (3/5) : Il offre enfin un complément crédible aux grognards de 2014, montrant un niveau apte à suppléer les défaillances de Bolaños ou un éventuel retour de blessure difficile de Campbell. Bon, d’accord, le jeune homme en question a déjà 29 ans, donc nous n’irons pas jusqu’à parler de relève (je me demande d’ailleurs si le Costa Rica ne présentera pas la sélection la plus vieille en Russie, avec une moyenne d’âge de justement 29 ans tout rond).

Johan Venegas (4/5) : Je l’aime bien, car il offre une vraie alternative à Ureña. Quand le premier joue le pivot et donne des coups de corne dans la défense, Johan participe davantage au jeu et prend agréablement la profondeur. Et en plus, ces deux-là montrent qu’ils peuvent jouer ensemble, ce qui ne gâte rien.

 

Le groupe

Vous savez tout ! On se reverra pour les quelques matchs de préparation de mes Ticos d’amour, en attendant de nous retrouver tout-chauds-tout-bouillants en Russie l’été prochain ! Comme j’ai hâte, mes choupinous ! Ah, oui, j’allais oublier, je ne sais pas si je vous ai présenté cette vidéo du week-end dernier, il me semblait important de vous la rappeler.

 

Kimberly GutiérrezYigüirro

2 thoughts on “Panama – Costa Rica (2-1) : la Ticos Académie fait des heureux

  1. Chère Kimberly,
    Les lézards du Sporting pleurent à chaque fois que quelqu’un dit « Sporting de Lisbonne ».
    Boulistement

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