Lorient – Metz (0-0) : La Metz Que Un Club Académie finit devant Dieu.
En face, c’était Dieu.
La vache, je le voyais moins beau gosse. Une belle barbe, une bonne dentition, un menton fin et carré. Un faux air de Vincent Cassel. Il a émoustillé ma part homosexuelle latente. Je me suis calmé un peu parce que bander devant le tout puissant, ça le faisait moyen.
Un Mississipi… Deux Mississippis…
– Euh… Salut, moi… c’est…
– GrasAuLly, je te reconnais mon fils…
– Et la particule, bâtard ?
– …
Cela partait mal… Un peu comme un centre de Thomas Delaine… Le visage du Tout-Puissant s’était assombri tout net. Il a froncé les sourcils, et là j’ai compris qu’on était vraiment parti du mauvais pied…
Un peu comme un centre de Thomas Delaine…
Je m’attendais à une réprimande, mais il s’est soudain calmé, a haussé les épaules se tournant vers le balcon, les yeux sur l’horizon. Parce que oui, hein, les nuages, faut pas déconner non plus… Ce n’est que de l’eau en suspension les gars… Qui marcherait dessus ?
J’ai attendu poliment qu’il reprenne la parole. J’en ai profité pour le mater. Suffisamment pour m’apercevoir que Dieu porte des claquettes Fila avec des chaussettes… Quand tout à coup, il a dit :
– C’est ma faute sans doute si tu es aussi con. Pas moyen de voir les choses autrement je pense. Je ne peux pas t’en vouloir fils. Tu es tel que le Saint Esprit a voulu que tu sois… Touché par la sainte grâce de la connerie : Un vrai de vrai… Un con divin…
– Ça va, j’ai compris. Je… Pardon, voilà…
– Je te pardonne, fils. Allez, viens regarder le monde avec moi.
Je me suis approché, et j’ai vu le monde comme jamais un cynique misanthrope comme moi ne l’avait vu auparavant. La Terre était si belle. Devant moi, s’offrait une toile lumineuse et sombre, faite de tâches de vert et de bleu étincelant qui déchiraient des nuages d’ombres parsemant l’horizon. Un petit bijou visuel qui n’avait d’égal que la pureté de son atmosphère. Mes iris trouvaient là une fonction nouvelle, ce n’était plus simplement des yeux qui me permettait de voir, mais un tout autre sens, une nouvelle capacité, presque divine, qui me permettait d’apprécier ce spectacle époustouflant.
– Bordel de pute vérolée ! … Pardon… Mais wow quoi ! C’est ça le monde ? Je n’avais jamais pensé qu’il pouvait être aussi beau…
– Et pourtant, c’est comme ça que je le vois tous les jours. Monnet vient pleurer parfois ici, et je me fous de sa gueule. Quelle lopette celui-là, haha !
– Ouais, ben je comprends mieux pourquoi c’est la merde là-bas…
– … Que veux-tu dire ?
– Non mais sérieusement, vous avez déjà été sur Terre ? La vraie Terre, hein ? Le vrai monde. Le truc que vous avez créé là…
– Bah, une fois oui, vers 1467 je crois…
– Après Jésus Christ ?
– … Qui ?
Je sentais que cela faisait trop d’un coup… Dieu incompétent, je m’étais fait à l’idée. Dieu-m’en-foutiste aussi, quelque part, je pouvais l’accepter. C’était plausible. Tout comme Dieu sadique. Dieu méchant. Dieu farceur ou Dieu insensible… Cela expliquait notre sort misérable… Mais Dieu miro… Qui avait juste oublié d’actualiser sa page « Monde » ? Ça, non… Je ne pouvais pas l’accepter ! C’était trop… divinement débile !
– Enfin bordel mais elles sont où les usines à charbon ? Les villes de bétons et d’acier ? Les fleuves grisâtres et les Suzuki Swift qui puent l’assemblage épileptique par un manchot bigleux à la va-vite ? Hein ? Il est où le stade raplapla et super moche Marcel Picot ? Les lépreux, le sida, la misère, la famine, Macron, et tout ce qu’il y a de plus moche dans l’univers, c’est où ça sur ta toile mensongère ?
– … Stade Marcel Picot ? … Sida ? … Suzuki Swift ? … Mais quels sont ces fléaux dont tu me parles, fils ?
– …
Je n’en pouvais plus. J’étais mort et Dieu lui-même ne savait pas de quel monde je venais. Il devait ignorer ma propre existence du coup… Je ne pouvais pas être le premier à lui dire ça quand même… Attendez ! JE NE POUVAIS PAS ETRE LE PREMIER A LUI DIRE ÇA !!
– Tu te fous de moi ! L’enculêêêêêêé…
– Haha… tu aurais vu ta tête ! Sérieusement, désolé pour la Suzuki Swift, c’était un délire après une soirée chargée en hydromel… Mais je ne pensais pas que les gens allaient acheter ça ! Enfin, je vous ai donné des yeux quand même ! Un sens esthétique, de l’amour propre ! Comment je pouvais savoir que vous étiez aussi con ?
– …
– Ne t’énerve pas, fils… Ecoute, tu veux savoir la vérité ?
– Je t’écoute…
– LA LORRAINE EST GRENAAAAAAÂAAT !!
Je sentais que j’allais me plaire moi ici…
12e Journée : FC Lorient – FC Metz (0-0).
– Alors fils, c’est quoi ton dernier souvenir ?
Là, j’ai dû faire un effort considérable pour faire ressurgir mes derniers instants sur Terre… Tout était encore embrouillé dans ma tête… C’est là qu’un nom a jailli tout à coup :
– Thomas DELAINE !!
– Oui… C’est bien, fils… Mais tu vas trop vite… Et avant ça ?
– J’étais en salle télé, en prison… Je regardais le match du FC Metz contre Lorient…
– Exactement, parle-moi de ce match…
– Pourquoi veux-tu savoir ça, Dieu ? Tu ne l’as pas vu ? On ne capte pas BeIn ici ?
– J’étais occupé, fils… Je sais que tu académicien sur HorsJeu.net, alors vas-y, fais ton boulot…
– Mais…
– Pas de mais… Si tu réfléchis trop, tu vas perdre le fil… Vas-y…
– Euh… Ok, Dieu… Bah, le match, il reflète une constante messine cette saison : on est beau, putain ! Notre style, dans tous les compartiments de jeu est au-dessus de la Ligue 2. Et nos adversaires le savent. Alors ils jouent le plus souvent en contre. Ben, là, c’était pareil avec Lorient.
– Je vois… Et que penses-tu de Opa Nguette, fils ?
– Espèce de fils de p…
– Haha ! Je rigole, je rigole. Continue…
– Bah durant les trente premières minutes, on devait avoir quatre-vingt pour cent de possession. Des occaz, de la niaque. Diallo a envoyé une frappe tout comme j’aime, tout en culot, sur le poteau. Et après ça a dégénéré…
– Fuckin’ Rivierez…
– Fuckin’ Rivierez, oui.
A ce moment-là, les larmes commencèrent à me monter aux yeux… Je me rappelais d’une discussion avec mon pote Camille au parloir (oui, c’est quand même un garçon). On se disait qu’avec Antonetti, c’était enfin fini la période « choix incompréhensibles du coach ». Selimovic était enfin garçon de salle dans une cantine, là où était sa place. Ne restait que Rivierez… Fuckin’ Rivierez… On comprenait qu’il avait joué les matchs avant. Il avait bien dépanné, c’est vrai. On comprenait aussi que Balliù devait être puni pour avoir voulu se barrer comme un mal propre deux jours avant la fin du championnat en Ligue 1… Mais Balliù avait rejoué. Il avait fait un bon match. On pensait notre sa peine terminée…
Et voilà que Rivierez se pointe. Et voilà que Rivierez se laisse distancer comme s’il tirait l’attelage de Charles Ingalls avec Marie et Laura lovées sur chacune de ses jambes… Et voilà que l’adversaire sent qu’il ne pourra rien faire de son ballon, bien couvert par Sunzu, si ce n’est courir tout droit et s’empaler sur les pancartes promotionnelles ventant des pizzas pas chères et pas vraiment goûteuses… Et voilà qu’il sent Fuckin’ – le buffle – Rivierez lui courir derrière… Et voilà que l’adversaire zigzag aux abords de la surface en cherchant à se prendre dans les jambes de Fuckin’ – le buffle amorphe – Rivierez… Et voilà que la papatte de notre Fuckin’ – le buffle amorphe décati – Rivierez vient le crocheter… Les deux tombent. L’arbitre, LeSage, qui n’en est pas un, se détend comme une girouette et sort un rouge pour notre Fuckin’ – le buffle amorphe décati souffreteux – Rivierez !
Des larmes je vous dis…
– Et après ça, le match a changé… On s’est contenté de défendre, avec les grands classiques, comme en Ligue 1 : « Grands coups de chausson », « On prie pour un exploit individuel », « La chance » et « On prie pour qu’un grand coup de chausson aille se vautrer dans les filets adverses »… Mais cela n’est jamais arrivé en Ligue 1… Alors pourquoi cela serait-il différent en Ligue 2 ?
– Je comprends, fils… Je comprends…
– RIEN DU TOUT !! Qu’est ce que tu comprends, vieillard ? Tu sais ce que c’est, toi, de perdre un être cher ? Tu sais ce que c’est que de maudire une ville, un département, toute une population, juste parce qu’ils sont nos rivaux en « football » ? D’où tu comprends l’effet que procure une longue passe par Cohade au péril de ses coucougnettes pour Nguette ? D’où tu comprends le cri qui jaillit soudainement de ta gorge brisant tous les barreaux de cette cellule lorsque Nguette contrôle magnifiquement ce ballon ? Éjecte un défenseur d’un coup d’épaule et arme sa frappe ? De quel droit te permets-tu seulement de penser que ta seule empathie suffit à comprendre la souffrance de tes enfants ? Tu crois qu’il suffit de panser les plaies pour ne plus se sentir coupable d’être celui qui les a infligées ? Pourquoi n’as-tu pas fait entrer ce ballon au fond ? Hein ? Espèce de gros tas barbu sans la moindre once de pitié pour ta progéniture innocente dont la seule faute aura été d’être issu de TA VOLONTÉ ??? HEIN ?? RÉPONDS TOCQUARD !!
J’étais hors de moi… La résurgence des souvenirs de mon ancienne vie ne s’accommodait pas à ce corps spirituel… Les endorphines, qui auraient dû normalement faire descendre mon rythme cardiaque et me calmer, n’étaient plus. Ma rage n’avait plus la barrière de mon corps comme limite… Elle semblait infinie… Suprême… Telle la colère d’un Dieu farouche et impitoyable !
Et tout à coup, cela m’est revenu ! Cette folie ! Cette complète disparition de mon moi, de mon être, de mon âme, au profit d’une émotion, une, unique et surpuissante ! C’était la 92e minute, une passe pour Delaine qui courait comme un malade vers le camp adverse. Il allait centrer, et c’est à ce moment là que le présentateur s’est exprimé : « Attention à Thomas Delaine, il va centrer, et on connaît la qualité de ses centres… » alors j’ai ri… J’ai ri ! Haha… HaHaHA… HA… HAHAHAHAHAHAHAHAHA !!!
Je regardais alors Dieu dans les yeux… Et il me semblait si petit. Si vieux. Si misérable. Il y avait toute cette rage émanant de moi qui l’écrasait ! Céleste n’était plus. L’Alpha et l’Omega subissait à feu nourri ma toute souveraine fureur ! Mon courroux presque aussi grand que l’univers lui-même !
Je me souviens de ce regard effrayé de la part de mes camarades emprisonnés. Ils en avaient vu des barges complets… mais là, je n’avais jamais vu une telle peur dans ses yeux… La même que dans celle de leur père à présent ! Dieu lui-même !
Un homme dévoré par une émotion ! Une ! Unique ! DIVINE !
Alors j’ai ri… J’ai ri tellement longtemps et tellement fort que j’en suis mort !
Et voilà que ma folie jaillissait encore une fois ! Jaillissant tellement fort que tout disparaissait à nouveau autour de moi ! Comme lors de ma première mort… La dernière image que je vis c’est celle de Dieu tout puissant, les yeux en larmes… En train de perdre un de ses fils…
J’étais perdu à tout jamais.
J’étais mort et je mourrais encore.
Et alors je que disparaissais encore, peut-être même définitivement cette fois-ci, Dieu s’est approché de moi, et m’a dit :
« – Tu me quittes, mon fils… Personne ne souhaite rester avec son père… Mais je tiens à t’accorder un dernier souhait. Parce que tu es mon fils. Parce que je t’aime. Parce que je suis navré que tu souffres. Parce que je peux faire beaucoup de choses, mais je ne peux faire taire la douleur qui s’est lovée dans ton cœur… Dis moi ton dernier souhait, et je l’exaucerai…
– Je veux… Je veux… je veux voir un nouveau but d’Ibrahima Niane !
– Accordé, fils… Accordé. »
…
…
…
L’enfoirêêêêêêêêêé !
Fin.