Montrer quelle est sa force révèle toujours sa faiblesse. Puisque la logique du football est de gagner, on peut légitimement supposer qu’un entraîneur compose une équipe dans l’espoir de marquer sans encaisser. Ne pas prendre de buts étant une affaire de solidité et de stabilité, le plus dur arrive quand il s’agit de tromper l’équipe adverse, de créer un déséquilibre. Pour arriver à ses fins, chaque coach élabore donc une stratégie offensive, reposant principalement sur les qualités de son collectif, en l’adaptant pourquoi pas à l’opposition.

En supposant donc que le but est d’en marquer, le technicien révèle énormément de choses sur son équipe au moment de choisir la mentalité de jeu. Tout comme on ne peut pas ne pas communiquer, l’absence de communication étant une forme parfois même plus importante que les autres (je renvoie les intéressés au modèle de Jakobson), on ne peut pas masquer certaines lacunes dès lors que l’on fait un choix.

Rapportée au match du jour, l’idée est intéressante car Unai Emery a fait le choix délibéré d’attaquer sur les ailes. Avec un Banega au placement très défensif, et un Canales pas habitué à trop redescendre et obligé de rester haut pour faire le lien avec les autres joueurs offensifs, Valence s’est retrouvé avec un milieu de terrain presque désert. C’est simple : là où Ramires-Mikel-Lampard trainaient constamment autour du rond central, la paire Banega-Albelda était souvent 35m en retrait de Canales, seul autre axial avant Soldado. Sur son côté gauche, Jérémy Mathieu, menace constante de part sa qualité de centre, et preuve que mettre un latéral en position offensive peut être mieux qu’un pis-aller ou un aveu de faiblesse (le cas Morel fait encore débat). Avec un Jordi Alba offensif dans son dos, et un Miguel fidèle à lui-même en latéral droit, Emery a fait le pari de l’offensive délocalisée, sachant que la puissance du duo Mikel-Ramires combinée à la qualité technique de Lampard risquait de faire mal.


En face, Villas Boas a tout de l’anté-Guardiola. Si on ne peut préjuger de ses intentions avant le coup d’envoi, la différence entre la première et la deuxième mi-temps en dit long sur sa capacité d’adaptation, mais aussi sur son relatif manque d’ambition. Là où le Catalan la joue lutte à mort des consciences façon Hegel, son compère préfère ne pas engager un bras de fer sans certitudes de gagner. Si Chelsea n’a pas imposé son jeu pendant 45 minutes, c’est autant parce qu’il a été pris par les rapides attaques espagnoles que parce qu’il s’est contenté d’être observateur. Pas spectateur non, mais observateur. Du genre scout qui observe le jeu d’une équipe pour pouvoir adapter le sien.

Voyant qu’il n’y aurait pas de bataille du milieu à gagner, puisque le jeu n’y passait pas souvent, le Portugais a choisi la solution la plus inventive. Si les messages émis par Valence sont clairs (on joue sur les côtés car on sait que c’est notre meilleure chance, et qu’on est donc fragiles sortis de notre zone de confort), AVB a fait le choix de l’enfonçage de clou. Prendre l’adversaire à son propre piège. Malouda et Mata inversés, des latéraux qui se mettent à monter et un jeu qui s’écarte, et tout est soudain devenu plus fluide. Oui, Chelsea peut faire la même chose mais en mieux. Quand on connaît la faculté qu’a Miguel à ne pas se replacer, et les placements trop avancés de Victor Ruiz, qui donnent du reste une contenance exagérée à un Rami en mode Sauveur Giordano, le tout aurait pu faire très mal. Heureusement pour les Espagnols, Lev Yashin était déguisé en Diego Alves.

Villas Boas, qui devait se dire avant le match « j’ai six cas Alba à me farcir », n’en aura finalement eu aucun. Aucun, à partir du moment où il s’est décidé à réagir correctement au problème posé par son adversaire. Et si l’hommage handballien de Kalou à Debuchy donne le point du nul à Valence, c’est finalement une juste récompense pour les locaux. On peut admirer la faculté de réaction d’un entraîneur qui cible le point fort de l’adversaire et en fait un point de déséquilibre pour sa propre équipe, mais cela n’est pas nécessairement l’idée que l’on peut se faire d’une dream team 1.0 (City, la version 2.0, n’étant pas beaucoup plus efficace). Se permettre de ne jouer que la moitié d’une rencontre peut être vu comme une preuve de confiance, mais c’est surtout une preuve de faiblesse. Ne pas être capable d’imposer son jeu est un signe : celui que l’on ne construit pas un modèle mais que l’on tente de faire au mieux dans l’instant. L’aventure ne fait que commencer, mais le Special Two n’a pour l’instant que sa clairvoyance à opposer à l’absence de ligne directrice définie et définitive. Plus modestes niveau effectif, à tel point qu’une entrée de Feghouli peut leur redonner du peps, les Valenciens pourront au moins se dire qu’ils ont décidé de la physionomie tactique du match. Et si leur modèle semble bien plus abouti pour le moment, la marge de progression semble bien moindre. Si le lièvre n’avait pas jugé bon de partir avant, la tortue n’aurait gagné que l’estime que l’on veut bien donner aux vaincus valeureux. En sport, il n’y a pas de morale à la fin de l’histoire…

L’apprenti footballologue.

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