Bordeaux-Monaco (2-1) : La Scapulaire Académie refait l’histoire

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Le hors-série Histoire de la rentrée, par Horsjeu.net.

« On ne prend pas un hippopotame avec un hameçon » mais on peut pêcher un supporteur avec des promesses.

Il était une fois l’histoire d’un club de football qui se croyait plus beau qu’il ne l’était vraiment. C’est une histoire cruelle, à la moralité aussi implacable que déprimante. Tout commence dans les années 90. Le mythe Claude Bez s’effondre en quelques mois comme un vulgaire château de cartes. En 1989, le célèbre moustachu est rattrapé par un redressement fiscal sans précédent. Le club quitte les pages sportives des quotidiens pour se retrouver dans les premières lignes des faits divers. Faux, usage de faux, escroquerie, abus de confiance, recel, les accusations sonnent le glas des ambitions sportives des girondins. Sonné comme un pauvre boxeur amateur en surpoids engagé à se prendre un K0 par un Tony Yoka dopé, Claude Bez sombre dans une certaine folie. Il licencie Aimé Jacquet et plaide l’acharnement médiatique et judiciaire. L’ironie voudra que les Girondins tombent l’année du bicentenaire de la révolution Française.


La Chute

En 1990, Claude Bez est mis en examen. Le club présente un déficit abyssal de trois-cents millions de Francs (45 millions d’Euros). Quelques jours avant Noël, Claude Bez est sommé de démissionner. Chaban-Delmas est accusé de complicité. Il aurait couvert les agissements du président déchu par des subventions cachées ou des prêts aux conditions ubuesques. L’ancien rival de Chirac cherche à brouiller les pistes, à éteindre un incendie attisé par le vent et l’empressement des juges. Son équipe recherche un repreneur pour les girondins, un président par intérim ou plutôt un entrepreneur, un type avec un sourire convaincant, propre sur lui et doté d’une réputation irréprochable. Son profil doit être exactement l’inverse de celui de Claude Bez, histoire de prouver aux juges, aux médias et aux administrés bordelais que la leçon a bien été apprise, que la mairie agira en conséquence. Mais il ne pouvait ignorer les errements et les pratiques douteuses, la fin de Claude Bez, c’est la fin d’un système hypocrite où les fonds publics servaient une ambition qui dépassait bien souvent le cadre sportif.

Le bon vieux Temps

Le pauvre Alain Affelou n’aura que quelques semaines pour essayer de sauver une situation désespérée. Un beau sourire et une image positive ne peuvent pas sauver un club troué par les dettes et cerné par les juges. La rébellion atteint le vestiaire. Lassé de ne plus être payé, la légende raconte que Jean Tigana saisira la recette du match retour entre Bordeaux et la Roma pour payer les salaires de ses coéquipiers. Scifo et Allofs menacent de poursuivre le club. Deux mois plus tard, Affelou jette l’éponge. Le tribunal de grande instance place le club en redressement judiciaire. Deux ans après les premières révélations, le club rend les armes. L’histoire se termine comme elle devait terminer, dans un soupir fracassant. Mais dans leur malheur, les girondins sont épargnés. Le lobbying et les discussions de salon sauveront le club de la disparition (ou de l’anonymat à un retour en division régionale). Le Stade de Reims a mis trente ans à s’en relever. Mais Bordeaux dispose d’un atout considérable. Jean Didier Lange et Philippe Charron organisent la direction du club en association. Le tribunal leur confie le club pour vingt millions de francs. Les Girondins seront relégués en juillet 1991. Et c’est un moindre mal.

Sa dernière recrue avant de partir, on renonce au scapulaire

Le magnat de la lunette joue sur la corde sensible. Il sait parler aux Bordelais. Après la descente en D2, Bordeaux doit se reconstruire. La ville porte alors son club entre ses bras. L’affluence en Division 2 est bonne. On veut revoir le club reprendre sa place. Alain Affelou réussira son pari. Après trois penalty de Rainer Ernst, les Girondins valident le retour dans l’élite. La page peut se tourner définitivement. Mais en réalité, cette page ne sera jamais tournée. L’épisode bordelais au sommet est forcément lié au destin de Claude Bez. Les Bordelais n’acceptent pas ce retour en arrière, ce manque d’ambition qui se heurte juste à une réalité comptable. Bordeaux ne peut plus jouer dans la cour des grands. Bordeaux ne peut plus avoir la prétention de s’assoir fièrement sur le trône ou même y prétendre. On regrette les rendez-vous européens, les frissons de la victoire. Alors, on résiste. Et on le fait bien. On affiche son scapulaire, on revendique notre passion en se repliant sur notre passé.


L’histoire d’une cession

En 1996, la génération dorée des Liza, Duga et Zizou offre à tous les nostalgiques le droit de vibrer à nouveau. Séville et Milan subissent notre loi. Zinedine devient Zidane, Bixente deviendra Liza (et Duga deviendra un connard mais il faudra attendre un peu plus). Comme tout Allemand qui respecte, Le Bayern viendra doucher (on a un peu honte mais on ne se censurera pas) nos espoirs de conquête européenne. Cet épisode n’est pas anecdotique. Il a marqué une génération de supporteurs, il a donné l’espoir de faire renaître les ambitions du passé. Avec le départ de Claude Bez, les stars se font rares. Les Girondins misent bien plus sur le Haillan et sur la formation que sur des stars venues d’ailleurs. Tancé par Lizarazu en conférence de presse, Alain Affelou jette l’éponge une nouvelle fois (mais pour de bon cette fois). On lui reproche ses absences, sa gestion parisienne et des déclarations un peu tapageuses dans la presse. Didier Lange reprend les commandes. Dès 1996, sa décision est prise, le destin du club est pérennisé. Il veut désormais céder l’encombrant bébé.
bordomonaco

Le plus beau coup d’Affelou (le copain de Dugarry)

 

Il profitera des bons résultats sportifs de 1999 pour parvenir à ses fins. Jean Louis Triaud et Didier Lange (co-président) déclarent que « le club n’est pas à vendre mais à offrir ». L’histoire aurait pu prendre un tournant bien différent. Le groupe britannique ENIC sera le premier à prendre contact avec les Girondins. Présidé par un certain Joseph Lewis, la nébuleuse britannique est devenue une spécialiste du rachat de club (Rangers, Slavia, AEK ou le FC Bâle par exemple). L’UEFA s’en mêle, le Tribunal Arbitral du Sport aussi. Le dossier sera écarté non sans un dernier effort du britannique qui formulera une dernière proposition de reprise au nom de son fils. Quelques semaines avant le titre de champion de France, le club est donc cédé au groupe germano-luxembourgeois CLT-UFA. Mais attention, la cession ne s’est pas faîte sans transition (ça va vous rappeler des trucs, vous allez voir…). Jean Louis Triaud l’assure : « l’argent injecté sera consacré intégralement au recrutement des joueurs ou au maintien dans l’effectif de ceux qui seraient tentés par un départ ». Le repreneur doit s’engager à ne pas diminuer « le capital joueurs » et combler les pertes d’exploitation. M6 arrive ainsi au Haillan, auréolé d’un titre de champion de France acquis par les anciens patrons et avec des promesses plein les valises.


Un titre et c’est tout…

On nous annonce des transferts clinquants et des ambitions enfin retrouvées mais vous savez tous comment tout cela se terminera. Vingt ans plus tard, le club est en passe d’être à nouveau cédé. Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. M6 vous promet des clauses et des garanties. Tavernost jure qu’il dispose de garanties solides, des promesses d’engagements. Mais même si elles existent, toutes les garanties du monde n’ont aucune valeur juridique. On n’a jamais vu un repreneur déclarer au moment de la cession « On va faire du sale, dépecer le club et essayer d’en tirer le maximum de pognon ». Les derniers espoirs de conquête se sont envolé un soir d’hiver 1989. Trente ans plus tard, nous vibrons toujours en pensant à ces heures glorieuses. Nous nous enfermons dans un mensonge que nous refusons d’accepter. On rêve de Ligue des Champions, de strasses et de lumières. On le désire tellement que nous serions prêts à croire le premier lecteur de bonnes aventures. Alors, quand des Américains se ramènent cet été, l’emballement est général ou presque.

On sent une légère inquiétude sur la gestion Yankee

On dresse le bilan de M6 dépeignant vingt ans de malheur. On préfère oublier que depuis la chute de Claude Bez les Girondins n’ont jamais pu revenir au premier plan. Alors oui, bien sûr, quand le projet sportif tenait la route, les Girondins faisaient parler d’eux. Mais M6 et Tavernost n’ont jamais su surfer sur le succès. A chaque fois, ils le subissaient comme un fardeau. Il fallait voir Triaud en 2010 faire le tour des rédactions en se plaignant des prolongations de contrats couteuses que le club avait dû accorder. Comme si la victoire, aussi superbe soit elle, devait nous apporter maintenant une défaite implacable, un sort inéluctable promis aux anciens vainqueurs. Le club a préféré renoncer, le club a préféré vivre dans son confort plutôt que tenter une aventure plus grande.


Le Scapulaire au Cœur

En 2018, M6 s’entend donc avec un groupe d’investissement américain. Vous pouvez douter de la volonté des repreneurs et de leurs promesses. Thierry Henry a préféré renoncer, Ranieri aurait écarté l’offre. Si la presse ne s’embarrasse plus avec l’emploi du conditionnel, nous allons faire preuve de plus de prudence. On prête des intentions aux uns et aux autres sans savoir qui manipule les infos. Les supporteurs revendiquent presque un statut que nous avons perdu depuis la fin des années 90. La peur de revivre 1999 est de plus en plus présente. Comme si, depuis 1989, l’histoire n’était qu’un éternel et douloureux recommencement. Alors, je vous en conjure, il est plus important de se battre pour notre identité que pour une ambition présumée. Nous avons besoin que les amoureux du club restent unis derrière le club, qu’ils arborent fièrement le scapulaire, qu’ils chantent à l’unisson, car notre passion dépasse les promesses d’un jour.
(J’ai pu travailler sur l’histoire de notre club depuis 1989 en me basant sur des articles de Sud Ouest de Cathy Lafon pour l’affaire Bez, de l’Humanité de Laurent Chasteaux pour la cession à M6 et des Echos de Bernard Broustet pour l’épisode d’Affelou.)


Le match

 

Ce fut une trêve apaisante dans cet océan maussade. Alors qu’on nous promettait l’enfer, Eric Bedouet a su fédérer un groupe de joueurs moins mauvais qu’on le prétend. Nous vous offrons (c’est gratuit hein) ce petit résumé. Nous avons trouvé plus opportun de vous faire un rappel sur notre passé. Tout est une question de priorité…


Les Notes

Costil 2/5
Benoit a réalisé des arrêts avant d’encaisser un but. Habituellement, il préfère faire l’inverse. Il a sauvé les meubles en Belgique, il répond présent contre Monaco. Il en faudra bien plus pour redorer le blason, mais c’est un bon début.

Palancia 3/5
La comparaison est douloureuse pour le pauvre Lewczuk. Sergi réalise une très belle prestation du début à la fin ponctuée par un tacle rageur de toute beauté.

Kounde 2/5
Jules a décidemment des difficultés à confirmer. Après un rouge (sévère) stupide en coupe d’Europe, notre espoir a perdu le ballon contre un Pelligri qui a tout d’un futur grand.

Pablo 4/5
Il a étouffé Falcao sans lui casser la jambe, sans le menacer. Il l’a mangé du début à la fin, gagnant tous ses duels, relançant à merveille. Son match fut tellement bon que le quotidien « L’Equipe » lui a accordé un magnifique 5/10.

Poundje 2+/5
Auteur du centre pour Sankharé, Maxime nous devait une revanche après sa prestation à Toulouse. Courageux et sérieux, Maxime a livré sa meilleure prestation de la saison. Et il a plutôt intérêt. Au vu de la prestation de Palencia, Sabaly pourrait glisser à gauche…

Tchouaméni 2/5
Aurélien a tout d’abord souffert du rythme imposé par les monégasques. Il est rentré petit à petit dans son match. Pour une fois, le milieu ne s’est pas écrasé devant l’adversité. On a tendance à oublier que le Tchou est encore un gamin.

Plasil 2/5
Plutôt à l’aise pour un retraité

Alors Jaro, un avis sur le match ?

Lerager 2/5
Si on ne fait pas attention à sa technique, Lucas fait une belle première période. Il a été précieux dans son pressing, et même dans sa disponibilité. Son problème est toujours le même, le ballon n’est pas son ami.

Kamano 3/5
Le départ de Malcom semble lui avoir donné une place et un statut singulier dans l’effectif. Il est devenu le leader technique. Dimanche, par son doublé, il offre une victoire méritée aux girondins. Mais par moment, il s’est perdu dans ses dribbles au lieu de combiner avec Kalu ou Préville (bon, ça va, on peut déconner quand même)

Kalu 3/5
Il loupe son pénalty. C’est le seul truc qu’on peut lui reprocher. Vif, technique, collectif, Samuel sait aussi défendre et jouer pour ses copains. Très prometteur…

Briand 2/5
Jimmy a cette capacité à obtenir des coups francs. Il finit toujours à quatre pattes. Et ce n’est pas madame Sorbon qui nous dira le contraire.

Ailleurs dans le monde…

Tiens, vous savez quoi ? Hadi Sacko a joué presque trente minutes avec Las Palmas. Faisons le point sur nos jeunes et moins jeunes éparpillés en Europe. Verdon est titulaire à Sochaux (on reviendra un jour sur ce pauvre club historique devenu le jouet d’un collectif d’agents). Yoann Barbet est titulaire à Brentford en Championship. Il occupe le couloir gauche. Il faut être prêt à tout pour s’imposer. Et vous pouvez faire confiance à Yoann dans ce domaine-là.
En attendant des jours plus heureux, surveillez la prochaine académie de Nausée, perdez-vous sur horsjeu.net et venez tailler le bout de gras sur Twitter.

4 thoughts on “Bordeaux-Monaco (2-1) : La Scapulaire Académie refait l’histoire

  1. Tigana saisit par voie judiciaire la recette de Bordeaux-Roma. Il ne jouait plus à cette époque. L’histoire est moins belle ainsi. Alors on fera comme si on n’avait pas lu l’information. Si vous le voulez bien.

  2. Merci Kiki

    Vraiment c’est ce sentiment de gratitude que je voulais écrire

    Il ne faut pas oublier le passé et comment nous sommes arrivé là pour bien appréhender l’avenir du club et tu l’as bien fait

    Continuons à supporter notre club quel que soit sa place et ses propriétaires

    Allez Bordeaux, putain faut vraiment que ça passe Jeudi …

    1. Merci beaucoup pour ton commentaire. J’espère en effet que nous allons revivre de belles émotions européennes. On aime ou on a aimé le foot pour ces rendez vous là.

  3. L’Histoire est écrite par les vainqueurs des conflits. Qui a pris la suite des Girondins? L’OM… Encore un coup du vieux por(c).

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