2012 n’aura donc pas marqué la fin des temps, pas pour tout le monde du moins. La Libye a apporté sa part de progrès anarchique à l’issue incertaine et terrifiante. Une zone tendue où même un ambassadeur  américain, pourtant bien placé sur la chaine alimentaire régissant l’humanité, joue sa vie. Tripoli and co offriraient donc un accueil x, inconnu de l’équation {Homme noir = Mercenaires} pour les milliers de supporters africains financièrement capables  d’assister à cette grande fête populaire que n’est pas la Coupe d’Afrique des Nations. L’Afrique du Sud a donc échangé son tour avec ce qui sera la Nouvelle Libye en 2017. D’ici là qu’ils se méfient des contrefaçons.

L’Etat au code couleur n’en est pas à son premier remplacement. Après le désistement « Vous êtes sérieux sur la facture ? » du Kenya pour l’édition de 1996, le pays organisa sa première CAN, honora sa première participation et offra au football sud-africain son premier titre. Cet exploit, nouvel exemple de l’incroyable par le sport, écrira l’acte fondateur d’une Nation Arc-en-ciel.

L’histoire tardive des Bafana Bafana[i] avec la CAN s’explique bien entendu par l’Apartheid. Avoir une équipe politiquement surnommée « All White » avait tendance à casser l’ambiance dans une Afrique aux prises avec la décolonisation. Exclu en 1958 de la CAF naissante, c’est en 1992 que l’Afrique du Sud nait sur la scène footballistique continentale.

A l’époque, la fin de l’Apartheid ne donne pas lieu à une joyeuse ronde célébrant les vertus de l’amnésie. L’analyse de la société est toujours dialectique et  le risque de guerre civile type OAS existe. Quoi de mieux alors qu’un trophée dans une compétition sportive internationale pour unir une population aussi traumatisée et institutionnellement divisée que les Sud-Africains. Mandela le sait et s’appuiera éperdument sur les succès dans les trois disciplines formant l’arc en ciel sportif sud-africain : le cricket, le rugby et le football.

La coupe du monde de rugby remporté en 1995 par les Springboks est traditionnellement présentée comme la victoire donnant vie à la nouvelle Afrique du Sud  et son daltonisme salutaire[ii]. A l’époque le test est surtout de voir l’incroyable vision de Mandela prendre corps. En reconnaissant et en s’identifiant à la victoire des Springboks, Madiba marque avant tout sa volonté d’intégrer la communauté des « j’ai rien fait, c’est pas moi » dans le concert de sa nation. La photo Benetton attendra. Et pour tous les Sud-Africains, pas de doute, l’épopée de la CAN 96 est l’évènement de l’espoir, de l’éventualité d’un vivre ensemble.

Mais celle-ci n’a pas démarré sous les meilleurs auspices. Pour la réunion mondiale de l’ovalie, Mandala avait su mobilisé les anciens détenteurs de carte d’identité « colored people » autour d’un sport pour les blancs, joué par une équipe composée de blancs et du courageux Chester Williams, métis au silence patriotique avant son livre thérapeutique. La réciproque ne se vérifie pas. Le football reste un sport noir. Un sentiment malsain s’insinue dans la population, l’idée que les récentes victoires en rugby et cricket sont une manière pour un camp de dire à l’autre d’une expression narquoise « We did our part, where is yours ? ». C’est alors que les Bafana Bafana frappent fort et assomment  le Cameroun 3 à 0 en match d’ouverture.  On se rend compte alors que l’espace de liberté contesté mais défendu, que représenta le « soccer », a généré un vivier de joueurs techniques, physiquement impressionnants, façonnés par les joutes passionnées des ligues créées par les populations noires et indiennes puis au sein de championnats opposant des équipes noires et des équipes blanches peu avant la fin de l’apartheid. L’équipe de football s’appuie sur une mixité intégrée par des années de rencontre sur le terrain. Des joueurs blancs comme Eric Tinkler, Mark Fisher ou le capitaine Neil Tovey ne se voient pas juger coupable d’être afrikaners et jouissent d’une côte formidable auprès du public au même titre que la légende Radebe. Eric Tinkler bénéficiera même de l’ahurissant surnom de « Mandela » dû à sa capacité à sauver la nation[iii].

Après avoir éliminé l’Algérie de Moussa Saib en quarts, les locaux rencontrent le Ghana de Tony « Toca » Yeboah et Abedi, « A ce grand Homme, Marseille reconnaissante » Pele, suspendu pour l’occasion. Après un match superbe remporté 3-0, l’Afrique du Sud se prend de passion. Le premier quotidien en langue afrikanns, « Beeld », s’offre la première Une dédiée au foot de son histoire avec un incroyable titre en Zulu « Yebo Bafana Bafana » (Yeah ! les Bafana Bafana). La finale voit un stade de 80 000 personnes célébrer  une victoire 2 à 0 face à la Tunisie. Les deux buts sont inscrits par Mark Williams, métis de son état[iv].

Contrairement  à la Coupe du Monde Rugby qui n’a de mondiale que le nom, La CAN 1996 marque la naissance de l’Afrique du Sud comme un Etat africain dont les populations partagent  des joies africaines.

Ce succès historique, fédérateur et dignement fêté se médiatise comme le lancement de la nouvelle génération Black Blanc Métis. Comme tout slogan gravé sur le premier arbre ensoleillé, il crée un sentiment de plus en plus fragilisé une fois venu le temps de la balade en forêt. Sans prendre le risque d’étaler mon ignorance sur un sujet complexe, le métissage Sud-Africain s’est surtout fait dans les classes dirigeantes où chacun connait sa place pour mieux la conserver. Le reste reste le reste. Se tracent de nouvelles lignes sur lesquelles il est demandé à la police et aux compagnies de sécurité privées d’ériger les classiques barrières de vitres démocratiquement teintées.

Question organisation, la province du sud a vaillamment conduit la capricieuse Coupe du Monde, toute option en termes de contraintes sponsors et de pressions politico-médiatiques. Autant dire qu’en principe la CAN s’organisera sans roulette, sur roue arrière et en mangeant du Bobotie. Les stades sont beaux, neufs ; chaque groupe le sien.

Le public est boulimique de football et illustre régulièrement son excentricité dans un championnat et 3 coupes nationales passionnés. Fait rare sur le continent, un supporter sud-africain se présentera d’abord par les couleurs de son équipe locale avant d’exprimer sa préférence pour un ténor de Première League ou d’Espagne. Comme toujours, le point d’interrogation reste la mobilisation hors pays organisateurs.

Toutefois La chanson officielle réussit l’exploit d’être l’une des merdes les plus inaudibles jamais entendue dans un contexte footballistique ou de drogue généralisée, ou des deux. C’est l’histoire d’un mec, appelons-le « musicien » pour déconner, il se réveille ; quelqu’un lui a dit « la techno dance c’est à la mode, tiens écoute le nouveau Dance Machine ». Après 6 min passées sur un synthétiseur et 4 sur une boite à rythme, il se rappelle d’où s’élèvent à jamais les Tam Tams de l’Afrique. Le clip fera le reste. Une mauvaise relique des années 80. Les femmes se présentent en sexy couleurs africaines et se rappellent plus ou moins la danse traditionnelle Yakalélo. Les mecs sont soit des guerriers pré-pubères, soit des sorciers tout d’os et de gros yeux vêtus, le tout derrière une chanteuse qui chante que quand tout le monde est content…..ben c’est bieng. Dans un pays à dominance zulu, il y avait quand même mieux à faire.

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Tahar Fidile

Le monde se divise en deux catégories, ceux qui « like » le Facebook de Tahar Fidile et ceux qui creusent, toi tu like……



[i] The Boys en zulu

[ii] cf The 16th man pour un documentaire ESPN édulcoré et Invictus pour un film hollywoodien simplifié

[iii] Une anecdote incroyable raconte comment les supporters entonnaient une chanson en langue zulu anciennement utilisé comme cri de ralliement anti apartheid avant un penalty de Tinkler « La lance de la Nation arrive, vous feriez mieux de vous méfiez ». La lance est ici Eric Tinkler et le « vous » l’équipe adverse.

[iv] Vincent Duluc fit une crise d’épilepsie en regardant le match devant ce qui reste le plus grand « comme un symbole » non prononcé de l’histoire.

7 thoughts on “CAN 2013 : Bafana in the hoods

  1. Très intéressant et le style est très agréable. J’espere que ton académie sera récurrente, au moins le temps de la CAN.

    Cependant une question, quand tu parles du fait que les noirs se sentaient en quelque sorte provoqué par les victoires en rugby et en cricket, c’est un sentiment/conviction qui t’es personnel ou c’est quelque chose de communément admis?

  2. Mais il est très bien ce clip, c’est quoi le problème?
    Sinon, je suis d’accord concept très sympa. J’aurais bien proposé une contribution sur le Sénégal mais la faute à une odieuse manipulation du corps arbitral, ayant entraîné une réaction on ne peut plus justifiée d’un peuple tout entier dans la mesure et la retenue, ça va pas être possible…

  3. @Willy Pagnol. J’irai pas jusqu’à parler de provocation directe et frontale mais plus d’une espèce d’un faisceau de rumeurs et de non-dits qui laissaient penser que les blancs se revendiquaient de l’afrique du sud qui marche qui gagne en opposition au reste du pays. Avec en toile de fond le complexe très post coloniale « le pays serait rien sans eux ». Sinon ce sentiment est tire d’article de l’époque et de reportage sur le sujet.

    @Rojito Ne t inquiète pas ma passion pour El hadji Diouf m amènera a parle du dernier des sénégalais.

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