Il y a quelques temps, tel un exécuteur de mauvais augure, nous procédions au décachetage et à la lecture du testament de Nancy. Ayant pris à cœur notre tâche comme un apprenti plombier sa première explosion de matière fécale, nous concédions alors une certaine incrédulité qui peinait probablement à cacher notre mauvaise volonté. Maintenant que le cadavre est là, devant nous, que l’humour a pris son envol comme la chouette de Minerve et que l’embaumement est terminé, il est grand temps de passer à ce que toute rationalité et la morale la mieux fondée nous déconseilleraient en agitant les bras de façon paniquée : la vengeance.

Bien évidemment, quoique sur le conseil de notre avocat Maître Morsay, nous serions tentés de souhaiter à certaines génitrices de dirigeants de se caler un parpaing dans la partie du corps qui a permis qu’on les appelle génitrices et d’appuyer très fort afin que l’humanité s’assure de ne plus jamais voir naître de telles raclures de fond de chiottes du Festival du cassoulet, nous ne céderons pas à la facilité de l’insulte. Merci Maître, je choisis le cric et vous laisse la barre-à-mine.

C’est ainsi que nous nous présentons à toi, public avide : nu, poitrail malingre et velu au vent, nonobstant le slip sale que nous portons pour seule armure et les vieilles groles que nous chaussons, armé de toute notre haine et d’un chagrin confinant à un désir d’antique violence, mais aussi d’un fusil à double canon scié chargé de carottes parce que si on ne croit pas avoir la force de faire du mal à qui que ce soit, on aimerait au moins s’assurer que les lapins de Tomblaine aient l’œil bien aiguisé en prévision du retour de la saison de la chasse.

On voudrait en loger, pourtant, des boisseaux de chevrotine dans le cul à face d’humain bien coiffé de Gauthier Ganaye, ce président jeune et dynamique plus absent à son poste qu’un député de la majorité la semaine où on vote l’augmentation du SMIC ; on aimerait en verser, des monceaux de gravats de plutonium, dans la gorge de Chien Lee et compagnie, juste histoire de voir comment ils arrivent encore à prononcer des mots comme « projet », « investissement », « ambition » et tout leur salmigondis de boursicoteurs attardés ; on se ferait un sérieux plaisir à charger à fond de cinquième au volant du bus du club en flammes vers ce grossier poète maudit semi-dément d’Albert Cartier pour lui rouler sur les arpions, klaxon hurlant ; on se prendrait d’une satisfaction narcissique enthovenienne à l’idée de seulement de tondre les couilles en forme de crâne d’œuf de Yéni Ngbakoto à l’aide d’un fer à souder rouillé. Toutes ces cibles évidentes constitueraient pourtant un bien piètre tableau de chasse tant le prestige et la noblesse de ces individus de qualité médiocre ne semble digne que d’une méprisante indifférence.

Alors aussi longtemps que ces parasites suceront le sang de notre club, nous nous contenterons, afin de mieux nous détourner de leurs sales gueules, de remerciements.

Merci à toi, club déchu, de nous mener, au beau milieu d’une vie monotone de supporter habitué à sa routine d’ambitions de second étage et de souffrances les années d’élite, vers des terres inconnues. Nous y découvrirons des stades, des adversaires, des pratiques footballistiques, peut-être, à nul autre pareil. Merci de compléter enfin le palmarès du sous-sol que nous enviions au FC Metz de ses morts depuis son séjour là-bas, tout en bas ; nous pourrons désormais regarder chacun de ses fidèles dans les yeux et, avant de lui garnir le museau d’un anneau, nous saurons lui dire : « oui, nous savons, ta gueule, meuh ». Merci également de ramener de toute urgence chaque supporter faisant usage de la souffrance comme un néo-libéral use de la démocratie à sa réelle condition : non Stéphanois, Bordelais, Parisiens, tout malheureux que vous êtes, vous ne savez rien de la douleur quand vous pouvez balayer cela d’un revers pour faire face au souvenir imprescriptible de la joie véritable. Vous qui pleurez à force d’espoirs déçus ou d’une chute ponctuelle dans une routine élitiste que le monde vous envie, vous n’avez jamais vu ce qu’était le malheur du supporter. Merci encore de nous sortir, à force de dégoût pour le football insalubre que tu pratiques, de ce clubisme qui sclérose trop souvent nos vues sur ce jeu qui n’a de laid que ce que tu en fais (pas au point de regretter une petite crotte de nez à d’autres clubs de temps en temps non plus, on ne va pas revenir sur la phrase précédente). Car à force de suivre l’ASNL, on en aurait presque oublié que le ballon pied pouvait parfois offrir un spectacle agréable à l’œil lorsqu’il est joué loin de la Lorraine. Merci enfin de nous donner l’occasion d’innover en littérature. En effet, si nous avions fait nôtre la devise de Sganarelle, pensant naïvement nous protéger de toute tragique éventualité derrière la carapace que nous croyions inexpugnable de l’humour, force nous est imposée désormais d’inverser la maxime et de nous dépêcher de verser toutes les larmes avant que la reprise, l’été prochain, nous laisse comme un vieux chiffon fripé d’avoir été essoré à la main, puant le linge moisi oublié dans un recoin, notre seul sarcasme brodé à même le tissu pour essuyer la lunette souillées des gogues. Alors on retrouvera peut-être le goût à s’esclaffer devant ce douzième tir qui finit sur le parking de l’usine bordant le stade, mais pas parce qu’on trouvera ça réellement drôle, non, juste parce que nos yeux sont secs, nos cœurs sont secs, nos couilles sont sèches d’avoir trop pleuré.

Ces quelques cérémonies effectuées, nous nous retirons dans le silence, ce jusqu’à nouvel ordre. Bien des épisodes solitaires d’alcool foudroyant, d’anti-douleurs illégaux et de crises d’angoisse nous attendent et il nous tarde de nous y consacrer céans plutôt que de nous déplacer pour suivre encore le dessein pathétique de cette équipe dans ses derniers instants au fond du purgatoire. On visitera l’enfer avant vous, tas de véroles. Soyez assurés seulement que si on ne vous en dit rien, nos sens resteront alertes et nos réflexes aiguisés : la Chardon à Cran Académie n’est pas près de changer de nom pour l’Académie des Gentils Petits Pistils Éclatés par le Mandrin Pas Lavé des Fils de Pute de New City Capital. On vous attend, on veut vous faire vivre dans la peur autant que vous nous avez plongé dans le désarroi, on veut des promesses tenues et des standards conformes. En l’état, on vous souhaite d’être les premiers déchets enterrés à Bure. Demain, si vous êtes encore là, c’est peut-être vous qu’on invoquera pour justifier la hausse des prix des céréales. Dormez mal. Salut.

Marcel Picon

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