La Tuicacadémie file à Craiova à la recherche de l’Universitatea

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Rencontre avec des supporters sans équipe

Après l’étape à Ploiesti, on part cette semaine à Craiova à la rencontre de supporters de l’Universitatea.

Craiova se situe au sud du pays. Tout au long de l’histoire de la Roumanie, Craiova a eu une importance certaine. Lieu de victoire des Valaches sur les Ottomans au XIVè siècle, Craiova fut aussi un berceau important de population pour la révolution de 1821 menée par Tudor Vladimirescu. Craiova reste également un cœur économique de la région, notamment avec ses usines d’automobile (Ford, anciennement Citroen) et de construction électrique et ferroviaire (Electroputere).

Mais Craiova est avant tout une ville très agréable pour se promener, enfin surtout le centre. Si vous avez la chance d’y aller un jour, ne manquez surtout pas la Casa Baniei, maison du musée de l’Olténie, le Muzeul de Arta et surtout le fameux parc Nicolae Romanescu, poumon vert de la ville. Pour faire des affaires, il y a également un énorme marché rom tous les dimanches.

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Pour mieux comprendre ce que devient l’Universitatea Craiova, on est parti chercher un supporter qui se fait appeler Che Guevara qui a bien voulu répondre à quelques questions. Allez visiter leur page Facebook.

Tuica: Premièrement, merci pour cette interview !

U Craiova fan – Che Guevara : Avec plaisir !

T: Pourquoi supportez-vous l’Universitatea Craiova?

U : C’est difficile à dire. Non pas que je n’ai pas de réponse mais il y a tellement de raisons. La plus importante : c’est une tradition familiale. Mon grand-père m’a parlé de cette équipe. Mon père également. Je fais de même avec mon enfant.

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T: Pourquoi considérez-vous l’U Craiova comme un club spécial dans le football roumain ?

U : L’U est comme l’OM en France ou le SSC Napoli en Italie. Les mêmes couleurs blanche et bleue. Les supporters les plus chauds du pays vivent dans la ville la plus chaude du sud de la Roumanie.

L’U est spéciale parce qu’aucun autre club de Roumanie n’est comme nous. Nous avons ramené 25 000  fans dans un match à l’extérieur en 1998 et 2002 (deux finales de Coupe de Roumanie). C’est un record qu’aucune autre équipe n’a battu.

Nous avons également eu la plus grande affluence pour un match joué en Roumanie – 40 000 personnes dans le stade et 20 000 dehors, essayant d’entrer dans le stade ; lors d’un match contre le Steaua au Ion Oblemenco Stadium de Craiova (NDLR : en 2002).

T: Que pouvez-vous nous dire concernant l’histoire du club?

U : http://www.universitateacraiova.net. C’est une histoire immense, je ne finirai jamais si je commence.

T: Qui sont le joueur et l’entraîneur qui symbolisent le mieux ce club ?

U : Le joueur le plus important est Ion Oblemenco, 4 fois meilleur buteur du championnat roumain dans les années 60-70.

Le plus important entraîneur doit être Constantin Otet. Il a mené le club en demi-finale de Coupe UEFA en 1983, cela reste une performance unique.

T : Les supporters du Craiova ont toujours été considérés comme faisant partie des meilleurs du pays. Est-ce que vous vous considérez comme uniques en Roumanie ?

U : Non, je suis une personne humble. Je n’aime pas beaucoup parler de moi-même. Nous sommes éduqués à rester calmes et modestes depuis notre enfance. Mais dans le stade, quelque chose d’étrange se produit – nous nous métamorphosons, nous faisons corps et âme avec notre équipe. U Craiova est tout ce que nous avons. C’est notre « dernière forteresse » à défendre. Comme nous n’avons plus d’équipe en ce moment, nous n’avons plus rien.

Ion Oblemenco et Constantin Otet

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Ion Oblemenco était un attaquant de pure race, 4 fois meilleur buteur du championnat fin des années 60, début des années 70. Mais malgré son talent, il fut snobé par les sélectionneurs nationaux. Surnommé « Tunarul », le canonnier, il fut l’entraineur des débuts de la génération Maxima avant de laisser sa place à Constantin Otet. Le stade de Craoiva porte son nom depuis sa mort en 1996.
Quant à Constantin Otet, il inspira de nombreux entraineurs par sa capacité à faire bien jouer n’importe quels joueurs. Emil Sandoi, le sélectionneur des U21 roumains, lui rendit hommage à sa mort en 2002 : « Constantin Otet, l’entraineur de Craiova Maxima est décedé. Il était le technicien parfait, un Homme au sens noble du terme. Il était un entraineur entier, sans compromis. Il a été une lecon pour nous tous. »

 

Craiova Maxima –  « histoire vraie, rien d’autre »

T : En Europe, Craiova est surtout connue pour sa formidable saison 82/83. Est-ce que cette mémoire est encore intacte aujourd’hui ?

U: Bien entendu. Nous avons Internet, Youtube. De plus presque chaque année, des programmes télés relatent cette performance.

T: Qu’est-ce qui était si spécial dans cette équipe ?

U : L’amitié, l’union, l’intelligence. 20 joueurs de cette équipe, à l’époque, étaient étudiants et ils ont tous un diplôme universitaire aujourd’hui.

Craiova Maxima

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Au début des années, l’Universitatea avait une génération exceptionnelle d’où son surnom de Craiova Maxima. Nous en avions parlé lors de la toute première acad’.

Champions en 1980 et 1981, vainqueur de la Coupe en 1981 et 1983, c’est la première équipe à véritablement concurrencer les clubs de Bucarest.
Notamment grâce à leur parcours géant en coupe de l’UEFA 1982/1983, éliminés par Benfica (0-0 chez eux, 1-1 au retour). Une année où Anderlecht remporte la compétition, tu parles si y’avait la place ! Cette année-là, Craoiva alignait régulièrement 10 joueurs sur le terrain en sélection nationale.
Le revers de la médaille, c’est que ça a fait flipper les dirigeants du Parti. C’est qu’ils étaient pas contents qu’un club provincial vole la vedette aux deux fleurons Dinamo et Steaua. Ouh là là, non, ils étaient même furax.
Là ont commencé les embrouilles, les pressions, les règlements modifiés à la hâte, les matches de championnat planifiés deux jours avant les rencontres européennes, j’en passe et des moins mûres.
Et ils ont réussi leur coup, l’équipe fut décimée, ne revenant sur le devant de la scène qu’aux débuts des années 90 pour ce qui restent les derniers titres du club.

Lors d’un récent sondage, Craiova Maxima a été élue plus grande équipe de tous les temps, devant Steaua 86 !

 

Histoire récente

T : Craiova ne joue plus en compétition officielle depuis presque deux ans. Qu’est-il vraiment arrivé au club?

U: Je pense que vous connaissez déjà l’histoire.

T: Dragomir, le président de la Ligue, semble toujours être contre le Craiova. Est-ce que vous savez pourquoi ?

U : Il fait partie de la mafia. Ils ont détruit le football roumain car ils en tirent beaucoup d’argent de cette manière. 50M€ disparaissent des caisses du football roumain CHAQUE ANNEE. Dragomir et Sandu (NDLR : président de la fédé) en sont les responsables.

T: Beaucoup de clubs seraient morts avec ce qui vous est arrivé dernièrement, pas Craiova. Comme dit la chanson « La Craiova e mereu »  ?

U : C’est sûr ! Nous sommes forts comme des pierres. Nous ne lâcherons jamais.

T: Craiova avait une superbe génération de jeunes joueurs talentueux1 en 2011 avant que le club ne cesse de jouer avec Lung Jr, Gaman ou les frères Costea. Est-ce que vous le ressentez comme une injustice que ces joueurs soient partis sans contrepartie financière ?

U: Oui, bien entendu. Ils étaient le trésor de notre club. Aujourd’hui, il est vide.

La situation ubuesque du Craiova depuis 2011

L’Universitatea Craiova a été exclu de la fédération roumaine de football en 2011, et par conséquent ne peut participer à aucune compétition officielle.
La raison ? Mititelu avait déposé plusieurs plaintes devant la justice civile, contre la LFP, la fédé ou encore Victor Piturca. Il leur reprochait d’être au cœur d’un système mafieux, déclarant : « Ils forment un groupuscule illégal dont les intentions vont à l’encontre de l’intérêt du football roumain ». Après plusieurs menaces d’exclusion si les plaintes n’étaient pas retirées, les membres de la direction de la fédé ont voté à une très large majorité (10 voix pour, 2 voix contre, 2 abstentions) l’exclusion du club. Depuis, Craiova lutte pour retrouver sa place. Les plaintes ont quant à elles été rangées sous la pile de dossiers en attente.

 

Le futur

T: Quelles actions avez-vous entreprises pour supporter votre club dans cette période difficile ?

U : « Justice for Craiova ». Il est impossible que vous n’en ayez pas entendu parler.

T: Est-ce que vous pensez que Mititelu2  est l’homme idoine pour le futur du Craiova?

U : C’est le seul que l’on a et le seul prêt à investir de l’argent dans ce club.

T : Est-ce que ça vous semblerait équitable si le Craiova reprenait en Liga II ou est-ce que vous vous attendez à être réintégré en Liga I directement ?

U: Peu importe. Nous voulons juste que Craiova joue au football.

T: Si le Craiova revient en Liga I, est-ce que vous considérez les matchs contre le Pandurii comme un vrai derby?

U : « Derby de la région »… peut-être. Mais cela doit concerner deux équipes de la même ville pour être un derby.

T: Est-ce que le fameux stade Ion Oblemenco va être rénové ?

U : Oui, tout à fait.

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Le football en Roumanie

T: Aujourd’hui, est-ce que vous suivez toujours le championnat de Roumanie ? Si oui, que pensez-vous de cette saison ?

U : Non, le football ne m’intéresse pas si l’Universitatea n’est pas dans le jeu.

T: Poli Timisoara a disparu, le Sportul Studentesc a de gros problèmes financiers comme de nombreux clubs de Liga I. Etes-vous pessimiste sur le futur des clubs roumains ?

U : Non, il faut simplement qu’ils soient mieux organisés.

T: Est-ce que la rivalité entre supporters est très importante en Roumanie ? Et pour les fans du Craiova ?

U: Nous avons une énorme rivalité avec Bucarest. Toutes les équipes de Bucarest sont nos « ennemies ». Rien d’autre n’importe.

T : Un mot sur la Tricolorii. Est-ce que tu penses que Piturca est le bon entraîneur pour cette équipe et verrons-nous la Roumanie au Brésil en 2014 ?

U: Piturca est un entraîneur à l’ancienne. Il a une popularité au plus bas en ce moment. Dans un de nos sondages, sur 200 votants, il n’a reçu qu’une voix…

T : Un dernier mot ?

U : Espérons que l’on revienne bientôt sur les terrains. Forza Stiinta!

 

On a inauguré ce nouveau format avec un fan du Craiova, qu’on espère revoir très bientôt en Liga I ou Liga II.  On espère que vous aurez apprécié le voyage ! Et encore merci à Che Guevara et aux supporters de l’Universitatea Craiova !

Jean-Nicolae Surdu-Mutu et Tristan Trasca

 

1 Ces quatre joueurs étaient de grands espoirs du football roumain quand le Craiova a eu ces gros problèmes. Aujourd’hui, Gaman et Silviu Lung Jr (fils du gardien du Craiova Maxima) sont tous les deux à l’Astra Giurgiu où ils mènent une très belle carrière qui devrait les propulser à l’étranger très bientôt. Pour les frères Costea, la suite fut plus dure après des transferts au Steaua. Le plus jeune est tjrs au Steaua mais en bout de banc alors que Florin s’est relancé cet hiver au CS Severin.

2 Adrian Mititelu est le président du Craiova depuis 2004. Businessman grande gueule, il est le bienfaiteur du Craiova mais également un de ses plus grands problèmes ! Malgré tout, il reste un vrai amoureux de son club et reste un des seuls prêt à se battre pour redonner la place qu’il mérite à l’U Craiova.

7 thoughts on “La Tuicacadémie file à Craiova à la recherche de l’Universitatea

  1. Très bonne cette interview ! Cette académie est vraiment une pépite, bravo les gars.

  2. Sympa ce genre d’académie ! Très bonne initiative.
    Je me demande, dans un esprit de fraternité, si des roumains soutenaient Galatasaray pendant leur époque fulgurante bien aidé par Popescu et Hagi. Ça pourrait donner quelque chose d’intéressant.

    Je sais que dans les heures sombres de l’équipe nationale turque, beaucoup de supporters de Galatasaray avaient de la sympathie pour l’équipe nationale Roumaine, pas mal du tout à l’époque…

  3. Merci à vous deux, on prend aussi beaucoup de plaisir à écrire.

    Concernant la Turquie, un jour un ancien de Roumanie m’a dit: « Moi je les aime bien les turcs, ils ont essayé pleins de fois de nous envahir mais ils ont jamais réussi »

    Sinon, oui, à l’époque de Popescu et Hagi, les roumains avaient une affinité avec Galatasaray mais pas plus que ca avec l’équipe nationale de Turquie par contre. C’est toujours le cas avec les expatriés, c’est pareil pour Banel à St-Etienne ou Mutu à Ajaccio. Les gens suivent un peu plus que d’habitude les résultats de ces clubs.

  4. Comment quoi ? De la corruption en Roumanie ?
    Mais ou allez-vous chercher ça enfin.
    On a pas l’autoroute la plus chère du monde par hasard ! ;-)

    Merci pour tous ces articles: treab? bun? !

    For?? Bihor !

  5. Article très sympa. Et une bonne idée de donner la parole au supporter. Ca donne un bon aperçu de certains problèmes et en même temps tu sens la passion.

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