METZ – (Caen – Valenciennes – Dijon – Laval – Rodez) : LA METZ QUE UN CLUB ACADÉMIE glisse sur le reflet de son égo.
On y voit plus clair.
« Quand je me regarde dans le miroir, et que je repense à l’enfant que j’étais à 8 ans… Je ne pense pas qu’il aurait aspiré à devenir la personne que j’observe en face. »
Mustafa, l’assistant officieux et à l’hygiène douteuse sans-abriesque, du professeur Legrasaully (cf les épisodes précédents) venait de lancer le dictaphone. Les élèves étaient prêts à prendre leur race d’instruction :
« Déjà physiquement. Soyons honnête : pas vraiment Brad Pitt que je regarde. Des cheveux épars, avec des zones bien-bien dégagées, une barbe qui mange le visage, des rides qui témoigne d’une perte quasi définitive de tout sourire au cours de ces dix dernières années.
Mais surtout, ce qui peut dégoûter l’enfant que j’étais, avant le physique, c’est bien plus ce que je suis devenu intellectuellement. Un mec plutôt déconnecté de son monde, hanté par plus de remords et de regrets que d’envies ou de toute forme d’espoirs. Un type qui a oublié de réévaluer ses ambitions et qui les laisse s’écouler sans les retenir. Dépourvu de hargne. Plus vraiment à l’aise avec les autres et qui se demande où il en est dans sa propre vie. En complète perte des repères… Qui suis-je devenu ? Qu’est-ce que je voulais être ?
Une phrase de Naoki Urasawa me revient souvent, celle qui introduit son œuvre resté la plus célèbre et qui dit : « Les enfants que nous étions alors riraient sûrement s’ils nous voyaient aujourd’hui. ». La route que j’ai tracée manque tellement de panache, de courage, d’audace. De sens aussi... Que dirait une épitaphe honnête de ma personne ? J’imagine quelque chose comme : « On sent qu’il a essayé de vivre. »
Et c’est toujours à ce moment-là que je l’entends, l’enfant que j’étais, qui se met à avoir un fou-rire… Mustafa, lance la première diapo s’il te plait. »
« Je tenais d’ailleurs à remercier encore une fois Mustafa pour ses diapositives, on m’a dit qu’il avait assuré la dernière fois. »
« … Ce rire, enfantin, c’est aussi celui que j’entends tandis que je regarde mon Fc Metz jouer. Oui, vous l’aurez compris, comme lors des précédents cours : il y aura plusieurs niveaux de lectures, et je plains ceux qui pensaient que le scénario d’Inception était béton.
« Et si j’exprime un rire sur ce Fc Metz, c’est parce qu’il est vraiment drôle ! Et je suis désolé pour tous ceux qui le prenne au sérieux, mais : il l’est. Vous avez vu le match contre Laval ? Il est hilarant de frustration ! On éclate de dizaines de rires de rage ! On s’esclaffe autant que l’on a envie de se mettre des baffes !
Tous ceux qui ont vu ensuite ce même FC Metz gagner trois zéros contre Rodez, et se prendre ensuite un but ont dû commencer à rire de peur en imaginant la remontada.
Et c’est un peu ça qu’est devenu notre club. Il faut être honnête. Un peu dragon, un peu pigeon. Un peu légende du foot français, un peu blague ridicule de l’ascenseur. On a eu de belles victoires, grâce à des enfants du club, et aujourd’hui, les joueurs formés préfèrent s’enfuir ailleurs.
Nous ne sommes plus vraiment pris au sérieux. Alors on essaye de muer tel un serpent faisant peau neuve. C’est pourquoi on efface notre passé de libérateur de graoully de nos maillots et que l’on supprime notre identité de résistants en mutilant un peu la croix de Lorraine sur notre logo. Et nous voilà, essayant par tous les moyens de sortir des griffes de notre passé… »
« Avant le FC Metz était un motif d’arrogance. Aujourd’hui, il fait rire. On essaye de redorer le blason en tentant d’implémenter des mots comme « forteresse », mais ce ne sont que des ruines. Soyons réaliste. Et cette dichotomie passé/présent, vieux /jeune se retrouve un peu partout au FC Metz. Les deux se côtoyant, se lovant sur eux-mêmes comme deux serpents en pleine saison des amours.
Un vieux coach, des jeunes joueurs. Un staff vieillissant, de nouveaux moyens technologiques. Un vieux stade, de nouvelles infrastructures. On glorifie les 90 ans, et en même temps on change l’identité visuelle du club. Au FC Metz, on a un amour : le grenat, qui est lui aussi le résultat d’une mue symbolique, celle de l’abandon des couleurs noires et blanches d’un passé allemand que l’on a voulu oublier. »
« Pourquoi j’insiste ? Parce que c’est précisément ce qu’est le Fc Metz aujourd’hui : une équipe en mutation. Et il faut la prendre comme tel. Et chaque match nous le rappelle encore et encore. Un vieux système de jeu avec des contres qui s’appuie sur des jambes jeunes et véloces. Une défense timide qui ne sait pas défendre en l’air et pourtant constitué de joueurs expérimentés. C’est presque trop facile à écrire tellement c’est évident.
Alors regardons nous honnêtement dans la glace, et essayons d’analyser un peu ce qui va, et ce qui ne vas pas. Parce que mutation ne veut pas forcément dire signe de mauvais augures. Cela veut juste dire qu’il faut observer attentivement l’évolution et prendre les bonnes décisions au bon moment. Allez, on se jette à l’eau : »
« Mais avant, un petit récapitulatif, ou « récap » comme dirait les vieux qui se croient jeunes, quelle bande de fils de pute ceux-là, je vous jure. Bref, lors de la dernière séance, nous avions fait part en conclusion d’une certaine forme de sérénité quant aux capacités messines, mais avec tout de même le soin d’examiner quelques questions, à savoir :
– Comment notre allant offensif se comportera face à une équipe plus compacte ? Comme Caen ou autre ?
– Est-ce que la jeunesse de l’équipe ne sera pas problématique pour la suite ? Car le mercato va se clore, et nous ne connaissons pas encore les limites de nos jeunes pousses, ni comment le corriger. Et naturellement : il y en aura.
– Quel sera l’état d’esprit si on encaisse le premier but ? Ne risque-t-on pas de basculer ?
Et cela tombe bien, les matchs suivants (Caen, Valenciennes, Dijon, Laval et Rodez) ont répondu à ces trois questions : »
« Qu’en est-il de la qualité offensive de ce FC Metz ? C’est simple, au moment où j’écris ces lignes, c’est-à-dire à la fin du match contre Rodez et de la 6e journée, le FC Metz est l’équipe qui a inscrit le plus de buts en Ligue 2 avec 13 réalisations. Je n’aime pas dégager une personne en particulier, car je considère que c’est toujours un travail d’équipe, mais Mikautadze et Jallow sont bien sûr impressionnants.
Et même contre Caen, une équipe resserrée, et qui est le seul match où notre équipe n’a pas marqué : elle a quand même su se créer un nombre important d’occasions franche dont un poteau de Mikautadze.
L’équipe veut toujours aller vers l’avant, il y a toujours deux ou trois joueurs dans la surface adverse, et ça fait plaisir. On tente des frappes de loin, et il y a des espaces, des décalages, comme contre Valenciennes. Rien à voir avec la triste équipe que l’on avait l’an passé, et cela fait plaisir à voir.
Passons alors à la seconde question. C’est parti pour la revue de détail : tous en rang ! »
« Les limites. On peut dire qu’elles sont vite apparues. Le premier chantier : clairement la présence aérienne. On se fait battre dans tous les duels. Le seul qui s’en sort, c’est Niane, devant, qui commence à avoir une vraie présence, qui rappelle un peu Habib Diallo dans ses bons jours.
Mais en défense, c’est un carnage. Il suffit de regarder tous les buts encaissés, il y a systématiquement un duel perdu avant le but, ou pendant la passe avant le but. Tout le monde le voit, et c’est fou que ce ne soit toujours pas corrigé à l’entrainement.
Cela me rappelle la saison dernière, et tous les buts qui arrivaient sur le côté gauche et personne qui n’avait l’air de s’en inquiéter. La défense, c’est donc clairement le chantier à travailler. Celui qui nous fait perdre le plus de points. Car on a beau être la première attaque, on est aussi une des pires défenses du haut du classement.
Trop tendre sur l’impact physique, les attaquants courent tranquillement, pas encore d’automatismes dans le placement, et je constate que beaucoup de joueurs sont en dessous de leur rendement. Encore une fois, je n’aime pas désigner, mais Maïga a du mal à revenir à son niveau auquel il nous a habitué, et les autres ne font pas mieux.
Cela se ressent surtout lorsque notre équipe est mise sous pression. On s’affole, on n’arrive pas à garder le pied sur le ballon. On a essayé de ralentir le jeu contre Laval, et on a fini le bec dans l’eau. »
« On a essayé de faire tourner et casser le rythme contre Rodez : on s’est mangé un but direct. Il y a toujours ces longs ballons que l’on gâche sans savoir quoi faire. Et c’est souvent à ce moment-là que Boloni fait entrer de nouveau milieu, comme Maziz, qui permettent comme par magie de reposer un peu le pied sur le ballon.
Parce qu’à force de jouer stéréotypés, les adversaires nous voient venir avec nos longs ballons afin d’allumer les flèches devant. »
« Dernier point : Quel état d’esprit ? Contre Laval, on a clairement senti l’équipe s’effondrer. Psychologiquement, physiquement, moralement. Oukidja n’a pas aidé. La blessure sur Ndoram non plus, mais la réaction tout en nervosité de Centonze n’est pas normale non plus pour un joueur qui venait d’entrer.
Après, on se rattrape toujours sur le match d’après. Et même mené, l’équipe continue d’attaquer. On aurait même pu finir sur un match nul avec le penalty loupé de Niane contre Dijon.
L’équipe a l’air vraiment bien, mais individuellement, on sent que certains joueurs s’éteignent. Maïga, Centonze, Mikelbrencis, Ndoram, Kouyaté… Oh, tiens ! Que des joueurs qui voulaient partir. Comme par hasard.
Boloni avait alerté sur la présence d’agents véreux trop présents autour du club qui nuisait à la qualité de ses séances d’entrainements. Je pense qu’il faut effectivement commencer à faire le ménage. C’est bien connu : La crasse, il faut toujours la nettoyer « avant » de voir les mouches tourner autour. »
« Après la débâcle de l’an passé, le FC Metz est en ruine. Et je dis : tant mieux.
Je me souviens de ma dernière acad où j’incendiais un peu tous les responsables de cette déroute – je rappelle : 6 victoires, 13 nuls, 19 défaites. Et je suis content de voir que comme par hasard, ils sont tous (presque) parti à commencer par Antonetti qui était plus là pour amuser la presse et les journalistes que pour coacher ou entraîner une équipe.
On a tout changé, sol, plafond, mais pour la moquette, on a laissé la vieille en dessous en la présence de Boloni. Est-ce que c’est mal ? Je persiste à penser que cette équipe jeune a besoin d’un papa, de base, et Boloni peut apporter cela pour cette saison. Cette saison seulement car je pense que chaque saison a besoin d’un nouveau projet.
Va-t-on remonter cette saison ? Au vu des matchs déjà disputés, je dirais qu’on est dans les 6 du haut du classement, mais impossible d’en dire plus.
Voilà ce que je vois lorsque je vois ce mirage grenat. Voilà ce qui se cache derrière le voile une fois que l’on enlève tous les artifices, tout le maquillage.
Parce qu’on a beau être le troisième budget de Ligue 1, on ne se comporte pas encore comme tel. Cela ne demande « qu’à ». Peut-être qu’il faut plus de temps, plus d’assurance, plus de match, plus d’automatisme. Mais en tout cas, j’ai l’impression que l’envie de gagner est revenu à sinsinf. Et c’est un miracle qu’il faut savoir apprécier.
Il me vient alors une épitaphe pour ce Fc Metz, et je propose : « On sent qu’ils ont essayé de gagner ».
Et ça, c’est prometteur.
Le cours est terminé. »