La Coupe du Monde parallèle de Barnabé la plume

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Peut être le meilleur épisode de ce roman feuilleton de notre été.

La nouvelle gouvernance du football français

Précédemment, dans la Coupe du Monde parallèle :

Au cœur d’un scandale médiatique et moral sans équivalent depuis l’affaire Dreyfus[1], le football français vit les heures les plus sombres de son histoire. La preuve en est la parution dans le journal Le Monde d’un magnifique pamphlet cosigné Bernard-Henri Lévy et Alain Finkielkraut, tous deux poussés par un noble et courageux élan auto-publicitaire. Le texte, aussi superbe que la production intestinale d’un malade atteint de dysenterie aigüe, est sobrement intitulé « Je dénonce…! », bien que les auteurs soient deux.

Pénélope, la stagiaire de l’Equipe – une jeune fille élégante et perspicace, dont la présence à l’Equipe démontre l’incompétence des conseillers d’orientation de l’Education Nationale -, tente d’alarmer les journalistes des signes d’une progressive désaffection du public face à tant d’attaques violentes et gratuites. Euphoriques, ces derniers ne s’en préoccupent guère et veulent jouir sans entrave des nouveaux pouvoirs qu’ils détiennent, voire de Pénélope, si jamais il y a moyen.

Obtenue sous une pression intenable des médias, la démission de Jean-Pierre Escalettes oblige à gérer sa succession en urgence, avant le quart de finale de la France face à la Corée du Nord.

Le mercredi 1er juillet, vers 22h, Jacques Chirac prononce la dissolution du Conseil Fédéral à la demande de Jean-Michel Larqué et sur conseil avisé de Dominique de Villepin.

Le jeudi 2 juillet à 5h40, alors que tout allait bien et qu’elle venait, au cours de la nuit, de provoquer un formidable orgasme de son mari simplement en gémissant « Oh oui, oh oui, que c’est bon la Coupe de la Ligue, oh là là » durant leur traditionnel accouplement annuel, Cunégonde Thiriez pousse un hurlement aigu en apercevant son mari en train de se raser dans la salle de bain :

« Oh mais, mon baron ! » – oui, le couple Thiriez s’accorde des petits moments de tendresse familière en s’affublant de doux petits surnoms tels que « baron » pour Frédéric et «  baronne » pour Cunégonde – , « mais que fais-tu ?  oh mon Dieu que fais-tu, tu es en train de te raser la moustache ! »

« Que ma baronne demeure rassurée ! Je ne me rase que la moitié gauche de la moustache, afin de montrer ma détermination et d’indiquer qu’il reste encore du chemin à parcourir. Je sais, encore un coup médiatique imparable. »

« Oh oui, qu’il est bon mon baron, oh là là il est très fort, oh oui », répond-elle dans un élan d’admiration incontrôlée et d’érotisme tiède, qui ne sont pas sans rappeler les plus belles interviews de Nelson Monfort.

Si Frédéric Thiriez s’est levé aussi tôt, outre qu’il fait naturellement partie de la France qui se lève tôt, c’est parce qu’il sait qu’il doit consacrer sa journée à une importante réunion d’une commission spéciale chargée de redéfinir la gouvernance du football français. Nommée à son initiative, la commission est présidée par lui-même et composée de son beau-frère et de journalistes et consultants de l’Equipe, de France Football et de RMC.

La première priorité de la commission spéciale est de désigner un successeur à Jean-Pierre Escalettes. La lutte pour le pouvoir est âpre. Pour une seule place, tant de charognards en lice. Que faire ? Thiriez avait d’abord obtenu l’unanimité sur le nom de Philippe Séguin, avant de s’apercevoir que le candidat en question avait un empêchement majeur : il est décédé. Suite à cette méprise, plusieurs votes successifs ont lieu mais trois candidats terminent systématiquement à égalité. En nage, même s’il ne sue que de la moustache droite, Thiriez décide alors d’utiliser son joker, l’appel à un ami. Aussitôt, François Bayrou voit s’afficher sur son portable « le moustachu » et décroche :

« Oui, salut Frédéric, t’arrives pas à départager ? A trancher, prendre une décision ? Tu as bien fait de m’appeler, je suis la personne qu’il te faut. »

A la suite de la fructueuse conversation avec François Bayrou, la commission vote à l’unanimité la nomination à la tête de la Fédération française de Football d’un triumvirat composé de Jean-Michel Aulas, Pape Diouf et Jean-Michel Larqué. Dans le souci d’afficher son unité et sa solidarité, le triumvirat décide de s’exprimer d’une seule voix, donnant lieu à des communiqués de « synthèse » des trois points de vue dans l’ordre : Aulas, Diouf, Larqué. Le premier communiqué concernant la nomination d’un nouveau sélectionneur avant les quarts de finale contre la Corée du Nord en est l’illustration parfaite:

« L’Olympique Lyonnais s’étonne…oui enfin, pardon, la Fédération française, c’est ça, s’insurge contre le comportement du sélectionneur français qui a précipité l’Equipe de France et donc les sélectionnés appartenant à l’Olympique lyonnais dans la débâcle causant un préjudice financier considérable / et s’il est une dialectique à retenir, c’est bien celle du maître et de l’esclave qui nous impose à la fois des considérations théologiques et une certaine retenue philosophique en même temps que la capacité motivatoire doit être un critère essentiel de l’expression du sur-moi / donc, comme je l’ai dit depuis longtemps, mais alors depuis longtemps, j’avais raison, mais raison depuis le début, il faut quelqu’un à la tête de cette Equipe de France qui sache mettre les coups de pied au cul et pas qu’à gauche, à gauche, à gauche ! »

Il en résulte que Philippe Lucas se déclare honoré d’accepter le poste de sélectionneur de l’Equipe de France et promet que « ça va chier ».

A l’unanimité, Bernard Madoff est nommé trésorier de la nouvelle Fédération – Pierre Ménès avait notamment beaucoup apprécié la déclaration selon laquelle « l’argent n’a pas d’odeur » de l’heureux élu.

La nomination du médecin de l’Equipe de France prend moins de temps qu’il n’en faut au même Pierre Ménès pour retourner sa veste : c’est tout naturellement que le choix s’est porté sur un tandem Philippe Douste-Blazy / Bernard Kouchner, la bonhomie du premier étant idéalement complémentaire de l’ambition évangéliste du second pour prêcher la solidarité alimentaire envers l’Afrique.

Au poste de chargé de communication, Frédéric Thiriez avait d’abord songé à Nicolas Sarkozy et Henri Guaino, pour la capacité du premier à poser les questions au lieu d’y répondre et du second à rédiger les réponses du premier si vraiment il y avait urgence de répondre. Ayant été mis au courant d’une légère surcharge de l’emploi du temps de Nicolas Sarkozy – entre yachts, restaurants et butinage de l’italienne -, Thiriez finit par accepter d’offrir le poste à un tandem Denis Balbir / Gérard Holtz:

« Denis, il est très brun, il est gominé, il fait libanais : parfait pour le contexte africain. Je sais bien que le Liban n’est pas en Afrique, mais tout ça, c’est du pareil au-même, personne ne fera la différence et ça fera plaisir à Dassier. Et puis, un mot de travers et il te colle un procès, on est blindé avec lui. Quant à Holtz, il est tout sauf…Putté, ha, ha, haha !»

A ce stade et au fur et à mesure que les nominations sont rendues publiques, il se produit un mouvement de refus et de contestation de la part de la population que les médias refusent de voir en face. Distribué par les Cahiers du Football, un manifeste « pour le retour du bon sens et d’une réflexion mesurée » circule sous le manteau parmi la population. Vigilant, Denis Balbir est le seul à s’en inquiéter et obtient de la Justice française avec un J majuscule qu’elle ferme le site des Cahiers du Football pour de bon et prononce la guillotinage de Jérôme Latta.

La résistance semble écrasée et la réorganisation continue. Pour le poste de secrétaire, la commission connaît davantage de difficultés suite au refus catégorique de Rama Yade d’occuper un poste qui ne viserait, selon elle, qu’à servir la cause de ses ennemis qui prétendent qu’elle n’est pas ministre mais simple secrétaire, d’Etat ou pas. Heureusement, dans l’heure qui suit son refus, la commission accepte la candidature spontanée de Ségolène Royal, qui déclare :

« Je pense que c’est un déficit de démocratie participative qui a empêché les joueurs d’exprimer toute leur bravituderie. Je ferai tout pour restaurer la démarche participative pour que France triomphe et Hollande échoue.»

Sur une idée originale d’Hervé Penot, la commission décide de créer ad hoc un poste spécifique pour la durée de la Coupe du Monde, le « chargé de pont culturel entre l’Europe et l’Afrique ». Naturellement, Rémy Ngono est nommé à la fois comme une évidence et comme un symbole. Il se dit fier et honoré, mais à sa manière :

« C’est parce que l’aigle vole haut qu’il pisse sur la hyène», déclare-t-il, légèrement ému.

Jean-Alain Boumsong hérite du poste de « chargé d’intellectualisme » et organise aussitôt un colloque au domicile de Frank Leboeuf sur le thème : « Les conséquences sociopolitiques d’une victoire potentielle d’une ancienne puissance coloniale sur le continent africain dans un contexte post-apartheid globalisé » suivi d’un débat sur « l’influence de Richard Wagner sur les systèmes de jeu de 1954 à nos jours ».

Une fois l’organigramme bien défini, le triumvirat annonce une stratégie à deux axes pour le football français : l’introduction en Bourse de la Fédération française de Football et une politique d’encouragement de la natalité. Concernant le premier axe, le triumvirat affirme :

« La Fédération s’étonne du comportement d’une certaine presse anti-française qui prend systématiquement le parti de dénigrer toute stratégie boursière / la juxtaposition binaire et anatomique de bourses n’est pas une fatalité et la professionnalisation n’est que partie intégrante d’une prise de risque intégrée dans un monde désintégré / de toute façon, au point où on en est de cette débâcle, c’est la bourse ou la mort. »

Concernant l’axe stratégique de la natalité, le triumvirat préconise :

« Il est clair pour tout le monde que la France n’a pas les moyens structurels de lutter à égalité avec les autres grandes puissances, avec seulement 65 millions d’habitants. Le Brésil a des ressources incomparables, par exemple. / C’est pourquoi il conviendrait de mettre en exergue et encourager l’accroissement de la natalité d’une société non intrinsèquement focalisée sur les fonctions reproductives inhérentes à des instincts ontologiquement tournées vers la perpétuation de l’espèce. / Il faut la mettre au fond plus souvent, il faut la mettre au fond plus souvent, oh la la qu’est-ce qu’il faut le mettre au fond plus souvent ! »

Pendant ce temps, Philippe Lucas impose deux nouveaux postes au sein du staff. D’abord, le préparateur « chargé des glissades et tacles glissés », qui n’est autre que Philippe Candeloro. Prenant son travail très au sérieux, ce dernier glisse d’ailleurs à Ségolène Royal : « Tu sais que j’en ai une énorme… ? »

Mme Royal rétorque : « Lorsque j’entends votre discours, Cher Monsieur, je m’aperçois que c’est ici que nos chemins divergent. »

D’abord quelque peu décontenancé par la complexité du vocabulaire, Candeloro finit par tiquer sur le verbe « divergent » et alors son visage s’éclaire d’une satisfaction juvénile :

« Ouais, tu m’étonnes…t’as raison poupée, la mienne, elle en vaut au moins dix ! »

Le deuxième poste créé par Philippe Lucas est celui du «  chargé de coupe de cheveux empêchant le port de casque permanent sur les oreilles mais assurant un style capillaire élégant et homogène chez les sélectionnés ». Il est confié à Tony Vairelles.

Les médias annoncent le soir même « en exclusivité ! » le nouvel organigramme réorganisant de fond en comble le foot français. Ainsi équipée, la France est donc fin prête pour affronter la Corée du Nord…

Prochainement, dans la Coupe du Monde parallèle :

–       Le quart de finale contre la Corée du Nord

–       Une vague surprise…

Quelques tentatives de vannes, pour changer


[1] A l’intention de Denis Balbir ainsi que des authentiques fans de Luis Fernandez, qui de toute façon ne nous lisent pas, nous précisons qu’il s’agit de l’affaire touchant le capitaine Alfred Dreyfus, caractérisée par la dénonciation virulente de l’antisémitisme par Emile Zola, parue en 1898 dans le journal « L’Aurore » sous le célèbre titre « J’accuse… ! ».  Il s’agit d’un écrivain français qui n’a strictement aucun lien de parenté avec Gianfranco Zola, l’ancien attaquant de Chelsea.

9 thoughts on “La Coupe du Monde parallèle de Barnabé la plume

  1. L’Olympique Lyonnais s’étonne que la publication d’un résumé des derniers évènements footballistiques français au sein d’un site aussi sérieux que Horsjeu.net ne fasse pas une place plus importante à Pénélope.

  2. Jean-Alain Boumsong hérite du poste de « chargé d’intellectualisme » et organise aussitôt un colloque au domicile de Frank Leboeuf sur le thème : « Les conséquences sociopolitiques d’une victoire potentielle d’une ancienne puissance coloniale sur le continent africain dans un contexte post-apartheid globalisé » suivi d’un débat sur « l’influence de Richard Wagner sur les systèmes de jeu de 1954 à nos jours ».

    TROP FORT

  3. Moké se retrouve un peu dans Candeloro, va savoir pourquoi..

    Encore bravo Barnabé,c’est un grand plaisir de te lire et comme dirait Bernard, « Barnabé, celle là mon vieux je sens que tu vas t’la faire.. »

  4. +1 pour le manque de Pénélope. Moi qui attendais la surprise… et sinon encore bravo Barnabé, tu déchires trop.

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