Les devoirs de vacances de l’apprenti footballologue : de l’importance du nombre de buts

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Le petit est fan de Laurent Broomhead

Le football est un jeu, et comme tout jeu il se doit d’être spectaculaire pour être intéressant. C’est en tout cas une conception largement acceptée, et il est évident que si on connaissait l’issue d’une rencontre avant de la regarder, on choisirait plus volontiers un 5-4 qu’un 0-0. Lier intérêt et nombre de buts est humain, car marquer est l’aboutissement, tout le reste n’étant que cheminement. Il n’empêche, le football ne sort pas nécessairement grandi d’orgies de buts.

Pour bien saisir le concept, il faut admettre qu’un score ne reflète ni un scénario ni un contenu. Il traduit simplement le nombre de fois où le but, au sens propre comme figuré, a été atteint. Et le mérite, notion romantique niée par les Grecs, est dès lors totalement absent des débats. Pourtant, sans vouloir caricaturer un match de football de manière manichéenne, c’est avant tout le contenu qui lui permet d’exister, et non de rester dans une virtualité livescorienne.

Très souvent, le but fait appel à des concepts purement émotifs, là où tout le reste d’une partie (systèmes de passe privilégiés, duels physiques, style de jeu) repose sur des aspects plus factuels, froids, et donc analysables. On peut bien entendu considérer le fait de marquer comme un aboutissement, mais cela limiterait le football à un enchaînement d’événements particuliers si décontextualisé. Il y a donc bataille entre l’émotif et le rationnel, deux concepts à la temporalité différente. On ne peut construire sur de l’émotion, à moins de la rationnaliser.

Pour en faire un exemple pratique, on peut prendre le cas de la finale Manchester-Bayern en 1999. Beaucoup de gens ont oublié le scénario du match, savoir qui avait la maîtrise du ballon et si l’avantage du Bayern était logique, les deux buts dans les arrêts de jeu ayant éclipsé tout le reste. Dans ces moments-là, le sport perd toute rationalité et on ne peut que réagir devant une telle force mentale. Manchester a su capitaliser sur ce moment, et faire des fins de rencontres une part essentielle de son jeu dans les années futures.

A l’inverse, le récent Marseille-Lille a offert un spectacle très contrasté, où une force mentale n’existe que par la faiblesse de l’adversaire. Les errements défensifs observés ont été proprement hallucinants pour un match de haut niveau, même si cela doit être lié au contexte plus qu’à des valeurs intrinsèques. Sans vouloir être méprisant avec l’une ou l’autre équipe, on peut dire que tout ceci relève de l’erreur, et qu’on peut difficilement bâtir à partir de ces 90 minutes. Les supporters ont vibrés et les spectateurs se sont pris au jeu, mais cela est simplement lié au néant défensif que constitue l’absence de marquage sur coup-franc, ou simplement l’impossibilité de récupérer la balle et de calmer le jeu. Ici, le but n’est pas déséquilibre provoqué mais cautionné.

Bien que peu spectaculaire au niveau concrétisation, le jeu de l’Espagne à la dernière Coupe du Monde a montré la prédominance du projet sur l’opportunité, de la maîtrise sur le grain de folie. C’est en étant capable de provoquer le déséquilibre qu’on devient une grande équipe, et la capacité à rester maître de son destin, c’est-à-dire conserver un avantage sans laisser d’opportunités à son adversaire, est primordiale.

En résumé, on peut dire qu’un but peut avoir deux causes : une réussite de l’équipe qui attaque ou un échec de l’équipe qui défend. Selon les cas, on pourra ou non tirer des conclusions de celui-ci. D’un côté, une faculté de création, de l’autre de l’opportunisme. Et si être opportuniste est très utile, on ne peut dupliquer des phases offensives où l’adversaire se rate, tandis qu’on peut dupliquer des phases offensives où l’on réussit (à la manière des systèmes au basket). Dans les faits, se réjouir d’avalanches de but traduit souvent la frustration d’en être privé la plupart du temps, comme c’est le cas dans le championnat de France, ou la préférence pour le spectacle au détriment de la compétitivité, comme c’est le cas dans le championnat brésilien. La postérité fait office de rayon de soleil fantasmé dans un brouillard épais.

11 thoughts on “Les devoirs de vacances de l’apprenti footballologue : de l’importance du nombre de buts

  1. Pourquoi citer l’Espagne et pas le Barça?

    « C’est en étant capable de provoquer le déséquilibre qu’on devient une grande équipe, et la capacité à rester maître de son destin, c’est-à-dire conserver un avantage sans laisser d’opportunités à son adversaire, est primordiale. »
    Est ce que ce style de jeu n’est pas plus propre au Barça qu’à l’Espagne?

  2. Peut-être parce que le Barca flanque des déculottées tous les week-ends alors que l’Espagne a gagné ses matches de coupe du monde avec peu de buts marqués. L’auteur est cohérent : grosse maitrise, calme, duplication des schémas et peu de buts.

  3. @ Pat: le gamin ne veut pas d’histoire, juste son brevet (bien mérité), tout simplement.

    En parlant d’Histoire, « Le Mérite, notion romantique niée par les grecs »: je ne suis pas helléniste, du coup, j’ai pas bien compris.

    Le mérite des spartiates (cf Thermopyles) a largement été glorifié par leurs pairs, nan? Et il n’y a rien de romantique là-dedans, alors que dans l’Illiade (j’ai lu ça, y a longtemps), c’est l’inverse: très romantique (cf la belle Hélène) et aucun mérite (nan mais, encenser une bande de pillards qui prétendent sauver le(ur) monde, oukilé le mérite?).

    Ah mais non merde justement, c’est présenté à la gloire du peuple grec, mérite + romantisme. Bon alors, il ne la niaient pas cette notion ? Si ? Bon je suis perdu, je ne comprends plus rien de ce que je dis (putain, c’est que ça a l’air vrai cette -autre- histoire comme quoi, l’alcool ça détruirait les neurones…).

    Quel connard cet apprenti, il m’a niqué la tronche avec ses histoires de tarlouzes grecques…

    Sinon, sur le teufou, il est très très bon, filez lui son diplôme.

  4. Pat, tu lances un faux débat, le sujet de ce magnifique devoir de vacances ne se situe pas là. Ça ne sert à rien de multiplier les exemples, l’apprenti parle de l’Espagne comme il pouvait parler du Barça ou de n’importe quelle équipe qui, dans le passé, a su utiliser une maîtrise parfaite du jeu, tant taketique que tekenique, pour s’imposer durablement. Pour en revenir à l’article, le raisonnement est juste, mais personnellement, voir évoluer une équipe qui contrôle tout ne me plaît pas trop. Ça en devient trop mécanique. Alors bien sûr, certains joueurs apportent une touche de folie (messi par exemple), mais ça ne me suffit pas pour que je sois emballé. L’impression d’ensemble trop rationelle subsiste.
    Pouah, on dirait un intello quand j’écris ça!

  5. « Bien que peu spectaculaire au niveau concrétisation, le jeu de l’Espagne à la dernière Coupe du Monde a montré la prédominance du projet sur l’opportunité, de la maîtrise sur le grain de folie. »
    Le footballologue est dans le vrai. Qu’on me permette d’ajouter que c’est pour ça que souvent, les grandes équipes font chier.

  6. Ouais, j’y avais pensé mais ça me semblait un peu trop évident (quoique le « niée par les grecs est assez savoureux), alors j’ai préféré me prendre la tête sur le sujet. Gros succès donc..

  7. Sinon, pour les pisse-froids, OL-OM en mode « anarchie totale » (5-5, score final), c’était bieng aussi. Bon après, c’est plus vraiment du foot mais ils en ont pour leur pognon (rapport prix/émotions escomptées), du grand pecstacle quoi.

  8. C’est quand même du beau remplissage éditorial !
    ça veut pas dire grand chose, c’est pas tout à fait juste et tout ça pour arriver a une conclusion correcte mais sans grand rapport avec l’argumentaire ou la théorie présentée !

    Y a quand même « vacances » et « apprenti » dans le texte du coup je ne vais pas critiquer davantage !

  9. Plus que l’avalanche de buts en elle même c’est plutôt le scénario de ce genre de matchs qui est jouissif. Le nombre de buts n’a d’intêret que s’il est correctement distribué entre les deux équipes.
    Pour preuve , on choisirait plus volontiers un 1-1 qu’un 9-0.

    Ah foutu rationalité, mère de tous les maux.

  10. @Rodriguez 69
    Je te rejoins dans ton analyse. Très peu d’intérêt dans ce texte qui ne prend de la hauteur que pour y respirer l’air frais d’un doux sentiment d’une petite arrogance.
    Le succès de ce sport tiens beaucoup a l’émotion qu’il suscite. C’est la rareté du but et son caractère décisif qui constitue sa valeur. L’exemple de l’espagne se relativise au regard du corner contre l’allemagne et des lacunes de robben dans la finition. On peut dominer son sujet mais seul le but donne de la valeur au jeu d’une équipe.

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