Hors Sujet #2 : La Scapulaire académie à l’Opposée de la Lucarne

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« Celui qui se lève tard ne voit jamais la tortue se laver les dents » et celui qui se couche tôt ne verra jamais un Boca- River, question de priorité…

Après avoir fait ses premières armes à l’université de Bordeaux II (derrière Lescure, on comprend mieux la vocation footballistique), en 1998, le petit Nicolas Cougot se lance dans des études ambitieuses de Biochimie à Nancy. Six ans, plus tard, c’est enfin la consécration suprême. Le brillant étudiant décroche son doctorat en biologie moléculaire obtenant au passage le prix Eugénie de Rosemont, récompensant la meilleure thèse d’île de France.

On ne saura probablement jamais si cette vocation précoce pour les molécules ou les cellules a été motivée, d’une façon d’une autre, par son passage à proximité de Marcel Picot. En effet, Comment rester insensible aux assauts d’Olivier Rambo, aux tacles rageurs de Laurent Moracchini ou à la dentition parsemée de Tony Cascarino sans chercher à comprendre le pourquoi du comment ?

En 2008, notre petit chimiste se lance dans le monde 2.0. Au vu du succès des géants comme Caramail ou Lycos, Nicolas Cougot flaire le bon moment pour tenter d’ouvrir une lucarne, tout d’abord sur le football sud-américain, et ensuite sur le monde entier. La naissance de Lucarne Opposée est un événement pour la culture numérique. Attention, il ne s’agit pas ici de flatter notre interlocuteur du jour, de faire de basses flagorneries pour obtenir quelques bons mots en échange. La naissance et le développement de LO a ouvert une voie. Footballski, et bientôt une myriade de sites de passionnés vont naître de cette réussite.

Mais les compliments ne nourrissent pas son homme. Le format numérique permet cette originalité, cette petite touche de folie et d’audace que le papier ne peut plus s’offrir. Malgré tout, Nicolas Cougot ne parvient pas à vivre de son travail. Alors, il multiplie les maquettes, se lance dans des projets ambitieux et couvre, par exemple, la Copa America au Chili en faisant appel au Crowfounding. Depuis, le papa de Lucarne Opposée fait des piges à SFR Sport, commente des matchs à des heures tardives.

Vingt ans après son entrée en faculté, vous l’avez enfin compris, Nicolas Cougot ne s’occupe plus vraiment de chimie moléculaire ni même de biochimie. Son bébé sort son numéro III, en papier et en format numérique, grâce à une petite production artisanale éco responsable et tout… Il nous fait le plaisir de nous accorder un petit entretien pour parler des girondins (et surtout de l’Amérique du Sud) mais à l’opposé de la lucarne.


Kiki Musampalà : Ton parcours est la preuve par l’exemple qu’une voie professionnelle n’est jamais tracée à l’avance. En 1998, à l’heure où la France remporte la coupe du monde, tu rentres à Nancy en faculté de Chimie. Vingt plus tard, tu interviens de temps en temps sur SFR Sport, Lucarne Opposée sort son troisième magazine papier. Tu ne regrettes pas ta carrière éventuelle dans les laboratoires Servier ?

Nicolas Cougot : Je ne suis pas certain que Servier aurait été un jour un projet de vie pour moi. J’en étais assez loin en fait, mon rêve c’était la recherche académique, dans un labo universitaire, la vie derrière un microscope ou avec mes pipettes et mes tubes à essai en train de décomposer des voies cellulaires que j’avais beau expliquer à mon entourage sans qu’il n’en comprenne l’utilité. C’était mon monde, j’adorais ça. Mais j’ai tourné la page assez rapidement, sans remords ni regrets comme on dit. J’suis pas du genre à regretter, je me dis que si j’ai pris cette décision à cet instant-là, c’est que c’était la bonne.

On comprend mieux le changement stratégique de carrière professionnelle…

Puis en fait, finalement, ta description de mon parcours et la question me laissent penser que c’était vraiment une bonne idée. Et clairement, il n’y a pas de voie toute tracée, qu’importe ce que l’on puisse te dire ou faire pour t’arrêter (bon sang, on dirait un post sur Linkedin, alors j’arrête là). Je ne dis pas que c’est facile tous les jours, faut bien trouver un moyen de vivre quand même à côté mais, quand même, quand je vois ce qu’est devenu LO en si peu de temps, c’est assez fou. Le site aura beau avoir dix ans à la fin de l’année, tout a vraiment accéléré en 2015 et ton « vingt ans plus tard », s’il ne me donne pas l’impression d’être vieux (bon si en fait…), il me permet surtout de mesurer ce chemin parcouru. Ce n’était qu’un blog que je tenais à mes heures perdues après le taf lorsque j’étais chercheur, aujourd’hui c’est un site et un magazine papier – qui, en toute objectivité, est probablement le plus beau de tous…
Donc pas de regrets non, certainement pas, surtout que ça m’a permis de voir arriver une bande de rédacteurs qui ont fait de LO ce qu’il est aujourd’hui. C’est surtout grâce à eux que les projets de la maison LO n’ont pas de limites (je sais ça fait guimauve mais je le pense sincèrement alors je n’hésite pas à le dire et à l’écrire).

Nous aussi, on va adore les gars. Le prochain coup, on vous sort une citation facebook pour vous le prouver.



Kiki Musampalà : Parlons des limites justement, Lucarne Opposée ne cesse d’explorer de nouveaux territoires et d’étendre le champ des possibles. Mais comment devient-on un chroniqueur ou un conteur de l’ailleurs ? Il suffit d’écrire un mail et de proposer ses services ? Tu fais un casting à la Morandini ? Tu as déjà refusé une collaboration ?

Nicolas Cougot : En ce qui me concerne, je pense que je suis devenu chroniqueur par chance. Je n’ai pas fait de casting (heureusement d’ailleurs). Je ne dis pas que j’ai jamais postulé nulle part hein, comme tout le monde j’en ai tenté des envois de CV, généralement dans l’écrit (ATTENTION SCOOP : j’ai tenté France Foot par exemple à une époque), j’ai même tenté des maisons d’éditions pour des projets de bouquin (du coup, je vais probablement faire autrement). Je pense que comme beaucoup, j’ai une belle collection de renvois aux 22 plus ou moins amicaux. Mais c’est ainsi. Pour la télé, là aussi, j’ai eu la chance d’être contacté par Ma Chaine Sport pour venir commenter les matchs de Libertadores. Je me souviens avoir fait mon premier avec Nico Villas, c’était génial et de là ça ne s’est plus arrêté. Je le fais toujours depuis et maintenant, je suis directement aux commentaires. C’est encore plus fou. Je me dis que du coup, je devais faire l’affaire (ou qu’il n’y avait en fait personne d’autre ^^). C’est grâce à cela que je suis devenu chroniqueur sur SFR Sport.

Quand Nico (Villas) et sa bande ont lancé 91e, ils ont pensé à moi pour des chroniques « sudams ». Après discussion avec Nathan Franchi, j’étais emballé et c’était parti. C’était vachement bien 91e, je ne dis pas ça pour me la jouer corporate (je déteste ça, on me reproche assez souvent de ne pas l’être suffisamment d’ailleurs) mais on avait une liberté de fou (et j’peux te jurer qu’il faut être fou pour me dire « vas-y » fais ce que tu veux). Regarde, à titre perso, on m’a laissé parler de clasico des colonies au Chili, faire un quart d’heure sur un club d’indiens en Équateur (qui joue en D2). Quand tu y penses, personne n’a fait ça à la télé. Et personne ne le refera je pense. C’est dommage. C’était un vrai espace de culture foot. Ça sonne nostalgique ? Ça l’est ! Je n’ai pas souvenir d’avoir refusé la moindre collaboration. En fait, je ne sais pas dire non (ce qui implique que parfois -souvent- j’me fais bien avoir) mais bon si on vient me chercher, je suis toujours disponible.

On aurait bien trouvé un remplaçant à Balbir mais Tavernost a préféré le rappeler…

Concernant LO, on est ouvert à toute proposition. Après, même si notre objectif c’est de devenir un média professionnel (entendre par là qui paye ses rédacteur), pour l’instant – et je ne cesse de le rappeler à ceux qui me contactent – on est tous bénévoles sur LO, à commencer par moi. Donc si les gens sont prêts à cela pour partager leur passion, ils sont les bienvenus. Là encore, en général, je ne refuse pas (sauf quand j’ai déjà du monde sur une zone, j’suis pas un apôtre de la mise en concurrence). Il y a tellement de territoires qui nous manquent et qu’on voudrait explorer, surtout en Afrique et Moyen-Orient pour tout dire.



Kiki Musampalà : Les joueurs sud-américains sont plutôt bien implantés en France. Ils évoluent au plus haut échelon mais on les retrouve également en Ligue 2 et même en national. Le moindre club, un tantinet ambitieux, se doit de posséder dans son effectif un petit 10 brésilien qui sait faire quelques dribbles en enchainant quelques sourires édentés pour la presse. Mais on peut s’étonner que les recruteurs ne se décident pas à explorer d’autres continent. L’Allemagne, par exemple, s’est intéressé depuis de nombreuses années aux joueurs asiatiques. Comment tu peux expliquer ce scouting un peu hasardeux et minimaliste en France ?

Nicolas Cougot : Les Argentins et les Brésiliens sont plutôt bien implantés en France. Les autres… Je ne connais pas l’envers du décor dans tous les clubs français donc je me garderais bien de généraliser. Sur ceux que je « connais » un peu plus, le scouting est surtout une affaire d’agent qui vient toquer à la porte (non, on ne parle pas que du club auquel tu penses, quoi que peut-être en fait ^^). C’est dommage, il y a des pistes qui sont négligées, je l’ai vécu l’été dernier avec des internationaux chiliens refusés par certains clubs français (et non des moindres), je peux te citer aussi des clubs de Ligue 2 qui refusent des mecs parce qu’ils ne sont pas soit Argentin, soit Brésilien. Quand je vois des mecs comme Edison Flores le Péruvien qui est au Danemark (c’est un joueur magnifique), je trouve ça incroyable. Il doit être à la portée de tout club français mais personne n’y va, ils vont faire genre « tain, il est bon le mec » quand il va jouer contre les Bleus à la CDM mais ce sera trop tard. J’ai l’impression que son seul défaut est d’être Péruvien. Est-ce qu’on est condamné à ce genre de comportements ? Est-ce aussi car la France est un grand pays formateur et préfère mettre ses billes dans le joueur local et la « valeur sûre » argentino-brésilienne ? Je ne sais pas. Je trouve ça triste mais beaucoup de clubs français fonctionnent ainsi, ça semble leur convenir.

Le scouting en Ligain

 

Après, certains semblent aussi vouloir explorer d’autres pistes, fonctionnent différemment. Nice a une grosse structure de scouting, ils matent partout en « AmSud », ont des mecs sur place, regardent vraiment ce qui se fait (et pas qu’en Argentine ou au Brésil, je sais qu’ils étaient très intéressés par un joueur vénézuélien par exemple il y a quelques temps). D’autres zieutent vers l’Asie, regarde Metz, Troyes et Dijon. Je ne sais pas comment ils s’y sont pris, s’ils ont une cellule spéciale Asie, mais c’est une bonne chose. On a déjà eu des Asiatiques en L1 (Matsui, Nakata, Ahn…), je ne sais pas pourquoi on ne regarde pas assez de ce côté-là du globe pour tout dire. Je pense qu’il y a une grande méconnaissance et un manque d’envie de connaître (suffit de voir Cazarre – que j’aime bien – montrer des images d’un match all star sud-coréen à Kawashima le Japonais. C’est terrible quand tu y penses. Est-ce qu’on montrerait un match de Premier League à un joueur de BuLi ?). Il y a aussi ce problème des clichés. L’Uruguayen par exemple, c’est la garra. Regarde Bordeaux qui voit en Arambarri le nouvel Eduardo Costa alors que ceux qui l’ont vu jouer en Uruguay savent que le mec en est à cent lieues. Espérons que les nouvelles tentatives ouvrent véritablement la voie et ne soient pas que des coups isolés. Espérons aussi et surtout que les joueurs soient efficaces histoire de contribuer à changer les mentalités. Parce que ça ne passera que par là.


Kiki Musampalà : Scouting, ou pas scouting, on ne peut pas contester qu’il subsiste une part d’irrationnel dans la réussite ou dans l’échec d’un joueur sud-américain en Europe. En 1997, Ricardinho signe en Gironde. Il est international, estimé dans son pays, désiré par quelques grosses écuries. Son transfert semblait un coup parfait et imparable. A l’époque, je voulais son maillot et je le voyais déjà en haut de l’affiche. Et pourtant, sa carrière en Europe fut un échec total. Avec ses 21 sélections, on ne parle pas du clampin du coin qui se la racontait beaucoup trop, alors comment expliquer cette incapacité à s’exporter sur le vieux continent ?

Nicolas Cougot : Tu touches aussi à l’aspect incontrôlable, à la part d’imprévu. En fait, qu’importe le transfert, c’est toujours un pari. Un gars qui brille à Bordeaux par exemple, dans un contexte particulier, rien ne dit qu’il va briller quand il va changer de club, même sur un transfert franco-français ou franco-européen (la bise à Ibou Ba – tain je l’aimais d’amour lui). Alors quand en plus tu ajoutes le fait qu’ils arrivent jeune, le déracinement total qu’est la traversée de l’océan, ça peut rendre le pari bien plus osé (regarde Rolan, s’il n’est pas pris en main par Henrique, il explose en vol). Je ne sais pas dans quelles conditions s’est fait le transfert de Ricardinho (même si bon, ce devait être le même circuit que Gralak par exemple), ni même dans quel état il était lors de son séjour à Bordeaux. Le fait est qu’il est arrivé jeune à Bordeaux, il n’avait encore rien prouvé. C’est ensuite qu’il a explosé. Après, le gars a l’air spécial, j’sais pas comment il était à 20 ans à Bordeaux mais il a foutu la merde dans pas mal de clubs où il est passé ensuite donc bon…


Kiki Musampalà : Malgré les échecs sur quelques dossiers (le fabuleux Perea, le merveilleux Miranda, le déjà retraité Diego Placente ou la godasse André) les girondins n’ont jamais cessé de regarder, de scruter l’Amérique du sud, probablement à cause de l’influence de Charles Camporro et de quelques agents influents. Quel est le joueur qui t’a donné l’envie de regarder le football la tête en bas ?

Nicolas Cougot : Diego. J’ai 10 ans quand je vois ma première Coupe du Monde à la télé. C’est Mexico 86 quoi. Tu te prends le ciseau de Negrete contre la Bulgarie (même si bon Mexique c’est pas la tête à l’envers), tu as ce Brésil de fou aussi (mon dieu ce France – Brésil, c’était incroyable). Mais bon, surtout il y a Diego : Argentine – Angleterre ou Argentine – Belgique, c’est immense, c’est encore gravé. Plus que la finale d’ailleurs. Le match de Diego face à la Belgique, surtout vu le contexte, il est incroyable. C’est indélébile, ancré. La graine est plantée mais à l’époque, c’était compliqué de suivre l’autre côté du monde (par compliqué comprendre impossible). Je guettais les quelques encarts dans Onze Mondial, je lisais les résultats dans France Football, le strict minimum quoi. Alors, il ne restait que les Coupes du Monde. J’me souviens avoir eu les boules en 90 devant les larmes de Diego, j’ai dû insulter la Mannschaft pendant des mois (bon, c’est toujours le cas en fait).

Ça a la gueule d’un montage, on aurait préféré d’ailleurs.

 

L’Argentine et le Brésil sont dans l’imaginaire de l’enfant que j’étais. En grandissant, j’ai ensuite découvert Francescoli et donc l’Uruguay, Valderama et la Colombie…Ils ont contribué à faire germer davantage la graine plantée par Diego. Ensuite, quand tu te plonges dedans, ça devient une drogue : toutes les histoires sur et autour du foot en « AmSud », l’émotion physique que tu ressens quand tu vas dans un stade là-bas. C’est juste incroyable.

Diego, bien plus qu’un joueur de football, un créateur d’émotion, d’envie et de passion



Kiki Musampalà : La passion en Amérique du Sud est incontestable. Il suffit de voir, même de loin, l’ambiance à la Bombonera (petite provocation gratuite pour toi le fan de River…), l’importance des clubs dans le quartier, de son rôle social et identitaire (on vous invite à lire le reportage sur le Velez dans le Mag LO) pour se rendre compte de la place du foot en Argentine. Comment expliques-tu l’indifférence générale pour ce football en Europe ? Bein diffuse quelques matchs quand ils ont le temps, SFR tente bien de s’y mettre mais les abonnés tardent à rejoindre la nouvelle chaine sportive. Les grands club d’Amérique du sud comme Colo Colo ou Penarol apparaissent bien souvent comme des noms exotiques. On oublie le poids et l’histoire de ces clubs. Est-ce simplement du nombrilisme mal placé, un manque d’information ou le décalage horaire qui est responsable de ce relatif anonymat ?


Nicolas Cougot :
Écoute le décalage horaire c’est vraiment le pire prétexte possible. Je passe mon temps à saouler tout le monde dans mes émissions « l’Affiche de la semaine » avec ça mais c’est parce que ça me tient à cœur. Chaque week-end, tu peux voir des matchs de tous les pays « sudams » sans avoir à veiller jusqu’à 3h du matin. Au Chili, tu as des matchs à 16h, des »Clasicos » à 18h, en Argentine, c’est pareil, sans parler du match de 23h le dimanche, par exemple pour la dernière journée Boca jouait un samedi à 16h, à chaque journée, les matchs sont répartis sur toutes les plages horaires (dans l’aprem, le soir), en Uruguay pareil, ça joue souvent à 20h30 heure française, au Brésil, l’après-midi, à 21 heures, au Mexique, tu as un match tous les dimanches à 19 heures…bref, je pourrai passer mon temps à te lister les pays. Si tu veux suivre les championnats latinos (pour ne parler que d’eux parce que bon, c’est pareil si tu veux aller vers l’Est : l’Asie, c’est le matin, parfois tôt, mais aussi à 11h, à midi…), c’est largement possible et ne concerne pas que les insomniaques.

Comment est perçu un amateur des championnats exotiques par la presse traditionnelle ?

D’où vient l’anonymat ? Je ne sais pas. Nombrilisme, peut-être, pas certain. J’aurais du mal à l’expliquer, surtout que dans ce milieu, tu passes vite pour un donneur de leçons  dès que tu as l’outrecuidance de critiquer « un confrère » (si tant est que l’on soit confrère – suffit de voir comment certains nous considèrent, mais bon, c’est un autre débat). Ce qui me dérange profondément (qui m’irrite même), c’est quand certains consultants défoncent gratuitement sans connaître. On me l’a reproché mais c’est aussi pour cela que j’ai mis deux trois charges à Rothen sur les réseaux. Parce qu’un gars comme Rothen a une vraie influence, il est écouté, répété. Et c’est normal parce qu’il est pertinent sur certains sujets. Le fait est que son message passe vraiment parce qu’on lui offre un canal où il est plus que visible (et ça, je ne le critique pas, ce n’est pas à moi de juger si c’est une bonne idée ou non). Mais quand Rothen explique que le Mexique est un championnat de seconde zone (sans aucun argument) alors qu’il n’en a pas vu le moindre match, qu’il ne connait rien de la réalité économique/logistique/sociétale des équipes le composant (pour ça qu’il n’y a aucun argument), il donne non seulement un jugement hâtif, non fondé et erroné, mais surtout ce message s’ancre dans les esprits des gens et fracasse tout simplement en deux minutes ce que le boulot de 10 ans de médias comme LO (parce qu’on me le sort régulièrement le « mais pourquoi tu suis le Mexique, c’est un championnat niveau Ligue 2 »). Pour ça que je ne peux pas laisser passer. Et là, je prends l’exemple Rothen parce que c’est le premier qui me vient à l’esprit, mais il n’est pas le seul, et c’est même pas forcément le pire de tous, loin de là.

Après, cela ne me dérange pas qu’un média assume le fait de n’en avoir rien à faire de ces championnats, chacun sa cible (puis au final, c’est grâce à ça qu’on existe donc merci à eux), ce qui me dérange c’est quand ce n’est pas assumé. Tu vois ce qui les branche ou pas, regarde les papiers qui sortent avant la Coupe du Monde. Tu vois quand on dit aux mecs ne « te prends pas trop la tête Maurice, Panama, on s’en fout ». C’est terrible parce que tous ceux qui comme LO ou les autres – je pense à Footballski, à Nordisk tout comme je pense aussi à Furialiga qui a fait un taf énorme par exemple avant OM-Atlético et s’est retrouvé à devoir entendre des clichés à la con à longueur de finale – triment comme des fous pour présenter ces pays, donner envie aux gens d’en savoir plus, montrer la richesse de ces footballs, on se retrouve relégué sur les internets, noyé derrière les brèves des gros mieux référencés que nous. Mais c’est ainsi, et ça ne nous empêche pas de continuer à la faire.


 

(bon, visiblement, je ne peux pas en placer une)…

Bon, il ne faut pas non plus tomber dans l’opposition aussi débile que stérile. On n’est pas meilleurs que les autres, ils sont pas plus mauvais. On ne fait juste pas la même chose. Et surtout, on n’a pas la même liberté. Parce qu’il faut aussi dire les choses, ce n’est pas forcément un choix des journalistes en tant que tel. À ma petite échelle, je peux te citer des mecs qui ont une culture foot de malade (et pas qu’européenne ou franco-française) et qui bossent dans des grands médias. Ce n’est pas un souci humain, c’est une volonté éditoriale, nombreux décideurs (entendre ceux qui peuvent offrir des salaires) ont tendance à penser qu’il faut raisonner en fonction de ce que le « public veut » (comme si on le savait) et non pas essayer de donner autre chose au public (voilà, ça y est, je fais le donneur de leçons, je vais encore en prendre plein la tronche, mais bon, tu vois ce que je veux dire je pense). Bref, voilà, c’est ainsi, ce n’est pas la fin du monde, les sites que j’ai nommés ici sont là pour ça. Ne nous reste plus qu’à trouver le moyen d’en (sur)vivre et surtout, je reste persuadé que le public est capable de tout lire, de s’ouvrir. On est tout petit, on est dans notre coin, mais regarde notre magazine, je pensais en vendre 10 à la famille en passant au papier. Au final, on vend super bien alors qu’on a aucun réseau de distribution, quasiment aucune pub, que pour nous trouver, faut en vouloir (et je le répète, ce n’est pas une complainte, c’est aussi à nous de nous bouger). Il y a des projets qui sortent, je pense à Supersub qui est super intéressant et puis tu vois les Cahiers qui reviennent avec leur mook. C’est le signe qu’il y a une niche, qu’il y a un public. Je ne dis pas qu’il est meilleur que l’autre, juste qu’il existe. À nous tous, avec nos moyens de tenter de le combler.

Malgré tout, et pour en revenir aux grands groupes, certaines chaines essaient. Je ne parlerai pas de BeIn parce que je n’y ai jamais mis les pieds et je ne comprends toujours pas pourquoi ils ne profitent pas du fait d’avoir le foot argentin pour le vendre mieux que ça, ça reste une énigme pour moi tellement ce foot est riche. Mais SFR diffuse la Libertadores et la Sudamericana avec des matchs en direct. Je me souviens qu’à l’époque de Ma Chaine Sport, on avait aussi fait la Gold Cup et la CONCACAF Champions League. Y’avait du monde qui réagissait sur Twitter pendant les matchs de Gold Cup, j’me suis rarement autant amusé aux commentaires, c’était génial. Puis le truc cool, et j’en reviens à ce que je te disais plus tôt sur la notion de liberté qu’on nous laisse, c’est qu’on peut en profiter pour faire du culture foot pendant les matchs. Alors je suis conscient qu’on fait pas des audiences de malade avec nos matchs à 0h15 mais SFR assume quand même et propose une vraie couverture plutôt que de se contenter d’avoir les droits (oui, c’est pour toi BeIn celle-là). On va réussir à la gratter notre émission Libertadores/Sudamericana sur SFR Sport (je passe le message et j’me place, je suis disponible hein). Je me souviens aussi qu’Eurosport avait offert une super couverture de la MLS lorsqu’ils en avaient acquis les droits (avec une émission en plateau et tout et tout). Ça aussi c’était vachement bien. Et même si on me dira que ce n’est pas grand-chose, c’est déjà un début. C’est mieux que rien. C’est un premier pas avant Lucarne Opposée TV (rires)



Kiki Musampalà : On vous fait confiance, vous saurez trouver la force et l’énergie pour nous surprendre encore et encore. Revenons une dernière fois sur les girondins de Bordeaux. Romain Molina (que nous ne présentons plus) avait présenté Gustavo Poyet comme un passionné, un fou de ballon rond aux idées aussi trempées que son caractère. Après un début chaotique, il semble avoir trouvé ses marques au Haillan. L’Uruguayen a conquis lesBordelais qui ne demandent, au fond, qu’à vibrer un peu. Tu connaissais Gustavo de réputation ? Quel écho son arrivée a-t-elle eu en Uruguay ?

Nicolas Cougot : Non, je ne connaissais pas sa réputation. Je l’ai vu passer sans succès à Shanghai mais bon, là-bas c’est un contexte particulier, ça a toujours été du grand n’importe quoi dans ce club et en plus il devait se farcir des divas (comme Tevez). Bref, je n’avais aucun jugement à son sujet étant donné qu’il n’avait finalement véritablement dirigé qu’en Europe et que je ne suis aucun championnat européen. Son arrivée n’a pas non plus déclenché les passions en Uruguay, il y a eu quelques articles mais sans ferveur ni critiques. Rien de spécial donc.


Kiki Musampalà : Nous sommes à quelques jours de la Coupe du Monde. On imagine que cet évènement représente aussi une occasion en or de faire parler de Lucarne Opposée. Vous en profitez pour sortir le numéro 3 de votre LO Mag, peut-être le plus riche de votre jeune existence sur papier. Donne-nous ton sentiment sur la coupe du Monde des sud-américains. Toi, le fan absolu de Diego, comprends-tu le choix de Sampaoli de laisser Icardi au pays ? Crois-tu que le Pérou « c’est pas le Pérou » ? La Colombie a-t-elle une chance d’aller au bout ? Thiago Silva pleurera t’il comme il en a le secret ? Et comment l’Uruguay peut-elle espérer gagner en oubliant Rolan à Malaga ?

Nicolas Cougot : Tu sais qu’une fois que ce qui va suivre aura été lu, la tradition veut que l’exact opposé se produise ? Cela dit, les « sudams » arrivent avec des dynamiques diverses. Tu as le Brésil qui parait intouchable tellement il est équilibré et ultra-talentueux et qui pour moi est favori au titre. Tu as l’Uruguay qui ne s’est jamais qualifié aussi facilement pour une CDM, se voit offrir un groupe largement à sa portée (sur le papier et on sait que la théorie du papier ne s’applique que rarement sur le terrain) et que je vois sincèrement dans le dernier carré tant il me semble costaud. Et tu as les autres. La Colombie est intéressante, elle a évidemment quelques questions en suspens (comme beaucoup de sélections) mais elle a aussi pas mal de certitudes, des joueurs qui ont une sacrée expérience que ce soit en sélection ou en club, un sélectionneur qui bosse bien avec le groupe depuis plusieurs années. Il lui manque un leader à la Yepes derrière, il y a quelques soucis à certains postes (notamment dans les buts) mais dans l’ensemble, elle a de quoi faire de belles choses. Reste l’Argentine et, pour nous français, le Pérou.

Tu le sens bien le parcours de l’Argentine Nico ?

Que dire sur Sampa…je ne sais pas si quelqu’un comprend ce qu’il va/veut faire. Il a passé la dizaine de matchs à la tête de la sélection et on ne sait toujours pas comment il veut animer sa sélection et tente des trucs dans des amicaux contre des équipes qui sont très loin du niveau de ce qu’il va croiser en Russie. Il a de beaux principes, parce que Sampa reste Sampa, mais il ne place pas les joueurs en accord avec ces principes. L’Argentine ne convainc personne jusqu’ici même si je pense qu’on a tous tendance (moi le premier) à être plus exigeant avec cette sélection qu’avec d’autres. Concernant le choix d’Icardi, il n’y a pas de débat, on sait que les raisons sont extra sportives mais bon, c’est comme pour Benzema, ça fait vendre du papier alors on continue de tartiner avec des débats à son sujet. Pour le reste, j’ai la sensation qu’ils ne se doutent pas que leur groupe est bien plus compliqué qu’il n’y parait, il y a un excès de confiance chez les suiveurs qui me fait peur. J’ose espérer que c’est différent du côté du staff parce que le risque de désillusion existe vraiment (le Nigeria est super costaud et la Croatie n’est pas une équipe de peintres, sachant que tu peux toujours perdre des points face à l’Islande…).

Le Pérou au complet pour la Coupe du Monde

Concernant le Pérou, je suis embêté. D’une part parce que je vois bien qu’il y a une hype qui se crée autour de cette sélection et que je n’ai pas envie de faire partie de cela, d’autre part parce que le boulot de Gareca est immense et que cette sélection a vraiment de quoi être une vraie belle surprise. Il suffit de la voir jouer depuis plusieurs années pour voir comment elle a bâti son jeu, Gareca a réinstallé ce qui était le « toque peruano » des années 70. il y a de la qualité sur toutes les lignes avec quelques joueurs absolument magnifiques (mon préféré restant Edison Flores), ils sortent de deux « Copas América »  réussies. Le Pérou n’a plus perdu depuis fin 2016, il y a une dynamique ultra-positive (dans le lot, ils tapent l’Uruguay, la Croatie, l’Islande, font nul en Argentine, face à la Colombie…). Le souci, c’est qu’il y a un paramètre qu’on ne maîtrise pas : la charge émotionnelle qu’est une Coupe du Monde. Comment les joueurs vont vivre cette pression, est-ce que ça ne va pas trop cogiter, perdre ses moyens. J’espère que ce ne sera pas le cas et qu’ils passeront en huitièmes (derrière les Bleus bien évidemment ^^).


Nous tenions à adresser un grand Merci à Nicolas Cougot  de nous avoir consacré autant de temps, ne manquez pas le dernier numéro du Mag LO. Il est génial du début à la fin.

Nous vous retrouverons pour une académie consacrée à notre équipe de National 3. Ne la loupez pas si vous voulez connaitre les nouveaux Jules Kounde de l’an prochain. En attendant ce jour, venez vous perdre sur horsjeu.net et prenez le temps de venir tailler la bavette sur Twitter et profitez de la Coupe du Monde sans modération ici et ailleurs.

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