Lettres Persanales : Lettre VII
Lettre du père
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12 octobre
Notre bon Athanase,
Cette lettre pour vous, comme un remerciement sincère. Nous avons tenu à rédiger cette missive nous-mêmes pour bien appuyer le témoignage de notre infime estime à votre égard, vous qui désormais avez notre oreille et, plus encore, notre humble cœur.
Non, cher Athanase, vous ne pourrez jamais vous parer d’une modestie somme toute roturière. Vous avez, par votre esprit plein j’en suis sûr de fécondités similaires, réussi là où beaucoup ont échoué. L’idée qui vous est parvenue, peu importe où, peu importe quand, a provoqué un effet non pas boule de neige, mais rayon de soleil, si le Ciel peut nous en accorder la paraphrase. Certains ont tenté la lecture, d’autres l’art pictural, puis quelques-uns ont pensé que le théâtre serait salvateur, quand les derniers ont cru à une catharsis sur fond de danse. Mais vous, vous, vous et votre sens pratique délicieux, vous avez su viser juste. Même le plus précis de mes veneurs ne vous arrivera jamais à la cheville.
Mais, si nous avions pu nous intéresser plus tôt aux affres qui ont porté jusqu’alors votre existence, nous n’aurions jamais été étonnés de vous voir en présence d’une telle lumière éclatante. Vous, l’érudit, choisir d’aller enseigner sur cette terre barbare ! Lorsque Tintamarre nous a narré vos pérégrinations communes, quelle plaisance nous transporta jusque dans les contrées que vous visitâtes tous deux ! Nous ne pouvons que nous juger hâtifs quant à votre carte de visite. Porter la charge de purifier un pays aussi vicié, faire sacerdoce l’éducation des franges jeunes impavides car ignorantes, quelle abnégation splendide doit habiter votre âme toute entière !
Mais vous ne vous êtes pas arrêté là, il est vrai. Comme si ce sacrifice au service du savoir universel ne vous avait pas suffi, vous avez poussé encore plus avant votre quête effrénée de la fraternité des peuples. Vous l’aurez compris, votre idée de rapprocher un de vos petits sauvages en voie de développement avec mon Imaj par le biais de l’épistolaire nous ravit en grand et en immense.
Depuis qu’il a commencé ses échanges avec le va-nu-pieds, mon Imaj est devenu plus joyeux, plus sûr de lui. Il réclame moins sa mère lorsque quelque événement vient le contrarier, il marche plus droit que tous ses frères et il recouvre chaque instant propice à l’ennui par la pratique intense du sport. Il est par ailleurs devenu un fanatique de football, tout comme, je le crois, votre sauvageon. Cela nous donne donc l’occasion d’échanger un peu plus qu’à l’accoutumée, puisque que vous n’êtes pas sans savoir que nous avons manqué une carrière internationale sublime de peu, la faute à un genou récalcitrant.
Nous avons par ailleurs demandé expressément au centre de formation du RC Tassé d’accueillir mon Imaj, et cela sans pratiquer les tests de niveau. Nous sommes persuadés qu’il saura faire montre de tous les talents nécessaires pour devenir un grand joueur, peu importe le poste qu’il occupera. Nous comptons évidemment sur la continuité de l’échange avec votre zigomar pour que son état d’esprit ne change pas. Nous plaçons donc toute notre confiance dans votre patronage pour pousser votre zébulon à ne pas rompre ce lien qui est devenu, en tous les cas pour mon Imaj, indispensable.
Sachez que nous saurons nous montrer dignes dans notre reconnaissance si la réussite est au bout de cette entreprise. Le nom de Poullopeau ne souffrirait de ne pas récompenser ceux qui sont dans l’apport de bienfaits pour sa propre situation.
Nous, baron Etamer, maître de Poullopeau, seigneur des rives Harol, grand Tacticien du Gros-Prince de Saint-Séant la bénie, vous saluons, Athanase Fraimbois.